Ma première séance de chimio a eu lieu le 7 mars 2022. La veille, le dimanche 6, je suis allée courir dans la forêt de Compiègne. J’ai la chance d’habiter juste à côté. Je ne savais pas à ce moment là comment mon corps allait réagir aux traitements. Sentir le sol sous mes pieds, mon corps s’éprouver, transpirer, m’a semblé sur le moment essentiel, salutaire même pour lutter contre les effets secondaires à venir. Et c’est devenu un rituel. Chaque dimanche précédant ma séance de chimio, j’ai fait un footing, en famille, dans les bois. Soif de sensations musculaires et physiques immédiates, d’un cœur qui bat plus vite, d’une respiration qui s’accélère. J’avais besoin de cette connection avec mon corps, de cette sensation de me sentir… en vie. Cela m’a beaucoup aidé à supporter notamment l’état d’extrême fatigue, associé aux nausées qui m’envahissaient les jours d’après. J’avais choisi une paire de chaussures de trail, parce qu’elles sont tout terrain, qu’elles sont très faciles à enfiler avec leurs lacets « quiklace » autobloquants et parce qu’elles sont hyper-confortables.
Rugby, danse, tennis…
« Men sana in corpore sano », un esprit sain dans un corps (presque !) sain… Incontestablement, l’activité physique a été mon secret bien-être tout au long de mon parcours de soin. Je crois d’ailleurs que depuis la fac de sport, je n’ai jamais eu un tel planning sportif !
Le mardi c’était rugby, avec l’équipe des Pink Warriors de Compiègne. Même s’il s’agit de rugby santé, donc adapté, je n’aurais jamais pensé pratiquer régulièrement cette activité, ni porter un jour des crampons ! Encore aujourd’hui, cette bouffée d’oxygène, de rires, de courses en tchic tchac, le tout couverte de boue en hiver, me semble vivifiante, régénératrice et salutaire.
Le mercredi, changement complet d’univers ! J’enfilais mes chaussons de danse. Ma discipline de cœur que j’avais dû interrompre un bon mois après ma mastectomie totale du sein gauche en janvier 2022 ainsi qu’au moment de mes trois plus grosses séances de chimios. Mais ensuite, je me suis accrochée pour rattraper mon retard et maîtriser la chorégraphie pour participer au gala de fin d’année. Tout en tournant, glissant, pivotant, sautant ( et tout en protégeant de vernis au silicium mes ongles d’orteils abîmés par la chimio), j’avais le sentiment de faire partie de la troupe, même avec mon turban sur la tête, mon PAC visible et ma brassière coquée ! Monter sur scène le 18 juin 2022, alors que j’étais encore sous chimio, et danser devant ma famille, mes amis, ma kiné, a été un moment particulièrement fort.
Tant que le corps vibre, la tête suit
Le jeudi j’allais au tennis. Frapper la petite balle jaune, enfin orange pour nous, les filles du sport santé, a été un réel défoulement et aussi l’occasion de nouvelles rencontres. À deux, quatre ou six, aux entraînements, à coups de sautillements, petits pas, pas chassés ou croisés, nous avons appris les coups droits, les revers et goûté une fois aux joies de la terre battue ! À partir de mai, mes chimios, plus courtes, étaient passées le jeudi matin toutes les semaines. J’attendais alors en trépignant les résultats de ma prise de sang du jour pour passer dans la foulée la chimio, et ensuite filer pour arriver à l’heure à l’entraînement de 10h30 ! Autant dire que la sieste de l’après-midi était la bienvenue !
Tant que le corps vibre, vit, la tête suit, et réciproquement. Le plaisir s’éprouve à la fois dans l’instant même, ici et maintenant, mais aussi dans la durée, pour ailleurs et pour plus tard. Malgré des journées « sans », je pense que je n’aurais pas aussi bien “supporté“ mes traitements, lourds et moins lourds, Le sport m’a permis d’être résiliente. Aujourd’hui, je me sens plus forte qu’avant.
À LIRE : Retrouvez tous les épisodes de notre série « Objets fétiches »
Propos recueillis par Sandrine Mouchet
Photo : Patrick Swirc
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 24, p.41)