C’est quoi le principe d’une thérapie ciblée ?
Le principe des thérapies ciblées est de bloquer spécifiquement un mécanisme impliqué dans la survie ou la prolifération de la cellule cancéreuse.
Comment ça marche ?
Il existe deux principaux modes d’action :
– soit la thérapie ciblée agit sur l’environnement de la cellule cancéreuse et tout ce qui l’aide à se développer et à survivre. Elle va alors affamer la tumeur.
C’est le cas du bevacizumab qui empêche la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans la tumeur en bloquant le facteur de croissance VEGF1.
– soit la thérapie ciblée agit sur les mécanismes qui ont transformé la cellule en tumeur.
Pour rappel, une cellule devient cancéreuse suite à des mutations qui ont altéré la fonction de protéines impliquées dans la mort ou la division des cellules : des récepteurs ou d’autres protéines à l’intérieur de la cellule (voir l’encart « Pourquoi une cellule se divise »). Ces protéines anormales, ou mutées, vont conduire la cellule à se multiplier de façon incontrôlée ou à survivre dans des conditions où elle devrait mourir.
La thérapie ciblée va bloquer ces protéines mutées. C’est le cas du palbociclib qui vise les CDK4 et 62 , des protéines impliquées dans la transmission du signal de prolifération.
POURQUOI UNE CELLULE SE DIVISE ?
Une cellule se divise quand elle reçoit un message, provenant de son environnement, l’informant que c’est le moment de le faire.
Ce message, qui peut être par exemple une hormone de croissance, est capté par des récepteurs à la surface de la cellule. Il est ensuite transmis, par l’intermédiaire d’une multitude de molécules qui vont se passer le relai, jusqu’au coeur de la cellule : le noyau, qui contient l’ADN. La cellule va alors se mettre à produire toutes les molécules nécessaires à sa multiplication.
C’est quoi concrètement, comme médicament, une thérapie ciblée ?
Les thérapies ciblées sont des médicaments capables de se fixer spécifiquement à des cibles. Il en existe 2 formes :
– Il y a les anticorps dits monoclonaux, fabriqués en laboratoire à partir de cellules semblables appelées clones. Comme les anticorps sont de grosses molécules, ils ne peuvent bloquer des cibles présentes à l’extérieur de la tumeur : à sa surface ou dans son environnement.
– et les petites molécules dites inhibitrices. Grâce à leur taille réduite, elles peuvent rentrer dans les cellules et bloquer des molécules impliquées dans la transmission du signal de survie ou de prolifération (voir encart « Pourquoi une cellule se divise »).
Sont-elles moins toxiques que les chimiothérapies classiques ?
Les thérapies ciblées sont plus spécifiques que la chimiothérapie. Elles vont donc davantage épargner les cellules saines. Elles ne sont pas pour autant dénuées d’effets indésirables.
Les effets secondaires liés aux thérapies ciblées sont différents de ceux provoqués par la chimiothérapie. Ainsi on observera peu de cas de nausées ou d’alopécie. Ces thérapies ciblées peuvent en revanche provoquer des éruptions cutanées, l’hypertension, les hématomes… En fonction des toxicités observées, le traitement sera adapté afin de préserver votre qualité de vie.
Tout les patients peuvent-ils bénéficier d’une thérapie ciblée ?
Pour qu’une thérapie ciblée soit efficace, il faut que sa cible soit présente chez le patient.
Pour le vérifier, on peut analyser le profil génétique d’une tumeur à la recherche d’une mutation pour laquelle on dispose d’une thérapie ciblée. Actuellement, il existe 28 plateformes hospitalières en France, réparties sur tout le territoire français, capables de réaliser ces tests.
Demain, existera-t-il une thérapie ciblée pour chaque tumeur ?
Grâce aux avancées de la recherche et à une meilleure compréhension des mécanismes responsables du développement d’une tumeur, de nouvelles thérapies ciblées voient le jour chaque année. À terme, on peut espérer que chaque patient bénéficiera d’un traitement « sur mesure », décidé en fonction de la carte d’identité génétique de sa tumeur, dont l’efficacité sera optimale et les effets secondaires minimisés.
LES PETITS NOMS DES MOLÉCULES
Vous avez remarqué combien les noms de médicaments sont compliqués : bevacizumab, olaparib, … ? On pourrait penser qu’ils sortent tout droit de l’imagination débordante des chercheurs. Ils répondent pourtant à des normes. Ainsi :
– le suffixe « mab » que l’on retrouve dans « bevacizumab » signifie « monoclonal antibody » et désigne donc des anticorps.
– le suffixe « ib » que l’on retrouve dans olaparib désigne quant à lui des petites molécules. Quand il est précédé de
-> « tin » (erlotinib), cela signifie que le traitement bloque les enzymes de la famille des tyrosine kinases ;
-> « par » (olaparib), pour ceux qui ciblent les enzymes de la famille des PARP ;
-> »ciclib » (palbociclib) pour les enzymes de la famille des kinases cycline-dépendantes ;
-> »zomib » (bortezomib) pour les enzymes de la famille des kinases cycline-dépendantes…
Emilie Groyer
1. Vascular endothelial growth factor ou facteur de croissance de l’endothélium vasculaire, en Français.
2. Cyclin dependent kinase ou kinases cycline-dépendantes, en Français.