Le 14 janvier dernier, le ministre des Solidarités et de la Santé, suivant les recommandations du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, rendait prioritaires les malades de cancer en cours de chimiothérapie ou atteints d’une maladie hématologique maligne.
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Quelques jours plus tard, le 19 janvier, le Pr Fischer sollicitait l’INCa pour établir une liste des malades de cancer « ultra-prioritaires » dans le cas où tous ne pourraient pas être vaccinés en même temps en raison d’un accès limité aux vaccins.
Avec le concours de responsables d’hôpitaux et à la lumière des connaissances actuelles, l’institut a publié ce matin ses recommandations en tenant compte :
- du risque du patient à développer une forme grave de la Covid en raison de sa pathologie cancéreuse ou ses traitements ;
- du risque de subir un retard de traitement et des pertes de chances dans le cas d’une infection à la Covid 19 ;
- de son statut immunitaire.
Concernant les patients atteints d’hémopathies malignes
L’INCa considère comme ultra-prioritaires :
– les patients ayant reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, à plus de 3 mois et moins de 3 ans de leur allogreffe, en l’absence de GVHD aigüe [maladie du greffon contre l’hôte, NDLR] ou chronique non contrôlée ;
– les patients traités activement (y compris les traitements d’entretien) pour une hémopathie aigüe, quel que soit son type (myéloïde ou lymphoïde) et quel que soit leur âge dès lors que leur programme de soins ne s’effectue pas majoritairement en hospitalisation prolongée ;
– les patients traités activement pour un myélome multiple, un lymphome T, un lymphome B diffus à grandes cellules, un lymphome folliculaire, une leucémie lymphoïde chronique, en première et deuxième ligne de traitement pour ces pathologies ;
– les patients pour lesquels l’une des pathologies précédemment citées vient d’être diagnostiquée et qui doivent être placés à court terme en traitement actif, doivent faire l’objet d’une vaccination immédiate. La réalisation du protocole complet de vaccination doit se poursuivre en parallèle de la mise en traitement, la vaccination ne doit pas retarder le traitement de la pathologie maligne, une efficacité rapide et significative après la première injection des vaccins actuellement disponibles ayant été rapportée.
Concernant les patients sous anti-CD20 (rituximab), le sujet a été longuement débattu. Ce traitement pourrait en effet rendre la vaccination moins efficace (le marqueur CD20, ciblé par ce traitement, étant impliqué dans la réponse immunitaire). Toutefois, l’INCa a préféré appliquer le principe de précaution. Les patients sous anti-CD20 pourront donc également bénéficier de la vaccination de façon prioritaire.
Concernant les patients atteints de cancers solides
L’INCa considère comme ultra-prioritaires :
– les patients dont les traitements de leur néoplasie, quelles qu’en soient les modalités et les séquences, sont entrepris à visée curative, à l’exclusion des tumeurs cutanées baso-cellulaires ;
– les patients en traitement actif, sans visée curative, par chimiothérapie de première ou deuxième ligne ;
– les patients recevant une radiothérapie pour une tumeur intra-thoracique primitive incluant un volume pulmonaire important, une radiothérapie incluant un grand nombre d’aires ganglionnaires thoraciques et/ou abdomino-pelviennes et/ou un grand volume de tissus hématopoïétiques.
« Pour bien comprendre, il faut déjà définir ce qu’on entend par “à visée curative” et “à visée non-curative”, explique le Pr Delaloge, oncologue médical à Gustave Roussy. Par traitement “curatif », il faut comprendre tout traitement destiné à guérir. Cela inclut bien évidemment les traitements adjuvants ou néoadjuvants. Par opposition, les traitements non-curatifs sont les traitements palliatifs administrés à des patients non-guérissables comme c’est le cas des personnes atteintes de cancers métastatiques. Si l’on en croit ces recommandations, cela signifie donc que les personnes qui ont un cancer métastatique ne devraient plus être considérées comme “ultra” prioritaires au-delà de la seconde ligne de traitement par chimiothérapie. De la même façon, les patients qui ont un cancer métastatique mais traités par d’autres thérapies comme une hormonothérapie combinée à une thérapie ciblée immunosuppressive, d’autres thérapies ciblées, des immunothérapies, … ne sont pas jugés ultra-prioritaires… sauf si une autre raison médicale les rend “ultra-prioritaires”. »
L’INCa précise également que les patients recevant exclusivement un traitement d’hormonothérapie ne font pas partie des patients ultra-prioritaires. De même pour les malades ayant été infectés par le SARS-Cov-2.
Concernant la date de vaccination
S’agissant de la place de la vaccination dans le parcours de soin, en l’absence de consensus de la part ses sociétés savantes et des divergences des publications scientifiques, là encore, l’INCa a préféré appliquer le principe de précaution. Ainsi, l’institut préconise de vacciner les malades ultra-prioritaires si possible avant le début des traitements. Il recommande aussi d’éviter de vacciner lors d’aplasies : pendant ces périodes, la vaccination risquerait d’être moins efficace puisque les défenses immunitaires du malade sont amoindries.
Concernant l’intervalle entre les doses
L’INCa a également débattu de l’adaptation du protocole vaccinal. L’institut envisage la possibilité d’élargir l’intervalle entre les 2 injections pour les malades qui n’ont pas encore débuté leurs traitements et « dont la première injection aura lieu avant les soins du cancer dès lors qu’une aplasie profonde n’est pas attendue à court terme ».
Pour les autres malades, l’INCa préconise de s’en tenir au protocole initialement prévu : 3 à 4 semaines d’intervalle selon les vaccins. L’institut craint en effet que les malades dont les défenses immunitaires sont affaiblies développent une forme grave de Covid entre les 2 injections.
Toutefois, pour les malades sous chimiothérapie, l’intervalle entre les doses pourra être adapté pour éviter que les injections se fassent pendant une période d’aplasie. De la même façon, pour les malades qui doivent recevoir des anti-CD20, il est préconisé de suivre l’intervalle le plus court possible entre les 2 injections pour ne pas retarder le démarrage du traitement.
Le document précise que cet avis ne se substitue pas à l’avis du médecin référent qui est le mieux placé pour connaître l’état de son patient.
L’INCa conclut enfin en recommandant aux médecins de vérifier l’efficacité de la vaccination chez les malades ultra-prioritaires en effectuant une analyse du taux d’anticorps circulant à l’occasion des contrôles sanguins prévus lors du suivi des patients.
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Emilie Groyer