Zéro décès dus aux effets indésirables graves
L’innovation en santé est univoque. Elle ne prend en compte que l’innovation technologique ou pharmaceutique. Or, l’innovation est aussi sociale et doit garder comme boussole l’intérêt du patient. L’intérêt à long terme évidemment (recherche) mais aussi l’intérêt immédiat.
La véritable innovation c’est aussi de soigner au mieux, avec les outils dont bénéficient déjà, aujourd’hui et maintenant les patients : ne pas les tuer ou les estropier à vie en ne leur donnant pas le bon traitement, en ne respectant pas les bonnes pratiques ou en ne les prenant pas en charge dans les temps. C’est aussi leur donner accès aux innovations existantes.
Chaque année, la HAS édite un rapport concernant les EIG (effets indésirables graves)1. En 2020, plus de la moitié des EIG mortels étaient jugés “évitables” par la HAS. La plus grande partie (97%) de ces EIG ont lieu à l’hôpital.
Un cas d’école, le 5-FU, comme en témoigne l’enquête que nous avions menée.
Nos propositions
Ce “choc de sécurité” ne demande pas de prouesses technologiques. Il demande l’information du patient et sa connaissance des recours et leur accessibilité. Le respect des procédures. Et la contrainte en dernier recours.
1. Réorganiser les urgences qui sont la porte d’entrée dans le service hospitalier. Recréer des services à taille humaine. La saturation des services entraîne des pertes de chances inacceptables (plus de 150 malades/jour est ingérable pour une équipe). Pour éviter la saturation, ré-ouvrir des services d’urgence de proximité avec comme objectif jamais plus de 4 heures d’attente aux urgences.
2. Pharmacovigilance
⋅ Nommer par structure hospitalière un responsable de la déclaration des EIG avec un temps dédié pour les grosses structures ou temps dédié partagé entre plusieurs petites structures Le décret du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé prévoit que le représentant légal de l’établissement de santé désigne, en concertation avec le président de la Commission Médicale d’Établissement dans les établissements de santé publics ou la Conférence Médicale d’Établissement dans les établissements de santé privés, un coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins. Cette fonction est aujourd’hui (quand elle existe…) souvent cumulée avec un autre métier et dépendante de la taille de l’établissement. Sa mission sera de déclarer mais aussi de suivre auprès des ARS afin que ces dernières traitent correctement les dossiers.
⋅ Le jour de l’admission hospitalière, donner à chaque patient un document avec : le contact du responsable des EIG, le contact du représentant des patients à l’intérieur de l’hôpital (exiger que ce représentant soit vraiment un patient et financer un poste de patient-expert par hôpital), informer sur l’existence de l’interface de signalement des événements sanitaires indésirables (signalement-sante.gouv.fr), informer sur l’existence d’un défenseur des droits des patients (proposition 2). Le respect des droits des patients et sa sécurité ne seront effectifs que lorsque ces derniers seront en mesure de les exercer par une bonne information et une simplification des voies de recours .
3. Rendre les référentiels de bonnes pratiques de la HAS contraignants. Même si le Conseil d’État, dans un arrêt du 27 avril 2011 n° 334396, a jugé que les recommandations de bonne pratique professionnelle HAS avaient une valeur réglementaire, elles ne sont pas considérées comme telles faute de sanction.
Créer un « Défenseur des droits des patients »
Les instances chargées de défendre les droits des patients ne sont pas connues du grand public. Leur fonctionnement reste compliqué et opaque.
Aujourd’hui la défense des patients est placée sous l’égide du défenseur des droits, mais selon les chiffres du Rapport annuel 2020 du Défenseur des droits, seuls 2,1% des réclamations portaient sur des problématiques de santé.
Notre proposition
Créer un défenseur des patients qui incarnerait et rendrait visible ce recours (sur l’exemple du défenseur des droits).
Il pourrait être saisi par le patient en cas :
- d’accident médical et d’effet indésirable
- de prise en charge défaillante générant une perte de chance
- de discrimination
- de non-respect de la loi Kouchner
Il pourrait être saisi par des associations de patients/médecin en cas :
- de suspicion sur le rapport bénéfice/risque d’un médicament (Mediator, 5-FU, docetaxel)
- de difficulté d’accès à un médicament
Il pourrait aussi s’auto-saisir en cas de rupture du principe d’égalité, de non-respect des référentiels de prise en charge et des réglementations.
Retrouvez l’ensemble de nos propositions pour les Présidentielles 2022 ici
1. Ces EIG regroupent les décès de patients (60%) ou la mise en jeu du pronostic vital avec déficit fonctionnel (40%). Le chiffre de mille décès par an est notoirement (de l’avis même de la HAS) sous-évalué, bon nombre de ces “accidents” n’étant pas déclarés. Quant à ceux qui sont déclarés initialement depuis 2017, nombreux sont “déclassés” par manque d’informations administratives et de suivi des ARS. Ainsi, sur 9123 événements déclarés initialement (donc décès en majorité) on n’arrive « qu’à » 3038 événements validés – par absence de suivi administratif.
2. Environ 80 000 personnes la reçoivent chaque année en traitement curatif ou adjuvant.
3. Dès 1985, le New England Journal of Medicine publiait une étude sur la toxicité du 5F-U. Des tests existaient déjà pour vérifier, avant le traitement, que le patient ne présentait pas de déficit en DPD. Pourtant, l’immense majorité des hôpitaux français ne testaient pas les patients. Y compris, après le 18 mars 2013, date à laquelle le Dr Boisdron-Celle, pharmacien biologiste à l’ICO d’Angers alertait le comité de pharmacovigilance de l’Agence nationale de la Santé et du Médicament (ANSM) des dangers mortels du 5-FU. Présentation suivie d’un compte rendu du comité de pharmacovigilance où l’agence annonçait : “Une communication sur le risque lié au déficit en DPD chez les patients (…) et sur l’existence de tests de dépistage est nécessaire.”