Fanny Riedberger est productrice et créatrice de fictions qui ont souvent à voir avec sa propre vie. Exemple ? Le Lycée Toulouse-Lautrec. Dans ce feuilleton diffusé début 2023 sur TF1, on suivait le quotidien d’ados, certains en situation de handicap, d’autres valides, qui vivent et apprennent ensemble dans le même établissement scolaire. Ce lycée existe, Fanny y fut élève.
Avec ses complices Anna Fregonese et Sylvie Audcoeur, la revoici aux manettes des Randonneuses, une dramédie sur le cancer, vu et vécu par six femmes très différentes, qui a réussi son lancement le 15 mai en réunissant sur TF1 4,68 millions de téléspectateurs, soit 21,9% de parts d’audience. Le sujet n’était pas particulièrement fédérateur, ni évident pour Fanny que la maladie a privé de sa mère alors qu’elle était encore une toute jeune femme. Sur cette blessure toujours sensible et sur la genèse de ce projet, elle se confie en toute franchise.
Vous avez perdu votre mère, emportée par un cancer du sein, quel âge aviez-vous alors ?
Fanny Riedberger : J’avais 20 ans quand ma mère est morte après s’être battu pendant cinq ans contre cette maladie. Ca a été un très grand traumatisme dans ma vie. Quand j’ai traversé cette épreuve avec elle, je ne peux pas vous dire si c’était de la honte ou de la pudeur mais je ne pouvais pas en parler. A 15 ans, j’aurais adoré allumer ma télévision et voir ce genre de sujet grâce auquel je me serais sans doute sentie moins seule au monde. La maladie nous enferme dans une grande solitude parce que le cancer est un mot tabou.
Qu’est-ce qui vous a convaincue d’écrire sur ce sujet ?
Il y a deux ans je suis tombée sur un reportage à la télévision qui parlait d’une association de femmes en rémission du cancer1. Elles se lançaient dans des défis sportifs pour reprendre confiance, se reconstruire, se dépasser. Ça se passait à la montagne en Italie, les femmes étaient extrêmement vivantes et souriantes. Il y avait une joie qui émanait d’elles et ça m’a fait sourire. Je me suis dit : « voilà ce n’est pas toujours le cancer qui gagne ». Moi qui n’aurais jamais imaginé écrire sur ce thème, j’ai finalement compris que j’avais besoin de prendre ce sujet, c’était de mon devoir de le faire et je suis très heureuse de la manière dont ça a été fait. Je trouve ça génial que TF1 ait eu le culot de mettre cette série à l’antenne. Je tiens d’ailleurs à, remercier Anne Viaud, la directrice de la fiction de la chaine qui m’a laissé une liberté totale et qui m’a aussi autorisée à dédicacer la série à Elisabeth, ma maman.
Avez-vous eu un doute, une appréhension, au moment de présenter ce projet à TF1 ?
Paradoxalement je doute tout le temps pendant le processus de création, mais quand je suis face à quelqu’un pour lui proposer mon projet, là je suis d’une conviction sans faille. Toulouse-Lautrec devait exister, Les randonneuses devaient exister. Pourtant, ça a failli capoter mille fois. Je n’arrivais pas à composer mon casting, les plans de travail étaient compliqués, ça changeait tout le temps, on bousculait les plannings… Ca a été extrêmement difficile de mener ce projet à bien mais il était hors de question d’abandonner.
Quel était le postulat de départ ?
J’aborde toujours des sujets graves mais je les traite de manière feel-good, c’est ma patte. Les randonneuses n’échappent pas au concept : c’est une dramédie sur le cancer mais c’est avant tout une ode à la vie. Chaque épisode est l’occasion de dresser le portrait de l’une des héroïnes. Je voulais montrer, à travers elles, comment cette maladie attaque la féminité, la sexualité, la famille, le boulot et les relations sociales. J’ai écrit une première bible toute seule. Ça a été assez douloureux. C’est la raison pour laquelle très vite, j’ai passé la main à des auteurs.
Pourquoi l’humour est-il si présent dans tous vos projets ?
J’ai vécu certains drames, l’humour est mon armure. C’est mon mode de fonctionnement dans la vie, Je pense qu’on peut rire de tout, c’est aussi une excellente façon de faire passer les messages et les émotions parce qu’on peut très bien y déceler la colère ou la tristesse. Quand j’étais à Toulouse-Lautrec, les handicapés ne s’apitoyaient pas sur leur sort. En chimio c’est pareil.
Comment avez-vous composé votre casting ?
Je ne vous cache pas que cette partie a été très compliquée parce qu’on tournait en plein été, à la montagne et que pour certaines, cela signifiait renoncer aux vacances en famille. De mon côté, je voulais des comédiennes chevronnées, et il était hors de question que je fasse la moindre concession sur le talent. Les premières auxquelles j’ai pensé ont été Clémentine Célarié et Alix Poisson. Alix, je la connais depuis très longtemps puisqu’on a étudié le théâtre ensemble pendant trois ans. Il y a aussi le lycée Toulouse Lautrec qui nous relie puisque j’y ai étudié et que sa maman en était la directrice adjointe. Quant à Clémentine, elle a dit oui tout de suite comme si c’était son projet. Elle ne m’a jamais demandé qui seraient les autres comédiennes, ni où on en était… Elle m’a juste accordé sa confiance. Je suis tellement heureuse qu’elle ait remporté le prix de la meilleure actrice au dernier Festival Séries Mania (qui s’est déroulé en mars 2023 à Lille, ndlr). Elle a battu le cancer et elle est récompensée pour ce rôle, je trouve que ça fait sens.
Qu’espérez-vous provoquer chez les téléspectateurs avec cette série ?
J’espère que cela changera les regards, comme avec Le lycée Toulouse-Lautrec. Ça a fait bouger les lignes au-delà de ce que j’aurais pu imaginer. J’ai participé à des débats, j’ai échangé avec le ministre de la santé… Le lycée devait fermer, finalement, il reste ouvert et c’est même reparti pour 30 ans !
INFO +
Suivez Les randonneuses sur TF1 les lundis 22 et 29 mai, à 21h10. Avec : Clémentine Célarié, Alix Poisson, Camille Chamoux, Joséphine de Meaux, Thiphaine Daviot, Claire Borotra…
Retrouvez également l’interview croisée d’Alix Poisson et Camille Chamoux dans notre article Les Randonneuses : la série qui bouscule les clichés sur le cancer