INFO+ : Ce podcast est produit par Louie Creative, l’agence de Louie Media. Sandrine Mouchet et Emilie Groyer de RoseUp ont écrit cet épisode, Eva Tapiero l’a préparé. Bénédicte Schmidt en a fait la réalisation et le mix sur une musique de Marine Quéméré. La production est supervisée par Eloïse Normand avec l’aide de Anouk Solliez.
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Je m’appelle Roselyne mais tout le monde m’appelle Rosy. J’ai 65 ans. Je suis professeure de langue, plus particulièrement d’Anglais, dans différentes institutions en enseignement supérieur. J’habite à Noisy-le-Grand.
En 2021, j’ai un cancer du sein. Suite à plusieurs examens, on s’aperçoit que c’est un cancer du sein métastatique.
Un cancer dont on ne guérit pas
Quand on m’annonce que j’ai un cancer métastatique, je dois avouer que je ne sais pas trop ce que c’est. On m’explique que c’est d’abord un cancer du sein, mais des métastases se sont développées dans d’autres parties du corps. Pour mon cas, c’est d’autres organes : le foie et les os. Ça peut se propager ailleurs, mais pour l’instant, je l’ai dans ces organes-là. Et la chose très importante aussi, c’est qu’on me dit qu’on n’en guérit pas. Donc ça, c’est vrai que c’est un choc. C’est déjà un choc de savoir qu’on a un cancer du sein et un double choc quand on apprend qu’il est métastatique.
Au début du cancer, j’ai eu de la chimiothérapie. Par la suite, d’autres traitements. Et je me rends compte que ce sont des traitements que je vais avoir à vie. Là, ça change beaucoup de choses parce que ma vie se retrouve transformée. Il va falloir jongler avec les rendez-vous à l’hôpital, les traitements, toute sa vie.
Vivre différemment
Je passe par différentes étapes. Je peux le comparer à un deuil. Pour moi, mon cancer métastatique, c’est un peu ça. On se dit toujours : « Pourquoi moi ? » Je suis bien, je vais bien. Et d’un coup, il m’arrive cette maladie grave. J’ai du mal à l’accepter. On peut accepter éventuellement le diagnostic, mais toute la maladie, je ne pense pas. On accepte juste de vivre différemment.
Étant très active, c’est difficile de continuer à vivre la même vie. Je suis le protocole, mais j’ai une volonté de continuer à faire toutes mes activités. Au tout début, quand même, je ralentis un peu parce que la chimiothérapie fatigue, même si je continue de travailler. Ça m’aide de continuer de travailler parce que je travaille beaucoup avec des jeunes et les jeunes, ça me booste ! J’adore mon métier donc, pour moi, c’est important. Même si parfois c’est un peu fatigant, mais ça en vaut la chandelle.
Négocier avec l’oncologue
Comme j’aime bien voyager, j’aime bouger, je fais de la moto, je fais du sport. À chaque vacance, avec mon compagnon, on part en moto. On peut partir assez longtemps. Parfois, mes soins se trouvaient calés en plein milieu de notre séjour. Mais je m’aperçois que je peux quand même négocier avec mon oncologue pour essayer de changer des dates. Je ne le fais pas régulièrement mais c’est possible. Comme je le dis, il faut oser demander.
Je mets un peu de temps pour m’affirmer, dire les choses, mais mon oncologue est quand même très réceptif. Je pense que l’oncologue s’adapte aussi un peu aux patients. Et suivant la personnalité de chacun, elle accepte ou pas. Et elle sait que moi, ça fait partie de ma guérison aussi. Et elle sait que je connais mon corps. Elle m’a dit : “OK mais s’il y a la moindre douleur, il faut arrêter”. Je connais mon corps et je sais que si des fois j’ai un peu de tension ou autre, je vais ralentir, je vais faire attention. Mais j’ai besoin de ça. J’ai besoin de faire ces activités sportives ou être au contact avec la nature. C’est très important pour moi.
Ça a été une étape importante. Ça me permet aujourd’hui de poursuivre mes soins mais aussi, de vivre ma vie.
