Face aux cancers, osons la vie !


{{ config.search.suggestions }} soin de support soin de socio-esthétique détente et bien-être perte de cheveux liée au cancer sport adapté au cancer ongles fragilisés par le cancer perte de sourcils liée au cancer maquillage des cils perte de cils liée au cancer angoisse et stress liés au cancer

Le sexisme en médecine : un danger pour la santé des femmes

{{ config.mag.article.published }} 7 mars 2019

{{ bookmarked ? config.sharing.bookmark.remove : config.sharing.bookmark.add }}

En cette journée internationale des femmes, il sera de bon ton de s’indigner des inégalités salariales, des discriminations au travail, du harcèlement, de la taxe rose… Et toutes ces revendications sont bien légitimes. Mais il est un domaine où l’on entend moins parler de l'inégalité entre hommes et femmes : celui de la santé. Ses répercussions sont pourtant loin d'être anodines.

{{ config.mag.article.warning }}

Anne a commencé à ressentir des douleurs gynécologiques dès le début de son protocole de chimiothérapie. « Des oursins dans le bas-ventre » comme elle dit. Elle en parle à son oncologue qui lui prédit leur disparition avec le temps. Il faut qu’elle soit « patiente », qu’elle « supporte ». Mais les douleurs ne cessent pas. Elle s’amplifient même avec l’hormonothérapie. Au fil des années, elle écume les spécialistes qui finissent par lui lâcher, excédés, que « c’est dans votre tête » et lui prescrivent des anxiolytiques. Anne ne peut plus avoir de rapports sexuels, trop douloureux. Elle pense à quitter son mari… elle l’aime pourtant. Une dernière visite chez une gynécologue parisienne spécialisée dans les soins post-cancer pose le diagnostic. Simple. Habituel après une chimio et une ménopause induite par les traitements : l’atrophie vaginale. Et non, ce n’est pas dans sa tête. Cela se passe en fait un peu plus bas. Et oui, il y a des solutions. Anne, paradoxalement, respire, même si le diagnostic n’est pas folichon, maintenant, elle en est sûre : « Je ne suis pas folle ».

Combien de femmes se sont vu opposer à leurs symptômes bien réels des petites phrases assassines : « C’est dans votre tête », « Ne soyez pas douillette ! », « Il faut être patiente » ? Des jugements dangereux qui conduisent à une errance thérapeutique et une prise en charge tardive. Des arguments fallacieux, sans fondements biologiques, qui reposent essentiellement sur des stéréotypes de genre. Un sexisme qui ne devrait pas avoir sa place dans les cabinets médicaux et qui impacte directement la santé des femmes.

Des stéréotypes dangereux pour la santé

Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur et Muriel Salle, historienne à l’université de Lyon, en font l’amer constat dans leur livre « Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ? ». L’exemple le plus parlant est sans doute celui de l’infarctus du myocarde : ses symptômes les plus courants sont une intense fatigue et une sensation de compression au niveau du thorax. Mais selon qu’ils sont décrits par une femme ou par un homme, ces signes ne seront pas interprétés de la même façon par le médecin. La faute aux clichés. Dans l’inconscient collectif, les femmes sont de petits êtres faibles qui s’écoutent beaucoup et pleurnichent facilement pour attirer la protection des hommes. Ces derniers, au contraire, sont virils, dur au mal. Ils sont éduqués pour être forts parce qu’« on ne pleure pas quand on est un homme, mon fils ».

Résultat des courses : pour les mêmes symptômes (ou pour des symptômes similaires qui devraient conduire à une suspicion d’infarctus), les femmes se voient prescrire des anxiolytiques et des séances de psy pendant que les hommes sont envoyés illico chez le cardiologue. L’infarctus du myocarde est ainsi largement sous-diagnostiqué chez les femmes (et inversement, la dépression est sous-diagnostiquée chez les hommes) ce qui entraîne un retard dans la prise en charge de la maladie et une perte de chance. Une aberration quand on sait que les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes.

« Ne soyez pas douillette »

Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres. On pourrait également citer les pertes cognitives liées aux traitements contre le cancer. Parce que les femmes sont « tête en l’air », cet effet secondaire est souvent minimisé quand il n’est pas tout simplement nié (lire notre article « Chemofog : la chimiothérapie provoque-t-elle des troubles de la mémoire ?« ). Il y a aussi les campagnes de dépistage du cancer colorectal qui semblent ne s’adresser qu’aux hommes alors que ce cancer est loin d’être sexiste avec 47% de femmes touchées. Sans doute est-il délicat de parler aux femmes de « fesses » ? Après tout, ce sont des princesses et elles ne font pas caca… (lire notre article « Cancer colorectal : les campagnes de dépistage seraient-elles sexistes ? »). Sans parler des crises d’hystérie qui sont étymologiquement l’apanage des femmes. Ce trouble psychiatrique, qui signifie en grec « matrice », est à l’origine du mot « utérus » : difficile donc de l’attribuer aux hommes.

L’Inserm a réalisé en 2017 une série de 6 vidéos pour illustrer les cas le plus récurrents de clichés en santé : la dépression, l’ostéoporose, la durée de vie, les maladies cardiovasculaires, la douleur et le cerveau.

