Remettre le patient au centre du système de santé…
Plusieurs participantes posent ce même constat : elles se sentent parfois abandonnées face à la maladie. Un oncologue qui prévient ses patientes que « désormais les rendez-vous se limitent à 10 minutes par patiente », un autre qui quitte son poste sans prévenir ses patientes… Mathilde, jeune malade, apporte un témoignage fort : après sa première chimiothérapie, elle avait beaucoup de questions. Pour ne pas déranger son oncologue, elle lui envoyait des mails. Ce dernier a fini par la rappeler en lui expliquant qu’elle n’était pas la seule patiente et en plaisantant (plus ou moins) sur un éventuel « harcèlement ». Globalement, les participantes font état d’un manque de réponses à leurs questions, notamment concernant l’ « après cancer » : les effets secondaires après la maladie, l’hormonothérapie, la sexualité aussi qui reste tabou.
Propositions :
- Création d’un poste à l’hôpital, éventuellement occupé par un « psycho-oncologue », qui serait chargé de répondre à toutes ces questions. Les rendez-vous seraient groupés avec ceux de l’oncologue. Il s’agirait ainsi pour les malades d’avoir un interlocuteur dédié pour répondre à leurs questions.
- Travailler en « réseau de soin ». Ces dispositifs existent déjà, comme l’explique une participante. Ce sont différents professionnels, souvent des psychologues, des médecins spécialisés, des infirmières, réunis autour d’une affection longue durée, ou d’une maladie chronique, pour une prise en charge globale du patient. Pour les cancers féminins, on peut penser à un dispositif regroupant des infirmières, une socio-esthéticienne, un psychologue, un oncologue etc.
- Améliorer l’existant. Accompagner de manière plus souple la prise en charge psychologique des patientes. Dans certains hôpitaux, elles ont une enveloppe de trois séances de psycho-oncologie et c’est tout. De plus, il existe dans certains hôpitaux des référents pour les soins supports (soins qui concernent une approche globale de la maladie : changement image corporel, douleur, fatigue, troubles digestifs…). Il serait intéressant de les généraliser à tous les hôpitaux.
- Étendre le concept de patient-expert. C’est un diplôme universitaire créé par Catherine Tourette-Turgis. Les patients experts sont des patients qui souffrent, ou ont souffert, de pathologies lourdes et longues. Au fur et à mesure, ils comprennent les ressorts médicaux, connaissent la douleur, ont l’habitude des traitements. Bref, ils acquièrent un véritable « savoir-patient ». Ils peuvent ainsi aider les autres patients à appréhender leurs maladies. Cela n’existe pas dans chaque hôpital mais tendrait à être généralisé. De plus, cela peut aider les patients à poser des questions qu’ils n’osent pas adresser aux médecins. Plusieurs participantes au débat ont ainsi évoqué une relation « dominé-dominant » entre le malade et le médecin qui empêche une communication transparente.
- Faire une place aux thérapies complémentaires à l’hôpital : hypnose thérapeutique par exemple.
Les problématiques de remboursement, faire face aux difficultés financières
Une participante explique qu’elle n’a reçoit pas d’aides financières, malgré un an de combat contre la maladie. Elle touche actuellement 32 euros par jours, de la part de la Sécurité Sociale, pour unique revenu. Il faut faire face aux dépassements d’honoraires imposés par certains médecins, acheter certains soins supports (crème, cosmétique, perruque etc.). En Gironde, une bonne pratique existe, instaurée par la CPAM : le reste à charge. Il n’est valable en revanche que pour les malades d’un cancer du sein. Le reste à charge est une aide financière qui vient compléter le remboursement de la sécurité sociale et celui de la mutuelle. C’est un fonds dédié qui permet de financer différents produits : cosmétiques, produits contre le tabagisme, sous-vêtements, produits pour pallier aux problèmes cutanés.
Malgré la prise en charge à 100% du traitement (chimiothérapie, scanner, radiothérapie…), certains malades ne peuvent pas faire face aux autres coûts imposés par la maladie : reconstruction, soin support, médecines douces.
