Le sport contribue à réduire de 25 % le risque de développer un cancer du côlon et de 50 % celui de connaître une rechute (cancéreuse en général). « Des études rétrospectives qui restent à étayer laissent présager que le bénéfice attendu en termes de réduction du risque de rechute de certains cancers opérés pourrait être du même ordre de grandeur que celui procuré par les traitements médicaux », précise même le Pr Laurent Zelek, oncologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny. La raison : le sport agit directement sur les hormones (œstrogènes, insuline, IGF-1), le système immunitaire, l’inflammation de l’organisme et les kilos en trop. Autant de facteurs qui influent sur la progression du cancer et les récidives. Il augmenterait aussi le nombre de cellules NK dans le sang, dont l’action est de tuer les cellules cancéreuses, donc d’enrayer leur propagation. Autrement dit, même pendant les traitements, le sport agit contre la maladie. Rien d’étonnant du coup à ce que ce serial killer soit reconnu comme soin non médicamenteux par la Haute Autorité de santé…
De plus, l’activité physique a une autre vertu : elle combat la fatigue. Vous trouvez ça bizarre ? C’est logique, au contraire : l’inertie fait fondre les muscles, diminue la circulation sanguine et l’oxygénation et, cerise sur l’oreiller, dérègle le sommeil. Moralité : moins vous en faites, plus vous êtes épuisé… En moyenne, il faut six mois d’exercices pour changer les paramètres biochimiques, d’où l’intérêt de commencer pendant le traitement, idéalement de manière régulière et relativement intense. Pas facile pourtant de s’y mettre lorsqu’on se sent sur les rotules… « C’est vrai, c’est plus facile pour ceux qui sont déjà sportifs car le facteur plaisir est l’un des plus motivants qui soit, note Thierry Bouillet, oncologue à l’hôpital Avicenne, à Bobigny (93), et cofondateur de la Cami Sport et cancer (sportetcancer.com) . À ceux-là, on conseille de poursuivre leur activité physique, en l’adaptant au besoin, car sortir de sa position de malade est un premier pas vers la réappropriation de son corps. » Mais les plus sédentaires sont aussi invités à s’y mettre, pendant ou après les traitements, à condition seulement d’être suivis par un personnel formé. Nos conseils.
Tous les sports sont-ils permis ?
Avant de commencer, « un bilan complet est essentiel », indique Roland Krzentowski, médecin du sport et fondateur de Mon stade (monstade.fr, clinicprosport.com), une association proposant aux patients des pratiques inspirées du sport de haut niveau et calibrées avec des médecins. « Des analyses sanguines et une évaluation des capacités cardiaques, respiratoires et musculaires seront effectuées au préalable », précise-t-il. D’autant que certains médicaments administrés peuvent altérer la fonction cardiaque. En théorie, sinon, aucun sport n’est interdit. « C’est plus l’intensité de la pratique qui importe », souligne Laure Copel, cancérologue à l’Institut Curie, qui travaille avec Siel Bleu (sielbleu.org) à la mise au point d’ateliers sportifs adaptés. Plus on va aller vers des sports à dépense énergétique élevée, mieux le traitement sera vécu. Les contre-indications sont peu nombreuses et concernent les patients en perte d’autonomie, sujets aux insuffisances respiratoires ou atteints d’une pathologie lourde (métastases osseuses, par exemple). D’une manière générale, d’ailleurs, les sports à risque de chute (tennis, parapente, jet-ski…) peuvent être dangereux pour tous les patients souffrant de fragilité osseuse.
Quel rythme ?
Selon le Dr Michel Pavic, oncohématologue à l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes, à Lyon, « l’idéal est de pratiquer une activité physique dès le début de la prise en charge, en séances de 30 à 45 minutes 4 ou 5 fois par semaine, que vous pouvez fractionner en 2 fois 15 minutes ou 3 fois 10 minutes. Une fois le traitement terminé, on peut proposer aux patients 10 à 15 séances dans des structures de SSR (soins de suite et de réadaptation) pour leur redonner de l’autonomie ».
