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Celles qui disent non à l’hormonothérapie

{{ config.mag.article.published }} 29 août 2017

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Elles sont plus de 30 % chaque année à refuser l’hormonothérapie et à accroître leur risque de récidive. Pourquoi tant de femmes inobservantes ?

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Diagnostiquée d’un cancer du sein à l’été 2014, Maritxu, 34 ans, a terminé son traitement en octobre 2015. Quand son oncologue lui a parlé d’hormonothérapie, elle a refusé net. « Déjà, en tant qu’infirmière, je connaissais les effets secondaires. Mais surtout, je n’avais pas envie d’attendre cinq ans avant d’avoir un enfant. Alors j’ai pris un risque, c’est vrai, mais personne ne sait si je vais récidiver avec ou sans traitement… Là, au moins, j’ai repris le travail normalement, je rejoue au basket, je cours, je sors. Bref, je vis ! » Même besoin de se retrouver pour Sylvianne, 42 ans, qui a joué le jeu pendant deux ans et demi avant de tout arrêter. « J’avais de telles douleurs articulaires que je me cramponnais aux murs. Je ressemblais aux grand-mères dont je m’occupe en maison de retraite. Je n’étais pas du tout préparée à ça. Sur les conseils de mon oncologue, j’ai fait plusieurs pauses, changé le tamoxifène pour de l’Aromasine, mais ce n’était pas mieux. Un jour, j’ai craqué et j’ai jeté toutes les boîtes à la poubelle. »

Comme Maritxu et Sylvianne, elles sont plus de 30 % à refuser ou interrompre chaque année leur hormonothérapie. Un taux qui, selon une étude allemande publiée en 2013 dans la revue Breast cancer research and treatment, grimpe à 50 % chez les patientes ménopausées après trois ans de traitement. Comment expliquer une telle bronca quand on sait que ce traitement (dont l’action, à l’avenir, pourrait même être renforcée par des thérapies ciblées) réduit de 45 à 55 % les risques de récidive pour les femmes atteintes d’un cancer hormonodépendant ?

« Si je continue comme ça, je vais divorcer et je serai obèse et dépressive dans cinq ans »

Raison principale : les effets secondaires. Problèmes articulaires (chevilles, genoux, hanches), bouffées de chaleur, prise de poids, migraines… La liste est longue de tous ces maux qui, au quotidien et trois à cinq ans durant (voire sept à dix), rongent la vie des malades. Sabrina, sous tamoxifène pendant trois mois avant d’arrêter, en sait quelque chose. « Je devenais complètement dingue. J’ai fini par dire à mon oncologue : “Vous ne me garantissez pas la guérison à 100 %. En revanche, ce que je peux vous certifier, c’est que si je continue comme ça, je vais divorcer et je serai obèse et dépressive dans cinq ans.” »

Refuser l’hormonothérapie pour reprendre sa vie en main et ne plus penser être malade

Le ras-le-bol thérapeutique ne surprend pas le Dr Alfred Fitoussi, chirurgien cancérologue et plasticien au Centre du sein et de la femme, à Paris. « Celles qui souffrent le plus d’effets secondaires sont celles qui risquent le plus d’arrêter. À nous de les accompagner, de les aider à mieux supporter les médicaments. Avant, il nous suffisait de dire : “Vous risquez de mourir, c’est très grave, donc vous devez suivre votre traitement, point.” Aujourd’hui, on sait que si on n’écoute pas les patientes, il n’y aura pas d’observance. » Changement de dose ou de molécule, pause de deux ou trois mois, anti-inflammatoires, sport, acupuncture, massages, homéopathie, cures thermales… « Il y a plein de petites choses à essayer », précise le cancérologue.

Mais la crainte ou la douleur des effets secondaires ne constitue pas toujours la seule raison d’un abandon thérapeutique. S’y ajoute souvent un frein psychologique au traitement, plus difficile à appréhender. Pour Maritxu, par exemple, refuser l’hormonothérapie après un an et demi de chirurgie chimio-radio… revenait à reprendre le contrôle de sa vie. « Cinq ans de traitement supplémentaires, ça voulait dire que ce n’était pas fini, que je n’avais pas gagné. » Telle est précisément, selon le Dr Suzette Delaloge, oncologue et chef du comité de pathologie mammaire à l’institut Gustave-Roussy, la spécificité de l’hormonothérapie, celle qui la rend si différente d’un traitement contre le cholestérol ou la tension.« Avoir à prendre ce médicament chaque jour peut vous donner l’impression d’être de nouveau malade, alors que vous sentez que vous ne l’êtes plus. Ne pas le prendre peut être une façon de refuser le cancer, sa réalité, la puissance du médecin qui décide à votre place. »

Une situation que le corps médical a parfois du mal à gérer. « Les oncologues se sentent investis de la mission de convaincre leurs patients et ils peuvent culpabiliser s’ils n’y parviennent pas, précise le Dr Delaloge. Au passage, ce qu’ils vivent déjà douloureusement leur est parfois reproché plus tard, en cas de rechute, éventuellement par le patient lui-même. » De leur côté, et même si, en apparence, leur décision semble ferme, les malades aussi culpabilisent. D’ailleurs, près de la moitié des femmes arrêtent leur traitement sans oser en parler à leur médecin…

Favoriser les échanges et les discussions avec son oncologue

Pour éviter d’en arriver à ce point de rupture, mieux vaut plutôt « considérer que tout est possible et discutable, qu’il ne doit pas y avoir de décision unilatérale », préconise le Dr Delaloge. À la faveur de ces discussions, il arrive alors que l’oncologue lui-même reconnaisse l’opportunité d’un arrêt thérapeutique. C’est ce qui s’est passé pour Sylvianne. « Après deux ans et demi d’effets secondaires qui me gâchaient la vie, mon médecin a fini par me dire “OK, vous êtes atteinte d’un cancer de grade 1, vous pouvez l’arrêter.” C’était rassurant d’avoir son feu vert. On culpabilise de décider toute seule. »

« En résumé, explique le Dr Delaloge, on considère qu’une femme avec une tumeur de 8 mm sans envahissement ganglionnaire qui nous dit : “Je n’en peux plus, j’ai trop de douleurs, je veux arrêter” prend un risque acceptable en stoppant ses traitements parce que sa qualité de vie est trop dégradée et que son risque de récidive est faible. En revanche, une femme de 40 ans avec huit ganglions atteints prend un risque très important si elle arrête son traitement. Dans la mesure du possible, on essaiera donc de la convaincre de continuer. Et puis, il y a tous les cas entre les deux, plus compliqués, pour lesquels bénéfices et risques doivent être sérieusement discutés. » Sabrina en fait partie. Atteinte d’un cancer de stade 2, elle a pris sa décision en conscience : « Je sais que si je retombe malade je ne pourrai m’en prendre qu’à moi- même, mais je ne regrette pas mon choix. Je préfère vivre heureuse avec ma famille plutôt qu’être malade pendant encore cinq ans. » Une décision finale qui, pour le Dr Fitoussi, appartient de toute façon aux patientes. Elles sont beaucoup mieux informées qu’il y a vingt ans. Si, en connaissance de cause, elles décident d’arrêter, c’est leur droit. Elles sont libres. »

Laëtitia Moller


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