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Ingrid témoigne de son cancer du canal anal : "Maman est comme un pétrolier qui dégaze"

{{ config.mag.article.published }} 16 mars 2017

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Rencontre avec Ingrid, qui se livre sans filtre et avec humour sur sa traversée du cancer du canal anal.

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Il était une fois… une vie de famille comme bien d’autres. Nous sommes en 2009. Nous formons un joli couple. Cinq enfants à nous deux. La vie est plutôt très belle mais je remarque une excroissance de chair qui sort du rectum. Rendez-vous chez ma généraliste : elle me confirme le truc le plus glam qui soit : des hémorroïdes. Je repars avec une crème… qui n’agit toujours pas au bout d’une semaine. Histoire de faire honneur à la dinde de Noël, je prends rendez-vous avec un gastro-entérologue. Quelques angoisses et examens plus tard, il m’annonce que j’ai un cancer du canal anal. Je ne savais même pas que ça existait ! J’ai 39 ans… 40, le 31 décembre ! La fête ! J’accuse le coup et commence les traitements début janvier avec la pose de chambre, suivie d’une semaine de chimio non stop à l’hôpital et des rayons tous les jours. Étonnamment, je ressors de cette première semaine pas trop exsangue mais moyennement enthousiaste à l’idée d’avoir des rayons tous les jours pendant six mois. Deuxième semaine de chimio, je fais une réaction : j’ai l’impression de brûler vive, je hurle de douleur ! Le canal anal, ainsi mon vagin, sont brûlés par les traitements. A l’intérieur de moi, tout est en carton. Un peu comme Linda de Suza et sa valise ! Pour que ma peau se repose, -et moi avec !-, on arrête le traitement. Je sors de l’hôpital en chaise roulante et reste couchée pendant des semaines. Je ne me lève que lorsque ma mère ou ma sœur me conduisent à mes séances de radiothérapie. Épuisée, je souffre tellement que l’on me met sous morphine. Je suis en sang. Rien ne me calme, seul un barreur de feu parvient à me soulager un peu.

« Forcément, ma féminité en prend un sacré coup »

Il va me falloir apprendre à vivre avec ma « nouvelle » vie : j’ai des diarrhées incessantes, je ne me sens plus  » étanche « . Forcément, ma féminité en prend un sacré coup. Côté alimentation, on est loin du trois étoiles : j’alterne riz et légumes cuits. J’essaie d’éviter les périodes de stress, car cela provoque de l’herpès anal. Je vis avec la peur au ventre à l’idée de pouvoir me vider n’importe où, n’importe quand. Heureusement, mon humour ne s’est pas fait la malle ! Alix et Victoire, mes deux poupettes rient de mes déconvenues. Quand on fait de longs trajets en voiture, il faut que je prévoie mes arrières sinon je peux me vider de manière intempestive. Pour détendre l’atmosphère, je leur dis : « Maman est comme un pétrolier qui dégaze », et ça les fait hurler de rire.

Côté boulot, j’ai la chance de travailler pour une entreprise en or, l’agence Florence Dore. Elle a adapté mon emploi en mi-temps thérapeutique, tout en sachant qu’à tout moment, ça pouvait « déraper », à l’agence comme chez les clients. Ils ont accepté mes fatigues, mes retours chez moi en urgence… bref, de ce côté là, j’ai une chance de malade ! C’est moins évident du côté des douleurs et des fuites à gérer. Comme un malheur n’arrive jamais seul, en octobre 2013, mon père est décédé d’un cancer du cerveau. Avec ma mère et mes sœurs, nous avons tenu à ce qu’il reste à la maison. Il avait déjà eu un cancer du côlon en 1998, puis le foie avait été touché, les poumons, la prostate… Le dernier a été fatal. Cela aurait pu s’arrêter là mais non ! Pour terminer l’année en beauté, après dix ans de vie commune, mon chéri m’a quittée en quinze minutes. Je n’ai rien vu venir. Motif ? « Le manque de sexualité ». C’est sûr, le Kama Sutra avec un cancer du canal anal, ce n’est pas évident. J’étais « moins sexy qu’avant… ».  Ah ah ah. Forcément, avec mes protections, ma confiance en moi s’était un peu émoussée. Il faut du temps pour se retrouver. Pour cicatriser… Sauf que mon homme, pendant que je me battais contre la maladie, avait une furieuse « envie de vivre sa vie » et… une maîtresse.

« L’humour, ça sauve de tout : ça soigne et ça guérit »

Du jour au lendemain, je me suis retrouvée dans la rue. Étant en mi-temps thérapeutique, ma sœur m’a logée pendant deux ans, le temps pour moi de remonter la pente… J’ai perdu 16 kg en deux mois. Pendant un an, j’ai  dû mettre des protections comme les personnes âgées car je me vidais tout le temps. J’aurais pu baisser les bras… mais l’humour, ça sauve de tout : ça soigne et ça guérit. Rester droite dans mes bottes, avec et pour mes poupettes. Grâce à ma bande d’ami(es) formidables, qui bravent la tempête avec moi. Envers et contre tout. Je n’ai pas encore mon propre logement mais j’ai repris mon plein temps à l’agence. Là encore, avec quelques aménagements. Je n’arrive pas au bureau avant 10h. Avant, il faut impérativement que je me vide pour pouvoir partir. Le moindre changement de rythme peut tout bousculer et je suis obligée d’alterner périodes de laxatifs et riz ou pâtes. L’avenir ? Mon super oncologue veille sur moi. Je le vois tous les six mois et je fais une fibroscopie et une coloscopie tous les trois ans. N’ayant plus de muscle sphinctérien, d’ici quelques années, je devrais porter des protections en permanence. Moralité ? Il faut vraiment que je me dépêche de trouver un fiancé !.

 


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Céline Dufranc

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