Apprendre que l’on a un cancer colorectal à 30 ans, il y a plus glamour comme aventure à partager avec son mari. Tout a commencé au cours d’un repas familial. J’ai dû me rendre précipitamment aux toilettes et là, ¼ de selles et ¾ de sang ! Je n’ai pas paniqué mais j’ai vite pris rendez-vous avec mon médecin traitant. Ensuite, le parcours classique : consultation avec un gastro-entérologue, coloscopie… Quand le médecin est arrivé un peu plus tard dans la chambre, tout se lisait sur son visage… Quelques jours après, rendez-vous dans son bureau avec Jean-Francois, mon mari : en rafale, l’annonce du retrait du côlon et du rectum. Forcément, c’est dur. Heureusement, quelques jours plus tard, je suis tombée sur un chirurgien exceptionnel qui m’a tout expliqué. Il nous a remis sa carte avec le numéro et le mail pour le joindre à tout moment. « Il ne faut pas rester avec des doutes, il n’y a pas de questions bêtes », nous a-t-il dit. Malgré ça, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que j’étais un « cas » : durant l’opération qui a duré 6h30, le chirurgien s’est arrêté de compter à 150 polypes ! Cancéreux, pré-cancéreux, quand on aime, on ne compte pas. Une semaine plus tard, je sortais de l’hôpital, le côlon et le rectum en moins mais une poche en plus !
« Il est revenu un peu plus tard avec un super matelas anti-escarres qu’il avait récupéré chez ses parents »
Avec tous ses inconvénients, le pire étant que je faisais une allergie aux poches ! Une marque a changé la colle du jour au lendemain et j’ai fait une réaction : mes poches ne collaient plus, ma peau était à vif, elle suintait, c’était l’horreur ! Quelques jours plus tard, retour à l’hôpital local : après une bonne heure dans la salle d’attente, le médecin me répond « on ne peut rien faire ». Il était 22h. Mon mari et moi étions épuisés. Nous voulions juste une solution pour pouvoir dormir – entre les fuites de poches et les effets de la chimio, les nuits sont courtes !-. De guerre lasse, le médecin finit par me poser une poche. A peine arrivée à la voiture qu’elle était déjà tombée ! L’enfer.
Arrivés à la maison, Jean-François, -qui a plus d’un tour sans sa poche !-, a positionné des cousins sur lequel je me suis allongée en mettant un saladier sous la stomie ! Le lendemain, à mon réveil, plus de mari ! L’espace d’un instant, j’aurais pu imaginer le pire… Mais cela aurait été mal le connaître ! Il est revenu un peu plus tard avec un super matelas anti-escarres qu’il avait récupéré chez ses parents. Il a retiré deux ou trois gaufres, il a mis un drap housse avant d’installer un saladier à la place des gaufres retirées ! C’est ainsi que je suis restée allongée sur le ventre sans poche, la stomie au dessus du saladier pendant cinq jours, alternant B Pantène et Bleu de Mylian! La tête de l’infirmière quand elle a vu cela, je m’en souviendrai toujours !
Malgré quelques péripéties, j’ai pu partir en vacances, me baigner…vivre ! A notre retour, LE rendez-vous que j’attendais tant avec mon chirurgien pour fixer une date pour enfin la remise en continuité. « Ce sera le 24 septembre », m’annonce-t-il. Un beau cadeau d’anniversaire pour mon mari qui est du 25. Il a toujours été à mes cotés. Il n’a jamais hésité. Allant jusqu’à changer mes poches. Avec moi, allez savoir pourquoi, il y avait toujours une fuite. Avec lui, elles tenaient au moins trois jours, ce qui me permettait de ne pas dépendre des infirmières !
« La question d’avoir des enfants ou non se pose »
Cinq ans ont passé… J’ai repris le travail en mi-temps thérapeutique en 2013 puis à 70%. J’ai dû abandonné mon métier d’esthéticienne, trop physique. Je suis toujours suivie de près, avec une coloscopie et une fibroscopie une fois par an sous anesthésie générale. Le chirurgien en profite pour brûler une zone de polypes tout en les surveillant. Même si je vais bien, il reste des inconvénients : je vais aux toilettes plus souvent que les autres, avec des selles liquides. C’est très pénible, surtout la nuit. Je ne m’endors jamais avant que mon intestin soit vide sinon je me retrouve à changer les draps en pleine nuit ! Et surtout, j’ai appris en septembre 2014 que c’est génétique ! Mon frère et mes parents ont fait une prise de sang… Je suis donc le seul premier maillon et la question d’avoir des enfants ou non se pose. J’ai actuellement 36 ans. Si nous faisons un enfant naturellement avec Jean-François, j’ai un risque sur deux de transmettre le gène, la maladie. Pour le moment, nous ne souhaitons pas prendre ce risque. Nous sommes donc suivis à Strasbourg pour d’effectuer un DPI (diagnostic pré-implantatoire), c’est-à-dire un tri embryonnaire et une fécondation in vitro ».