Nous sommes en 2022. Si je vous dis que je crois encore au père Noël, je parie que vous allez sourire ! Pourtant, c’est bien pour le voir qu’avec ma fidèle Jeannette, ma compagne de voyage, ma bicyclette, qui me porte et m’emporte, nous faisons route, loin, très loin, vers la Laponie.
Depuis mon adolescence, voyager, vivre à fond des aventures palpitantes, et parfois tomber amoureuse en route, c’est dans mon ADN. Canada, Nouvelle-Zélande, Tahiti, Brésil, Israël, États-Unis, Cuba… Entre deux boulots, et grâce à CouchSurfing (un super-réseau international d’hôtes toujours prêts à vous accueillir sur leur canapé pour une nuit ou deux !), j’ai pu faire le tour du monde.
En janvier 2018, de retour chez moi, à Nantes, après un gros chagrin d’amour, je découvre un petit kyste sous mon aisselle droite. Je suis une grande optimiste, et rien ne me fait peur, mais je consulte. Le 15 mars, le diagnostic tombe, et moi avec lui : j’ai un cancer du sein HER2 positif. Alors que je m’apprêtais à repartir en Amérique du Sud, changement de cap : direction l’hôpital. Premières chimios, premiers cheveux qui tombent. Le traitement est dur, je suis rincée.
Juin arrive et avec lui, Felipe, un beau Brésilien. Je ne le laisse pas longtemps dormir (seul) sur mon canapé : entre nous, ça tilte ! Il voyage à vélo et me parle de son projet de traverser l’Europe de l’Atlantique à la mer Noire en suivant la route de l’Euro- Velo 6. La fatigue est là, le cancer aussi, mais l’amour me donne des ailes, et j’ai soudain une furieuse envie de me mettre, moi aussi, à pédaler ! Ni une, ni deux, j’achète ma petite reine. Je la baptise Jeannette, clin d’oeil à ma grand-mère disparue peu avant mon diagnostic de cancer.
« Ma petite reine et moi, c’est pour la vie ! »
Le mois d’août s’achève, et ma cure de chimiothérapie aussi. Je me sens mieux, alors je m’entraîne. J’avale les kilomètres, je me « challenge ». En octobre, retour à la case traitement : mastectomie puis radiothérapie. Je dois arrêter le vélo. Mes muscles fondent, mon corps est en souffrance, mais ce qui me met vraiment le moral à zéro, c’est de vivre sans projet ni voyage. 2019 : je passe à l’immunothérapie, puis me voilà sous hormonothérapie pour les cinq ans à venir. Mais je recommence enfin à bouger, et à vivre ! L’Inde me tend les bras, je m’y répare, corps et âme.
Les deux années qui suivent, malgré le Covid-19 et les confinements, rien ne m’arrête, j’ai le vélo dans la peau. Je ne sais pas qui est la plus valeureuse : Jeannette ou moi, mais avec une énergie de dingue on boucle un tour de France de quelque 5 200 kilomètres puis la fameuse traversée de l’Europe via l’EuroVelo 6, une aventure de 8 450 kilomètres qui dure cinq mois. Entre nous maintenant, c’est pour la vie ! Découvrir le monde ainsi, c’est beau : rencontres inoubliables, discussions sans fin, lieux magiques. Je découvre des gastronomies savoureuses (qui me restent sur les hanches bien que je pédale !) et des routes splendides.
Bien sûr, j’ai des coups de pompe, mais la santé est là ! De cette odyssée, j’ai fait un film, et un livre devrait suivre. Mon envie d’ailleurs ne me quitte jamais. Cette fois, j’ai décidé de prouver à mes petits neveux que le père Noël existe. Et me revoilà, on the road again, avec Jeannette. Et si l’homme de ma vie, celui que je cherche depuis si longtemps, c’était lui ? Je ne vais pas tarder à le savoir…
Illustration par Clémence Thienpont
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 23, p. 148)