Le syndrome mains-pieds, c’est quoi ?
« C’est une forme de toxicité cutanée liée à certaines chimiothérapies, dont le mécanisme n’est pas encore complètement compris aujourd’hui. Ce syndrome est très probablement lié à la diffusion dans les petits capillaires de la paume des mains et de la plante des pieds de médicaments de chimiothérapie qui n’ont rien à y faire mais qui peuvent s’y retrouver quand même », explique le Dr Paul Cottu, oncologue à l’institut Curie.
Et c’est grave ?
Non, mais ça peut faire très mal. Au grade 1, on observe de petits signes cutanés: légers gonflements, rougeurs, voire fourmillements. La peau des mains et des pieds est plus sensible. C’est déplaisant, mais pas particulièrement gênant au quotidien.
Au grade 2, les rougeurs et gonflements s’accompagnent de cloques, d’œdèmes et de sensations de brûlure. Les mains et les pieds sont douloureux mais le patient peut toujours marcher ou tenir des objets.
Au grade 3, en revanche, le patient souffre vraiment beaucoup. Sa peau, devenue très sèche, s’épaissit et pèle. Il ne peut plus effectuer ses activités quotidiennes (marche, conduite, écriture…).
Y a-t-il des facteurs de risque ?
Il n’y a pas de risques connus, individuels ou liés à certains cancers, mais, selon le traitement suivi par le patient, l’apparition de ce syndrome est plus ou moins fréquente. On le rencontre principalement en cas de chimiothérapie s’attaquant au cancer du côlon, de l’estomac, du sein, mais aussi avec celles dirigées contre les cancers de l’ovaire, ou encore de la prostate… Dans certains cas sévères, mais plus rares, « le syndrome pieds mains est un peu plus brutal, avec une peau qui pèle », souligne le Dr Cottu.
Certaines thérapies ciblées contre le cancer du rein ou les cancers gastro-intestinaux et de la prostate peuvent aussi induire ce syndrome, qui se manifeste alors par une hyperkératose (épaississement jaunâtre de la peau) plus ou moins douloureuse au niveau des points de pression et de friction des pieds et des mains. Attention enfin, les personnes qui sollicitent beaucoup leurs mains ou leurs pieds dans le cadre de leur travail – danseurs, chauffeurs routiers, ouvriers… – sont davantage concernées par ces troubles.
Le syndrome dure-t-il longtemps ?
Il n’y a pas de règle. « Le syndrome peut apparaître dès la première cure, au bout de quinze jours-trois semaines, ou plus progressivement au fur et à mesure des traitements. Sa durée est fonction de la sensibilité individuelle, de la précocité de la prise en charge et de l’adaptation des doses de chimiothérapie », explique le Dr Cottu.
« Si le syndrome est débutant, il peut disparaître très vite et ne pas revenir. Mais il peut aussi s’installer à distance du traitement de chimiothérapie… Sur le plan cutané, les patients peuvent ne plus ressentir les symptômes dont ils se plaignaient mais la recoloration normale de la peau peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois », souligne le Dr Sonia Lorho, médecin généraliste.
Comment peut-on lutter contre ?
Le froid. Pour une fois, la rigueur hivernale est bienvenue ! La neige peut même être recueillie dans une bassine. Ne reste plus alors qu’à y plonger les mains et les pieds quelques minutes pour un apaisement immédiat.
La pédicure. En prévision d’une thérapie ciblée à base de Nexavar® et de Sutent®, il est conseillé de faire une pédicure. Cela permet d’enlever les callosités et ainsi de limiter les manifestations du syndrome mains-pieds.
La crème hydratante. Avant même que les premiers signes n’apparaissent, il est fortement recommandé de se badigeonner les mains et les pieds plusieurs fois par jour d’une couche épaisse de crème hydratante. Baume, onguent, huile, le choix est large. Les produits grand froid (cold-cream) ou pour peau très sèche sont particulièrement indiqués. Conservés au frigo, ils apportent en plus un effet fraîcheur.
Les traitements. En plus de la crème pour les pieds et les mains, l’oncologue peut prescrire des antalgiques, des anti-inflammatoires, voire des corticoïdes locaux ou généraux, en fonction de l’intensité des symptômes. De la vitamine B6 peut aussi être proposée, en prévention, aux personnes traitées par Caelyx®. Si les symptômes sont trop forts, il ne faut pas hésiter à contacter son oncologue qui adaptera le traitement, voire le suspendra quelques jours.
L’homéopathie. Un traitement homéopathique peut être envisagé en fonction du type de chimiothérapie, de l’évolution des signes et de la sensibilité de chacun au syndrome mains-pieds. Seul un homéopathe peut orienter le patient vers le traitement adéquat et son dosage le plus efficace. « Par exemple, en cas de rougeurs avec brûlures, on peut se tourner vers le Medorrhinum. S’il y a des fissures au niveau des doigts, on peut opter pour du Petroleum ; le Graphites est indiqué en cas de peau sèche et épaissie ; l’Arsenicum album si la peau pèle beaucoup… », énumère le Dr Sonia Lorho, médecin généraliste, spécialisée en acupuncture et homéopathie.
L’acupuncture. En complément des traitements prescrits par l’oncologue, le Dr Lorho associe l’acupuncture à l’homéopathie pour prévenir et soulager les symptômes. En général, les rendez-vous sont programmés après la séance de chimiothérapie ou lorsque les troubles sont les plus forts. Et les résultats sont là. « L’effet est parfois très net. Certains patients sortent de la séance en remarchant beaucoup mieux. Ils en oublient même leur canne ! », se réjouit-elle.
Y a-t-il des choses à éviter ?
Pour prévenir le syndrome, il faut dire stop aux vêtements, chaussures ou chaussettes très serrés. On évite aussi douches et bains chauds. Et on limite les longues balades, la conduite sur de longs trajets, le jardinage ou encore le bricolage. Bref, tout ce qui pourrait causer pressions et frottements répétés sur les mains et les pieds.
Karen Jego