En science, les femmes sont des hommes comme les autres

Si les médecins font une distinction entre hommes et femmes pour établir leur diagnostic, les chercheurs, quant à eux, n’en font pas dans leurs études. Pour eux, la femme est un homme comme les autres. Bonne nouvelle ? Et bien non. L’homme étant considéré comme le mètre étalon, la référence, les femmes sont très mal représentées dans les essais cliniques : on estime qu’un quart des patients recrutés sont des femmes. Et les conséquences sont désastreuses pour la gent féminine.

Une étude menée entre 1997 et 2001 aux États-Unis par le Food Drug Administration, l’équivalent de l’Agence national de sécurité du médicament en France, a révélé que 80% des médicaments retirés du marché l’étaient en raison d’effets secondaires plus importants chez les femmes. Si dans la moitié des cas, cette plus forte proportion d’effets indésirables chez les femmes s’expliquait par le fait que ces médicaments étaient simplement davantage prescrits à des femmes, pour la moitié restante la différence homme/femme était bien réelle.

Ce manque de considération des spécificités féminines a également conduit à minimiser l’impact de l’hormonothérapie sur la sexualité des femmes. Des effets secondaires que le Dr Mouly, chirurgien gynécologue, avait osé soulever pendant la présentation des premiers essais cliniques sur les anti-aromatases et qui avait reçu un accueil sans équivoque de la part des autres médecins homme : « Qu’est-ce que tu nous fais chier avec le vagin des femmes !  »

Pourquoi les essais cliniques n’intègrent pas davantage de femmes ? Parce que cela simplifie les choses. Les femmes ont des cycles hormonaux. Ces variations risquent de biaiser les résultats. Cela permet également aux chercheurs d’étudier à la fois les chromosomes X et Y : tous les deux présents chez l’homme (alors que seul le chromosome X est présent chez la femme), ils font d’une pierre, deux coups.

« Qu’est-ce que tu nous fais chier avec le vagin des femmes ! »

Heureusement, les choses commencent à changer. Les États-Unis ont été les premiers à réagir. Depuis les années 90, une loi impose aux chercheurs et aux laboratoires d’effectuer leurs études et leurs tests de médicaments sur les hommes et sur les femmes. Ils doivent également prendre en compte les spécificités liées au genre. En France, cette question n’a été débattue que dans les années 2000. Depuis 2013, l’Inserm dispose du groupe de travail « Genre et recherche en santé » chargé de sensibiliser les chercheurs et les médecins à la question des inégalités de santé liées au sexe et au genre. II ne s’agit pas pour autant de tomber dans l’idéologie, comme avertit Muriel Salle au micro de La tête au carré sur France Inter : « Demander une représentation paritaire n’aurait pas de sens mais il faudrait au moins une représentation en proportion de la prévalence de la maladie chez les femmes. »

Autre raison invoquée pour ne pas recruter de femmes dans un essai clinique : la grossesse. Il ne faudrait pas faire encourir de risque au bébé si une patiente tombait enceinte pendant le protocole. Argument recevable. Pourtant, « les femmes enceintes tombent malades et les femmes malades tombent enceintes » comme le rappelaient les chercheuses Olena Hankivsky, Kirsten Springer et Gemma Hunting dans un édito publié dans la prestigieuse revue Nature en 2010. Doit-on les ignorer et les laisser souffrir en silence ?

En cette journée internationale des femmes, il serait temps de s’indigner de ces stéréotypes sexistes qui mettent en danger leur santé.

Emilie Groyer


{{ config.mag.team }}

Emilie Groyer

Docteur en biologie, journaliste scientifique et rédactrice en chef du site web de Rose magazine

Symptômes et diagnosticActualité

Cancers ORL : lumière sur les symptômes qui doivent alerter

Vidéos sur les réseaux sociaux, affichage dans toutes les gares, l’association Corasso lance une nouvelle campagne de sensibilisation du grand public et des soignants sur les cancers de la tête et du cou. Son but : alerter sur les symptômes, faussement anodins, à l’origine des cancers ORL. L’enjeu : agir… au plus vite !

11 décembre 2023

ChirurgieEnquêtes

Sarcomes : éviter les erreurs

Ces tumeurs rares et complexes sont difficiles à identifier, d’où des errances diagnostiques, qui ne sont pas sans conséquence. Fondamentale, la chirurgie peut faire la différence. Le point avec nos experts.

27 novembre 2023

Covid-19Actualité

Crise de l’hôpital : « On ne va pas brader les soins »

Alors que l'hôpital est sous tension, le Pr Le Gouill, directeur de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie, œuvre en coulisse pour que ses patients n'en soient pas impactés.

15 juillet 2022

Covid-19Enquêtes

Covid-19 : Pourquoi les services d’oncologie sont toujours impactés

Déprogrammation, report de soins, délai dans la prise en charge des patients. On se croirait de retour en 2020. C’est pourtant bien le quotidien actuel en oncologie. Deux ans après le début de la pandémie, les services, pourtant sanctuarisés face au Covid, n’ont toujours pas repris leur activité normale. La crise sanitaire n’est pas la seule fautive. Loin de là. Décryptage.

20 janvier 2022