Combien de temps j’ai à vivre ?
Ensuite, on a cette inquiétude : combien de temps je vais vivre. Un jour, une collègue qui a eu un cancer – mais je ne le savais pas à l’époque – me prend à part et me demande : “Comment tu vas ?”. Dans ses yeux, je comprends qu’elle sait. Elle me conseille la Maison RoseUp.
Je découvre un endroit formidable qui propose des ateliers pour aider les femmes atteintes de toutes sortes de cancers. Je découvre aussi d’autres femmes avec un cancer métastatique. Et je m’aperçois que je ne suis pas la seule. Il y a des personnes qui vivent avec leur cancer depuis des années. Quelque part, ça me rassure. Et petit à petit, j’oublie. J’oublie cette question – « Combien de temps je vais vivre ? » – et je vis. Je vis à 100, 200% parfois.
Ces associations, il y en a d’autres qui proposent des courts séjours en montagne. Il y a Bivouac et moi en Savoie et La Cordée Rose en Chartreuse. J’y ai découvert des personnes avec une bienveillance incroyable, un soutien, une aide, une sincérité. On est au milieu de la nature, avec des personnes vraiment très agréables, et ça fait un bien énorme.
Le temps est précieux
Mon cancer métastatique change beaucoup de choses également dans ma vie familiale. J’ai deux garçons : James et Timothy, 37 et 33 ans. Ça a été dur pour eux parce qu’en 2020, ils ont perdu leur papa d’un accident soudain. Et là, un an après, je leur annonce mon cancer métastatique. Donc c’est très douloureux pour moi de leur annoncer.
Mais ça a renforcé nos liens. Ils prennent plus contact avec moi. On avait toujours ce contact, mais je vois qu’il est différent. Un contact plus sincère, plus régulier. On partage plus de choses. Je ne leur cache rien et ils ne me cachent rien non plus. Avec le cancer, je pense qu’ils prennent conscience aussi que le temps est précieux.
Je me suis rendu compte au décès de leur papa, comme ça a été soudain, une fois qu’ils ont vendu ce qu’il y avait ou gardé quelques objets peut-être, il n’y a plus rien. Il n’y a plus rien. Il y a les souvenirs, mais avec le temps, c’est dur à dire, les souvenirs s’estompent. Même si on a des photos, le visage, la voix, c’est un peu lointain. Ce sera formidable s’ils ont ce podcast et s’ils peuvent entendre ma voix.
Des lettres en héritage
Ils ne sont pas au courant mais je leur laisse également des lettres à chacun. Pas pour parler de moi, mais parler d’eux. Et entre autres, je leur dis que je suis fière d’eux. Je suis fière des valeurs que je leur ai transmises, de leur éducation.
C’est quelque chose qu’ils pourront toujours garder avec eux, relire de temps en temps et, j’espère, lire ces lettres quand ils ne sont pas bien, qu’ils ont des difficultés ou qu’ils ne savent plus trop où ils en sont. Ma maman n’est plus là mais j’ai la lettre, il y a une présence. C’est une sorte de transmission.
Trouver du sens
Je pense qu’aujourd’hui, ma maladie, mon cancer métastatique, a complètement transformé, bouleversé ma vie. Alors qu’auparavant, je vivais comme ça, sans plus : mon travail, ma famille, mes amis. Là, j’ai besoin de trouver un sens. Et pour l’instant, ce que je fais – je réfléchis si je peux faire d’autres choses – c’est des collectes pour aider des associations. Pour moi, ça a un sens.
Je dois dire que j’ai découvert un autre monde. Je reçois tellement dans le milieu médical, les gens sont vraiment sincères et d’une bienveillance… On dit que c’est leur travail, mais pas que. Et aussi, dans les associations que j’ai citées, il y a vraiment des personnes formidables. Toutes ces personnes, je les ai découvertes et, à mon tour, j’ai envie d’en faire partie quelque part. Pour l’instant, j’ai vu cette manière de participer, mais j’essaie encore de voir ce que je peux faire de plus grand encore pour donner tout ce que je reçois.
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