Training soft ou intense ?
L’activité physique doit certes être adaptée et bien encadrée, mais elle doit quand même faire augmenter le rythme cardiaque au-delà d’un certain seuil. Pour trouver la bonne intensité, un petit test tout simple : vous devez pouvoir parler mais pas chanter. Si vous fredonnez toujours, intensifiez votre effort. À l’inverse, si aucun son ne peut plus sortir de votre bouche, levez le pied.
Sport individuel ou collectif ?
Les deux ! S’il est parfois plus facile d’entreprendre une activité individuelle au début (crainte du regard des autres sur son corps, angoisse de ne pas réussir…), la reconstruction du schéma corporel sera facilitée par une activité de groupe. Se retrouver dans la même galère, rire, échanger tuyaux et bonnes adresses, s’encourager, aller boire un verre après les cours : c’est thé-ra-peu-tique !
Quel moment de la journée pratiquer du sport ?
Le matin et en deuxième partie d’après-midi de préférence. Si vous avez du mal à dormir, laissez-vous cinq-six heures de calme avant de vous coucher.
Fiche Sport 1: le vélo
Sur route, à la maison ou même dans l’eau, avec l’aquabiking, les vertus du vélo ne sont plus à prouver. Comme tous les sports d’endurance, il oxygène les tissus. Or, on sait désormais que la croissance et la dissémination des cellules cancéreuses se font plus difficilement dans des tissus bien oxygénés. Pédaler permet aussi d’améliorer sa fonction immunitaire, donc d’aider son corps à lutter contre les cellules cancéreuses. Enfin, contrairement à la course à pied, le vélo ne traumatise pas les articulations, puisqu’il n’y a pas de chocs. Pour s’y mettre : ffc.fr rubrique loisirs. Pour trouver une séance d’aquabiking : masalledesport. com
Fiche Sport 2 : l’escalade
Les sports en binôme sont très bons pour le moral, parce qu’ils créent du lien et une saine émulation. Grimper amène à se dépasser, à regagner une estime de soi… sous les encouragements de sa ou son partenaire. La gestuelle est esthétique, les risques de blessures minimes si tant est que vous passiez en second (donc que vous soyez assuré par le haut). Comme les falaises sont situées dans des lieux splendides, en pleine nature, on en prend souvent plein la vue. Avec à la clé une bonne montée cardiaque à chaque mouvement un peu délicat, ce qui ne peut que rebooster l’organisme. À chacun son Everest (achacunsoneverest.com) organise des sessions encadrées. Fédération française de la montagne et de l’escalade : ffme.fr
Fiche Sport 3 : la gym suedoise
C’est l’un des rares cours de gym où il y autant d’hommes que de femmes ! Le but : se renforcer tout en préservant son intégrité physique. Chaque séance répond en effet à une nomenclature très précise : les 700 mouvements et leurs enchaînements ont été conçus par des kinésithérapeutes et des ostéopathes. La gym suédoise a été créée par un médecin, ce qui explique ce souci du détail dans le bien-être. Les mouvements sont très simples à réaliser car ils font appel au mimétisme. Et même s’ils ne sont pas effectués complètement dans les normes, on ne peut pas se faire mal ou se mettre en difficulté en les faisant. D’autant que dans chaque cours il y a au moins deux hôtesses en renfort de l’animateur, qui sont là pour corriger les éventuels défauts de posture: gymsuedoise.com
Fiche Sport 4 : le miédété
Cette discipline au nom étrange, mise au point par les formateurs de la Cami Sport et cancer, prépare l’organisme à être capable d’exécuter n’importe quel exercice physique de manière efficace et sûre. Effort progressif, consignes précises, mouvements naturels et justes : cette méthode est idéale pour reprendre les rênes de son corps. En pratique, une séance consiste en une série de mouvements mêlant à la fois développement de la souplesse, renforcement musculaire et utilisation rationnelle du système articulaire. Effet déstressant en prime ! sportetcancer.com
Céline Dufranc et Patricia Oudit