Le shiatsu est une discipline énergétique avant tout préventive. Que pouvez-vous apporter à une personne atteinte de cancer ?
Valérie Capel : En règle générale, les personnes viennent me voir pour atténuer les effets secondaires de la chimio et de la radiothérapie : nausées, vomissements, douleurs articulaires, neuropathies.
Mais le shiatsu permet plus généralement de mieux faire circuler l’énergie. Il contribue donc aussi à diminuer l’inflammation ou à booster le système immunitaire.
Quelles précautions prenez-vous avec vos patients atteints de cancer ?
Tout d’abord, j’adapte la durée des séances : elles sont de trente à quarante minutes. C’est deux fois moins long qu’une séance “classique” car l’organisme des patients est déjà très sollicité par les traitements qu’ils reçoivent.
Ensuite j’adapte mon soin en fonction du type de cancer et des antécédents de chacun. La première séance commence toujours par un “questionnaire de santé”. Si une femme avec un cancer du sein vient me voir, je lui demanderai de quel côté se trouve la tumeur ou si elle a toujours sa chambre implantable. Je saurai que ce sont des zones à éviter. Je ne masse jamais directement une cicatrice de mastectomie par exemple. Si une personne m’indique qu’elle a des métastases osseuses, je ferai plus attention à la pression que j’exerce au niveau des côtes pour éviter tout risque de fracture.
Refusez-vous dans certains cas de réaliser un soin ?
La fièvre est une contre-indication au shiatsu. Cela signifie que le système immunitaire de la personne est déjà en défense, je ne vais donc pas aller le “bouger”.
Je ne touche pas non plus les personnes qui viennent d’apprendre qu’elles ont un cancer et qui n’ont pas encore eu de bilan médical. Si la tumeur est encore en phase agressive, proliférative, je ne vais pas remuer l’énergie.
Vous avez vous-même été atteinte d’un cancer du sein. Cela a-t-il changé votre pratique ?
Oui, je pense que mon toucher est plus empathique. Je connais les douleurs dont mes patientes me parlent.
Depuis mon cancer, je souffre de lymphœdème, un blocage de la lymphe qui rend mon bras particulièrement sensible aux chocs ou aux pressions. Je fais donc très attention quand je manipule les patientes qui en souffrent. Je leur apprends aussi comment elles peuvent mobiliser sans risque leur bras car souvent elles ont peur.
Tout le monde peut se prétendre praticien de shiatsu, il peut donc y avoir des dérives. Quels conseils donneriez-vous pour s’en prémunir ?
Demandez au praticien quelle est sa formation. Il doit avoir suivi au moins 500 heures de cours. On ne devient pas praticien de shiatsu en un week-end. Les praticiens qui font partie de la FFST ont obligatoirement passé l’examen fédéral qui valide leurs connaissances pratiques et théoriques avec la soutenance d’un mémoire. Ils signent également une charte éthique qui les engage notamment à ne pas établir de diagnostic, interrompre un traitement ou conseiller des médicaments. Nous vérifions aussi régulièrement qu’ils ne colportent pas de propos sectaires sur leur site internet.
Il ne faut pas non plus hésiter, dès la prise de rendez-vous, à lui indiquer que vous avez un cancer pour vérifier s’il est à l’aise avec ça.
Mais c’est avant tout pendant la séance que vous verrez si le courant passe ou non. Le shiatsu est un massage cocooning. Si le praticien n’est pas à l’écoute de votre bien-être et ne s’adapte pas à vos douleurs ou votre inconfort alors il faut en changer.
L’efficacité du shiatsu dans le domaine de l’oncologie est-elle reconnue ?
Pas encore. Des séances de shiatsu sont déjà proposées dans certains hôpitaux comme à Cochin mais cela reste encore assez confidentiel. Cela prend du temps et demande d’instaurer une relation de confiance. Les médecins sont assez frileux.
C’est pour cela que nous avons intégré le Getcop1 en 2016 : pour que le shiatsu soit évalué sur des bases fiables. Cela nous oblige à conduire des études qui suivent les standards scientifiques. Ce n’est qu’à cette condition que le shiatsu sera reconnu par le corps médical et éventuellement remboursé par les mutuelles.
1. Groupe d’Évaluation des Thérapies Complémentaires Personnalisées, association loi de 1901 créée pour promouvoir l’évaluation des thérapies complémentaires