Alors que de plus en plus de traitements contre le cancer sont dispensés par les pharmaciens de ville, ces derniers ne sont pas toujours formés à l’accueil, l’accompagnement et le suivi des personnes atteintes de cancer. Le réseau de pharmaciens TotumLab a donc décidé d’élaborer Oncopharma. Issue d’un travail co-construit avec l’Association Francophone de Soins Oncologiques de Support (Afsos), cette formation permet aux pharmacies de monter en compétences dans le domaine de l’oncologie. Hélène Valque fait partie des premières pharmaciennes à avoir validé cette formation et à avoir obtenu la certification Oncopharma pour sa pharmacie.
Pourquoi avez-vous voulu obtenir cette certification ?
Hélène Valque : L’oncologie m’a toujours beaucoup intéressée. Après 10 ans en officine, j’ai pratiqué 6 ans à l’hôpital dans un service de chimiothérapie. Je m’y occupais notamment de l’éducation thérapeutique des patients. Quand je me suis réinstallée en ville, je voulais continuer à accompagner les personnes atteintes de cancer. J’avais déjà beaucoup appris sur le terrain mais, il y a 2 ans, j’ai voulu mettre à jour mes connaissances et j’ai passé un diplôme universitaire de pharmacie clinique en oncologie. J’ai commencé à passer des entretiens avec les personnes atteintes de cancer qui venaient dans ma pharmacie. Mais je me suis rapidement rendue compte que mes équipes étaient un peu frileuses.
Pourquoi à votre avis ?
Il y a encore beaucoup de tabou autour du cancer, même chez les pharmaciens. Je voyais que mes équipes avaient un positionnement différent quand elles étaient avec des personnes atteintes de cancer. Elles étaient plus sur la réserve. Elles appréhendaient d’avoir à s’occuper d’elles : peur de mal faire, de ne pas utiliser les bons mots, de choquer.
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Qu’avez-vous appris grâce à la formation Oncopharma ?
Pour obtenir la certification, il faut suivre une formation de 6 jours. On y apprend les principes des différents traitements : chimiothérapie, hormonothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée… On nous enseigne à reconnaître et gérer les effets secondaires, l’intérêt de tel ou tel soin de support, de l’activité physique adaptée… On doit également passer une journée sur le terrain au côté d’un spécialiste en cancérologie : un radiologue, un cancérologue…
Mais au-delà de ces connaissances “techniques”, on met surtout l’accent sur un aspect essentiel de notre métier : le relationnel. Comment écouter un patient, ses peurs. Répondre aux interrogations des proches, les conseiller… Au cours de la formation, une journée est ainsi dédiée à l’oncopsychologie pour être en mesure de détecter la détresse psychologique de nos patients.
En quoi la formation Oncopharma vous a-t-elle aidée à fédérer votre équipe ?
Quand je l’ai terminée, j’avais une idée plus structurée de la manière dont je pouvais accompagner mon équipe, la faire monter en compétence. Comme la formation comprend également un module sur la supervision psychologique de nos équipes, je me sentais plus sereine. Je savais comment les accompagner si par exemple ils étaient choqués par le décès d’un de leur patient.
Comment vous y êtes-vous prise pour embarquer vos collaborateurs dans ce projet ?
J’ai mis l’accent sur le fait que cela valoriserait ce qui est au cœur du métier de pharmacien : la bienveillance et l’écoute des patients. Nous avons une vraie valeur ajoutée auprès de ces patients parce que nous les voyons régulièrement, nous connaissons aussi leurs proches. Nous savons quels patients sont susceptibles de moins bien suivre leurs traitements, on peut alerter l’entourage pour qu’ils soient vigilants, leur proposer des solutions pour faciliter leur quotidien : un pilulier, un rappel sur le téléphone.
Je me suis aussi appuyée sur les sensibilités des membres de mon équipe pour les motiver : l’onco-esthétique pour l’une, les prothèses capillaires et mammaires pour l’autre, …
Avez-vous noté un avant et un après la certification chez vos collaborateurs ?
Les pharmaciennes qui travaillent avec moi sont plus à l’aise pour parler avec les patients, leur expliquer ce qu’on peut leur apporter à l’officine. Cela ne fonctionne pas toujours. Certains patients n’acceptent pas notre aide. Cela dépend beaucoup du stade où ils en sont : le déni, la colère… Mais on leur a donné l’information, on a posé une petite graine. Il arrive souvent qu’ils reviennent des semaines ou des mois plus tard, quand ils sont prêts ou qu’ils en ressentent le besoin. C’est valorisant.
Comment savoir si la pharmacie proche de chez moi est certifiée Oncopharma ?
La certification est récente, il n’y a pas encore d’annuaire qui référence les pharmacies certifiées mais le projet est en cours. D’ici là, vos lectrices ne doivent pas hésiter à parler de cette certification à leur pharmacien : elles pourraient ainsi les inciter à améliorer leur compétence dans la prise en charge des personnes touchées par un cancer.
Propos recueillis par Emilie Groyer