L’ANSM vient d’annoncer l’interdiction des prothèses macrotexturées. Que pensez-vous de cette décision ?
Dès novembre 2018, la société française de chirurgie plastique, reconstruction et esthétique a émis la recommandation de ne plus poser de poser prothèses macrotexturées de marque Allergan de type Biocell. Cette décision de l’ANSM va dans le sens de ce que nous avions recommandé.
La décision va même au-delà en étendant à toutes les prothèses macrotexturées, quelle que soit la marque…
En effet. C’est une décision de politique sanitaire qui va dans le sens d’une plus grande protection et d’une diminution du risque. Allergan représentait 80% du marché donc leurs prothèses étaient forcément plus exposées. Mais, imaginons que demain on interdise uniquement les prothèses macrotexturées de Allergan, qu’on en mette d’autres marques à la place et qu’on se retrouve avec le même problème : ce ne serait pas acceptable.
L’ANSM interdit également les prothèses polyuréthane ?
Il y a en effet eu quelques cas dans le monde de lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC) avec des prothèses polyuréthane. Le nombre de cas est moins important qu’avec les prothèses macrotexturées mais il faut dire que ces prothèses sont aussi moins utilisées.
Qu’est-ce que cela va changer dans votre pratique de reconstruction mammaire ?
La prothèse macrotexturée permettait de reconstruire une forme de sein plus proche de l’anatomie normale. Mais nous disposons d’autres techniques. On saura faire différemment. Il existe d’autres type de prothèses, il y a notamment les prothèses anatomiques microtexturées, des techniques de lambeaux, de greffes graisseuses… Cela demandera un temps d’adaptation mais je ne suis pas inquiet pour les patientes.
Certaines femmes porteuses de ces prothèses sont pourtant inquiètes. Que leur répondez-vous ? Doivent-elles les faire retirer ?
Les recommandations de l’ANSM et de notre société savante sont : pas d’explantation systématique. Il faut que les femmes porteuses se fassent surveiller régulièrement et, au moindre doute, qu’elles aillent voir leur chirurgien.
Comment peut-on à la fois recommander de ne plus poser ces prothèses et ne pas recommander de les explanter ?
Ce sont 2 situations différentes. Dans un cas, on suit le principe de précaution : on sait qu’il y a un risque donc on ne les implante plus.
Dans l’autre, la prothèse est déjà en place et on prend le risque de réopérer alors qu’on n’est pas sûr que la prothèse aurait causé un LAGC. Dans ce cas, la balance bénéfice risque ne justifie pas une explantation systématique. Si nous étions certains que 100%, ou même que 10%, des prothèses macrotexturées provoquent des LAGC alors on les retirerait toutes. Mais là, le risque est de 56 cas sur des milliers. On ne va pas faire courir à des milliers de femmes le risque d’une chirurgie supplémentaire alors que l’explantation n’est pas toujours justifiée. L’explantation massive préventive n’est pas utile. On va faire courir des risques aux patientes pour rien. On aurait une démultiplication des cas de LAGC depuis quelques années, cela se justifierait mais ce n’est pas le cas.
Si une femme désire malgré tout qu’on lui retire sa prothèse, pourra-t-elle le faire ? Sera-t-elle prise en charge ?
Nous avions déjà soulevé ces questions et il faut qu’on ait une réunion avec le Ministère, l’Assurance maladie, les autorités de santé pour déterminer si on met en place une politique d’explantation à la demande avec prise en charge d’une nouvelle reconstruction. Pour le moment, rien n’est décidé.
Propos recueillis par Emilie Groyer