Propositions :
- Élargir cette pratique de la CPAM de Gironde à d’autres départements, à tous les cancers, mais également mieux informer dans les départements où le dispositif est mis en place. La Maison Rose de Bordeaux a noté un important déficit d’information sur le reste à charge. La patiente qui témoignait assure d’ailleurs qu’elle en a entendu parler bien après ses opérations, en venant à la Maison Rose, et donc que certaines factures sont restées à sa charge.
- L’association RoseUp a obtenu une victoire dans le remboursement des perruques, après une âpre négociation. Le remboursement des perruques va passer de 125 euros à 350 euros. Les perruquiers ont, de plus, accepté de baisser le prix de leurs perruques de 400 euros à 350 euros. Grâce à ces efforts conjoints, les patientes auront accès à des perruques initialement plus chères, et seront totalement remboursées.
- Élargir les conditions de remboursement. Aujourd’hui, la Haute Autorité de Santé décide des produits concernés par les négociations. Elles comprennent les perruques, quelques foulards mais pas d’autres dispositifs qui ont pu être inventé depuis (franges, turbans…). De plus ces dernières portent uniquement sur les prix et non par les conditions de remboursement. Or, les prérequis pour le remboursement d’une perruque sont parfois incompatibles avec les modes de vie des patientes. Les perruques doivent être conçues par des perruquiers formés et achetées dans un lieu dédié. Ces conditions ne prennent pas en compte les perruques acquises sur internet. Plusieurs problématiques découlent de ces prérequis : toutes les villes n’ont pas de perruquiers, certains malades ne peuvent pas se déplacer, et une incompréhension générationnelle : les jeunes malades ont l’habitude de consommer sur internet.
- Rembourser les prothèses mammaires externes. Si l’acte chirurgical de reconstruction mammaire est remboursé, les prothèses externes ne le sont pas. Ces dispositifs sont des « coussinets » que la patiente peut placer dans son soutien-gorge afin de recréer la forme naturelle d’un sein, sans passer par la case chirurgie esthétique. L’association en fait un de ses combats prioritaires pour l’année. Dans la même idée, rembourser la latéralisation, soit l’ablation du deuxième sein. Il faut accepter que certaines femmes ne souhaitent pas de reconstruction mammaire et ainsi généraliser et rembourser l’acte chirurgical qui consiste à se faire enlever son deuxième sein. Béatrice, une malade, témoignait : sa chirurgienne a refusé de lui retirer son second sein, car elle ne souhaitait pas lui enlever un organe sain.
- Faire jouer la concurrence entre les professionnels de la santé afin de les encourager à baisser leurs prix. Les participantes prenaient par exemple le prix des soutiens-gorge post-mastectomie vendus 150 euros en pharmacie. L’association RoseUp a collaboré avec le distributeur de grande surface TEX, qui a proposé une collection à l’occasion du mois d’octobre. Ces sous-vêtements adaptés ne coûtaient qu’une vingtaine d’euros.
- Encadrer les prix : prix des soins supports, des dépassements d’honoraires. « On fait entrer le patient dans un système de clientélisme et de consommation » témoigne une participante.
Les déserts médicaux et l’égalité d’accès au soin
Actuellement la cancérologie en France tend à s’organiser autour de centres experts. Mais les centres experts peuvent être éloignés des domiciles des patientes. Un des derniers reportages de Rose magazine relatait les difficultés des malades en Guyane, où un seul hôpital propose un service cancérologie. Une femme devait voyager durant deux heures en pirogue suivies de cinq heures de route pour avoir accès à ses soins. En France métropolitaine, certaines régions sont également isolées, et les chances de survie pour les malades s’en trouvent impactées.
Propositions :
- Obligation de formation pour les médecins, tout au long de leur carrière. Actuellement aucune préconisation, aucune structure ne peut contraindre les médecins à se former. Un cancérologue diplômé il y a plusieurs dizaines d’années peut manquer de connaissances sur de nouveaux traitements, les avancées de la recherche, de la génétique. Or une obligation de formation en continue et pour tous pourrait lisser les compétences entre hôpitaux.
- Dans la continuité, imposer des formations aux médecins des centres hospitaliers proches pour permettre aux malades de se faire soigner près de chez eux sans risque pour leurs vies.
