Bien que son principe soit connu depuis le XVIIIe siècle, la vaccination n’est entrée en cancérologie que dans les années 1990. Elle fait aujourd’hui partie des immunothérapies : ces nouveaux traitements qui visent à stimuler l’organisme pour qu’il lutte par lui-même contre le cancer. Il s’agit de mettre le système immunitaire au contact d’une cible, appelée antigène, pour qu’il apprenne à la reconnaître, et à la traquer dans l’organisme, afin de détruire toute cellule qui l’afficherait à sa surface. Un peu à la manière d’un limier, patiemment dressé pour reconnaître une odeur, qui s’élancerait à la poursuite de celui qui la porte. Si la théorie est simple, la mise en œuvre est plus complexe. Les chercheurs ont identifié une centaine d’antigènes tumoraux. Le premier étant MAGE-1 (melanoma-associated antigen 1) découvert dans le mélanome. Certains sont surexprimés par les cellules tumorales mais se retrouvent également à la surface des cellules saines. Le système immunitaire va peu réagir à ces cibles car il a été éduqué pour ne pas s’attaquer aux cellules de l’organisme. Pour reprendre la métaphore canine : un chien ne s’attaquera pas à une personne qui se sera aspergée du parfum de son maître, même s’il s’agit d’un assaillant. D’autres cibles sont spécifiques des tumeurs. C’est le cas des antigènes viraux affichés à la surface des tumeurs induites par un virus (le cancer du col de l’utérus provoqué par le Human Papilloma Virus par exemple) et des “néoantigènes” qui sont produits à la suite de mutations. Ces cibles étant étrangères à l’organisme, elles vont provoquer une réaction immunitaire plus importante.
Une technique complexe aux résultats peu concluants
Le choix de l’antigène est donc crucial, mais la façon dont il est présenté l’est tout autant. Un chien reniflera mieux une odeur imprégnée dans un tissu plutôt que vaporisée dans l’air. Il en va de même pour le système immunitaire. Plusieurs stratégies existent. Les formulations les plus efficaces consistent à utiliser un “véhicule”. Il peut s’agir d’un virus, préalablement rendu inoffensif, que l’on aura modifié génétiquement pour qu’il exprime des cibles tumorales à sa surface. Comme le système immunitaire est naturellement éduqué pour reconnaître les virus, la réponse sera importante. Le revers de la médaille est qu’elle sera dirigée non seulement contre la tumeur mais aussi contre le virus thérapeutique, ce qui oblige à réaliser de multiples injections et à changer de virus. Une alternative consiste à utiliser des cellules spécialisées dans la présentation de l’antigène : les cellules dendritiques. Prélevées chez le patient, elles sont manipulées en laboratoire pour qu’elles affichent des antigènes tumoraux avant d’être réinjectées. Cette approche a fait ses preuves dans le cancer de la prostate. Un vaccin a d’ailleurs été approuvé par la Food Drug Administration aux États-Unis. La technique reste toutefois complexe, coûteuse et est donc très peu utilisée.
Quel(s) que soit le(s) antigène(s) ou la formulation choisi(s), la vaccinothérapie en oncologie est décevante car, même si elle parvient à mobiliser nos défenses naturelles, ces dernières sont contrées par les cellules tumorales qui disposent de mécanismes pour les “endormir” (lire notre BD : « L’insaisissable gang des K« ). Pour pallier ce problème, l’une des solutions est de la combiner à d’autres traitements comme les inhibiteurs de checkpoint : une immunothérapie dont la fonction est justement de lever ce blocage. Actuellement, des essais cliniques testent cette combinaison dans les cancers colorectaux, du pancréas, du poumon, de la prostate et du cancer du sein triple négatif.
Émilie Groyer
En partenariat avec l’Institut national du Cancer