Héloïse, 16 ans, Nord
« Elle se voit bien cette cicatrice du PAC sous la clavicule, mais je m’en fiche. Je ne la cache pas. Quand on me demande ce que c’est je l’explique volontiers, je n’ai pas honte. Avoir des cicatrices, c’est avoir vécu des choses fortes, le genre de choses qui vous apprend la valeur de la vie.
J’en suis constellée depuis qu’on m’a soignée pour un carcinome ovarien très agressif. J’ai subi une douzaine d’opérations. On m’a retiré les ovaires et l’utérus. La plus grande de mes cicatrices fait 20 cm. Elle me barre le ventre, mon père la compare à un smiley (sourire). Je trouve ça mignon.
J’ai décidé que cela ne faisait pas de moi une jeune fille différente des autres… même si j’ai l’impression d’avoir la maturité d’une femme de 85 ans! »
Ruzika, 47 ans, Paris
« On m’a retiré le mal qui s’était logé d’abord dans le côlon, puis le foie et aujourd’hui le péritoine. Trois cicatrices donc, qui sont autant de traces de lutte. Et de vie aussi, parce qu’elles me disent « va, souris et continue ».
Au départ, je les rejetais. Avant le cancer j’avais déjà une piètre image de moi, elles n’ont fait qu’empirer les choses. Je me suis détestée. Elles rendaient, aussi, toute relation intime avec un homme difficile. J’avais peur qu’il voit une femme déchirée, rafistolée.
« Et puis un soir, dans mon lit, en regardant mon ventre, j’ai enfin réalisé que, pour être bien avec moi même, il fallait que je vive en paix avec elles. Avec respect et émotion, j’ai alors posé ma main sur mon ventre. Une façon de le remercier, de remercier tout mon corps de m’avoir menée jusque là. Et j’ai enfin pu dire à mes cicatrices que je les aimais. Si je suis encore debout aujourd’hui c’est grâce à elles. Ce sont mes héroïnes à moi. »
Romane, 39 ans, Marne
« Quand on m’a posé la prothèse à la place du sein qu’on m’avait retiré, je n’ai pas réussi à voir autre chose qu’un volume qui faisait office de. Le tatouage du téton a encore plus accentué cet aspect factice. J’avais l’impression qu’on m’avait collé une gommette. Ce n’était pas possible. Une amie m’a alors conseillée de me faire faire un vrai tatouage par dessus.
C’était une chance de rendre joli un moment de ma vie qui ne l’était pas. J’ai choisi une fleur de Lotus parce que c’est le symbole d’une épreuve qu’on a surmontée. Elle a été dessinée spécialement pour moi par le tatoueur, elle est donc unique. Aujourd’hui j’ai un sein naturel, un autre « artistique ». Ça me va très bien ! »
Véronique, 49 ans, Drôme
« Quand le docteur m’a dit qu’il fallait faire l’ablation des ovaires, je l’ai accepté sans problème. L’idée d’avoir le cancer en moi m’était insupportable, je voulais qu’on m’en débarrasse. L’intervention a eu lieu en 2012, et je me suis réveillée avec cette cicatrice… Je n’ai jamais pu la toucher. Je ne la savonne pas sous la douche, je n’y passe pas de crème. Je l’évite. Elle a réveillé quelque chose de très profond.
« Au long de ma vie, j’ai souvent été blessée dans ma féminité et ça se greffe là maintenant. Et puis tous les jours, elle me rappelle que les choses peuvent basculer, que je suis en stand by parce que la récidive est toujours possible. Du coup, j’entreprends plein de choses, par peur de ne pas avoir le temps de les faire. Je n’arrive pas à passer à autre chose. Cette cicatrice est dans mon âme. »
Nadia, 41 ans, Hauts-de-Seine
« Avant cette marque était celle de la mastectomie. Maintenant quand je la regarde, je vois le symbole du combat que j’ai mené et gagné. Alors, j’en suis fière aujourd’hui. J’ai eu une reconstruction par Diep, soit cinq opérations. Mon corps est un pachwork mais c’était le prix à payer pour que le résultat soit beau et complètement naturel. Cette cicatrice est aussi longue que mon parcours. Elle en signe la fin, et le début de ma nouvelle vie.
Ça fait sept ans maintenant, et je n’ai pas vu le temps passer! Dans l’intervalle, je me suis marié avec le père de mes deux enfants. J’ai perdu du poids, retrouvé la silhouette que j’avais plus jeune et qui va avec ma poitrine. Je revis. Ce qu’elle dit de moi? Que je suis une survivante, une femme qui croque la vie. »
Lydie, 30 ans, Pas-de-Calais
« À la base du cou, je garde la trace d’une biopsie faite sur le ganglion en janvier 2012. C’est ce qui a révélé un lymphome de Hodgkin. Qu’est-ce que j’ai pu pleurer sur cette cicatrice! L’idée de l’avoir à vie était si… bizarre. Et puis elle était boursouflée, disgracieuse, et surtout très douloureuse. Elle m’empêchait de bouger librement. Longtemps ses quatre centimètres ont concentré mes craintes et mes peurs sur l’issue de cette histoire.
Mon regard a changé quand on m’a annoncé que j’étais en rémission, en octobre 2012… Aujourd’hui je ne dirais pas que je la trouve jolie, ce serait un grand mot, mais elle ne me gêne plus, elle se confond avec ma peau. On dirait qu’on est nées ensemble. Et c’est ensemble qu’on avance maintenant. »