- Investir dans l’hôpital et les services publics avec un système de contrôle et d’évaluation des dépenses : contrôler l’utilisation des budgets, évaluer l’efficacité des dispositifs pour réaliser des économies. Céline-Lis Raoux prenait l’exemple du transport sanitaire. Il coûte 4 milliards d’euros à la sécurité sociale. Ce dispositif n’est pas toujours adapté aux besoins. Les kilomètres peuvent être remboursés si un patient utilise son véhicule personnel, mais en cas de malaise au volant, lié à la fatigue ou à des effets secondaires, l’assurance ne prend rien en charge et les conséquences peuvent être dramatiques. L’association RoseUp proposait par ailleurs un système de covoiturage, Rose Car, pour les patientes : partager un véhicule pour se rendre à l’hôpital. L’objectif était social, solidaire, économique et écologique. Les hôpitaux n’ont pas joué le jeu de la promotion d’un tel service, et n’ont pas proposé de places de parkings gratuites pour le covoiturage.
- Une des participantes évoquait un dispositif mis en place après son accouchement qui pourrait se transposer à des malades du cancer. Ce dispositif d’aide au retour au domicile après la naissance d’un enfant imposait la visite et le suivi régulier d’une sage-femme. Un ambassadeur de la sécurité sociale a envoyé un SMS à la jeune maman pour vérifier qu’elle avait bien eu un suivi, et lui demander ce qu’elle en avait pensé.
Transparence, sincérité sur les traitements
Cette dernière problématique reprend plusieurs éléments des précédentes. A cause d’une relation dominant-dominé, d’un manque de contrôle et de contraintes sur les médecins, les malades ne bénéficient pas toujours d’une information sincère, transparente quant aux traitements utilisés. Un des exemples les plus dramatiques est celui de la chimiothérapie 5FU contenant une enzyme pour laquelle 1% de la population est déficiente. Les conséquences : une allergie pouvant entraîner des complications jusqu’au décès du patient. Un test existe pourtant pour détecter une déficience à l’enzyme chez le patient. Il coûte 22 euros à l’hôpital, 75% des structures ne le proposent pas à leurs patients, et ce malgré de multiples préconisations.
Propositions :
- Être plus transparent quant aux traitements. Une jeune malade, Mathilde racontait un rendez-vous avec son oncologue, juste avant de commencer une hormonothérapie. Il lui a parlé d’un médicament, à prendre en perfusion une fois par mois qu’elle ne connaissait pas. Le médecin a fini par lui apprendre que cette substance n’avait pas encore eu d’autorisation de mise sur le marché comme adjuvant dans le cadre d’une hormonothérapie.
- Mieux suivre et remédier au défaut de pharmacovigilance en France. Les essais cliniques sont réalisés sur des patients plutôt jeunes. Dans la réalité les patients peuvent être plus fragiles. Il pourrait être plus intéressant de tester ces adjuvants dans des conditions plus réelles.
- Plus de rendez-vous de contrôle à chaque étape du traitement. Une jeune femme expliquait qu’après sa chimiothérapie elle avait directement commencé une radiothérapie, sans examen au préalable.
Lutter en amont sur les facteurs de risques de cancer
- Baisser la TVA sur les produits issus de l’agriculture biologique, et dans la même lignée, aider plus les exploitants qui sont passés en agriculture biologique.
- A l’inverse, taxer considérablement les produits nocifs, comme les pâtes à tartiner, qui « au mieux donnent le cancer, au pire rendent obèse» explique Béatrice, une des participantes au débat.
Le Facebook Live
Nous avions invité notre communauté Facebook à prendre part au débat. Retrouvez le Facebook live de cette participation au Grand Débat depuis Maison Rose Bordeaux.
L’évènement en images
Dans les médias
Retrouvez Céline Lis-Raoux, invitée de l’émission politique « Pour ou contre le Grand Débat ? » sur la chaîne France3 Aquitaine/France Bleu
Poursuivons le débat
Nous vous invitons à faire entendre votre voix. Si vous avez des suggestions et des propositions, nous vous mettons à disposition un formulaire dédié : rendez-vous sur notre page