Après un cancer du sein, choisir (ou non) de se faire reconstruire est une décision difficile. Et si la réponse est oui, reste encore à répondre à la question de la technique à opter. Deux tiers des femmes y renoncent. Parfois en raison du reste-à-charge. Souvent par défaut d’information.
C’est pour répondre à ce manque que la HAS et l’INCA mettent en ligne aujourd’hui la plateforme “Reconstruction mammaire : de la réflexion à la décision”. Fruit de la synthèse de la littérature scientifique, d’une enquête menée sur plus de 1000 femmes et d’un groupe de travail réunissant professionnels de santé et patientes, elle s’articule autour de 5 rubriques.
La reconstruction mammaire en 5 points
La rubrique “Reconstruction mammaire ou buste plat : vos souhaits et options” propose un arbre de décision pour clarifier ses préférences : reconstruction immédiate ou différée, à plat ou en volume… Toutes les techniques de reconstruction sont décrites avec leurs avantages et leurs inconvénients. Des questions à poser à son médecin sont même suggérées pour bien préparer sa consultation.
“Participer pleinement à une décision qui concerne son corps ne doit plus être une option. Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS”
Les critères pouvant limiter le choix des techniques sont rappelés dans la page “Les facteurs personnels et médicaux à prendre en compte” : état de santé, morphologie, contraintes professionnelles ou financières, …
Dans la partie “Prendre soin de vous et trouver du soutien”, on trouvera des idées de ressources à solliciter dans cette période de doute parfois difficile à traverser seule : associations, soins de support…
Des outils interactifs et didactiques
Point fort de la plateforme : une carte intéractive listant les établissements qui pratiquent la reconstruction mammaire est consultable dans la rubrique “Où faire votre mastectomie ?”. Établie à partir des données de l’assurance maladie et régulièrement mise à jour, cette carte présente l’avantage de permettre de filtrer les établissements en fonction des techniques de reconstruction qu’ils proposent et de la possibilité ou non d’opter pour une reconstruction immédiate. Un simple clic sur l’hôpital ou la clinique de son choix permet de consulter sa fiche qui inclue ses coordonnées mais aussi les résultats de son évaluation par la HAS.
Enfin, des témoignages peuvent être visionnés dans la partie du même nom.
Un choix éclairé qui peut changer des vies
“Participer pleinement à une décision qui concerne son corps ne doit plus être une option, a martelé le Pr Dominique Le Guludec, présidente du collège de la HAS, lors de la présentation de la plateforme à la presse. Les femmes doivent avoir accès à toutes les informations afin de n’avoir aucun regret.” Christine Arnou, représentante de Reconstruction sein infos, ne peut qu’acquiescer. Son association avait saisi la HAS sur le sujet dès 2018. Elle se félicite aujourd’hui d’avoir participé à l’élaboration de cet outil : “C’est une vraie victoire. En tant que patiente, je n’ai pas du tout été actrice de ma reconstruction mammaire par manque d’information. Si j’avais eu la possibilité de consulter un tel outil, je pense que je l’aurais moins subie. J’ai eu 2 reconstructions : une par prothèse puis une par DIEP. Je sais à quel point ce choix peut changer la vie d’une femme.”
Une décision partagée
La patiente a relevé par ailleurs que le choix des femmes était souvent guidé par le chirurgien qu’elle consulte et de sa compétence dans les différentes techniques de reconstruction. “Le médecin peut ne pas tout dire, par omission ou manque de clarté”, reconnaît le Dr Marie Bannier, chirurgienne spécialisée en cancer du sein et reconstruction mammaire à l’institut Paoli Calmettes, qui a présidé le groupe de travail. C’est pourquoi la plateforme comporte également une 6ème rubrique, cette fois à destination des professionnels de santé. “L’information donnée aux patientes peut être parcellaire en raison de la subjectivité des médecins ou d’idées préconçues selon lesquelles, par exemple, une femme âgée n’aurait pas besoin de reconstruction mammaire, ajoute le Dr Bannier. La plateforme leur donne des outils pour dialoguer avec leur patiente. L’objectif est que toutes les femmes aient le même niveau d’information.”
La question du reste-à-charge
Une question reste toutefois en suspens : celle du reste-à-charge. La question économique est l’un des principaux critères de renoncement à la reconstruction mammaire. Dans le contexte de la stratégie décennale de lutte contre le cancer, l’INCa s’était saisie de la problématique des coûts résiduels en novembre 2021. Interrogé sur le sujet, le Pr Norbert Ifrah, son président, nous a indiqué que le rapport final devrait être rendu en 2024. Il servira de base pour la négociation de remboursements par l’assurance maladie.
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Emilie Groyer