Été 2018, Gaëlle, 39 ans, prof d’arts plastiques, apprend qu’elle a un cancer du sein infiltrant. Chimiothérapie, mastectomie, thérapie ciblée… En attendant sa reconstruction, pas question de renoncer aux dentelles et à la féminité. Un peu dépitée devant les modèles de lingerie « adaptée » proposés sur le marché, la jeune femme envoie un message, via le site de l’enseigne, à Princesse tam.tam, sa marque de lingerie préférée : « Je voudrais trouver des soutiens-gorge hors des boutiques médicalisées qui soient beaux. Vingt mille femmes par an sont concernées, comme moi, par la mastectomie. Je pense que votre marque a un vrai rôle à jouer pour nous inclure… »
Un besoin d’être actrice
Lancé comme une bouteille à la mer, son mail échoue dans la messagerie de la directrice marketing, Laurence Duchiron. Sensibilisée à ce sujet après qu’une de ses collègues a eu à se battre contre la maladie, elle lui répond : « Cela vous intéresserait-il de participer à la conception et à l’essayage des modèles ? » Pour la jeune femme, cette proposition a une double résonance. D’abord, c’est l’occasion de renouer avec l’univers de la mode, qu’elle a un temps étudié. Mais, surtout, elle vient combler une nécessité intime : « J’avais besoin d’être actrice, raconte Gaëlle. De ne pas subir. Envie de projets, de transformer ce qui m’arrivait. Une thérapie en quelque sorte. » Le premier déjeuner de travail a lieu en octobre 2018, dans les locaux de la société, près du Palais-Royal. Gaëlle s’y rend, en tête la liste des principaux défauts de la lingerie adaptée proposée sur le marché. Et, dans son sac, tous les modèles Princesse tam.tam qu’elle possède depuis son adolescence. D’emblée, Laurence Duchiron lui suggère non pas de créer une gamme spécifique, mais de redessiner des modèles existants. « Nous ne voulions pas marginaliser davantage les malades en les reléguant dans un recoin de nos boutiques. »
Elle en a rêvé, Princesse tam.tam l’a fait
Le choix des modèles à retravailler est vite arrêté : ce sera « Féline », avec son irrésistible touche de Lurex, et « Joséphine ». On prend les mesures de Gaëlle… Attentives à la moindre de ses remarques, les petites mains de l’atelier de confection des prototypes intègrent ses attentes : pas d’armature, une poche de coton doux, avec une double ouverture cousue à l’intérieur du bonnet pour accueillir la prothèse externe. « On évite l’acrylique, le polyamide, à cause des risques d’allergie », précise Chafika, responsable modéliste depuis douze ans. « Quant à l’échancrure, plus fermée entre les deux seins elle permet d’assurer un meilleur maintien. » Rendez-vous est pris pour un premier essayage quelques semaines plus tard. « J’ai reçu les premiers prototypes à la fin de ma chimio », se souvient Gaëlle avec émotion. De fil en aiguille, les ajustements donnent naissance au soutien-gorge idéal. « J’en ai rêvé ! s’exclame Gaëlle. Elles l’ont fait ! » Depuis, Gaëlle planche sur un projet de maillot de bain. Elle souhaitait glisser un petit message aux femmes : « Faites-vous dépister, ne négligez pas l’autopalpation », et elle a pensé le faire imprimer au dos de l’étiquette. Et devinez quoi ? Princesse tam.tam lui a dit : « Banco ! »