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Première mondiale : un bébé nait par MIV (maturation d’ovocytes in vitro)

{{ config.mag.article.published }} 25 septembre 2019

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Claudy souffre d'un cancer du sein hormonodépendant. Les traitements risquant de la rendre stérile, on lui propose un prélèvement d'ovocytes. Problème : impossible dans son cas de stimuler ses ovaires à cause des hormones qui risquent d'aggraver son cancer. Les médecins de l'hôpital Antoine-Béclère tentent une MIV, une première mondiale en oncologie. La réussite s'appelle Jules.

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Jules est un beau bébé de 3,3 kilos pour 49 cm. Il a vu le jour le 6 juillet 2019. Il ne le sait pas encore mais sa naissance est une première mondiale. Et un petit miracle. Sa mère, Claudy, a été diagnostiquée d’un cancer du sein 6 ans auparavant. Le 16 avril 2013. Le jour de ses 29 ans. Drôle de cadeau d’anniversaire. Comme le protocole l’exige, on lui a proposé de préserver sa fertilité avant le début de la chimiothérapie. Oui mais voilà, son cancer est hormonodépendant : hors de question pour les oncologues d’autoriser une stimulation ovarienne en vu de prélever ses ovocytes. Trop risqué. Les hormones pourraient aggraver son cancer. Il faut recourir à une autre technique. Les alternatives sont rares et expérimentales. « Nous avons envisagé le prélèvement de tissu ovarien mais c’est une technique invasive et, en 2013, la réimplantation par greffe était encore incertaine. Et il arrive que l’on ne puisse pas la réaliser parce qu’il y a un risque de retransmettre des cellules tumorales » explique le Pr Michael Grynberg, chef du service de médecine de la reproduction et de la préservation de la fertilité à l’hôpital Antoine-Béclère (Clamart) où Claudy est suivie. Le médecin propose une autre option à la jeune femme : la maturation ovocytaire in vitro ou MIV.

Une technique jamais pratiquée en cancérologie

À la différence de la technique classique, la MIV consiste à prélever des ovocytes immatures et à les rendre aptes à la fécondation en les cultivant en laboratoire dans un milieu comprenant des hormones pendant 24 à 48 heures. Cette technique n’a encore jamais été pratiquée dans le contexte d’un cancer mais l’hôpital Antoine-Béclère la propose depuis 2003 aux patientes atteintes d’un syndrome des ovaires polykystiques. Pour ces femmes aussi la stimulation ovarienne est risquée. « On a pensé que cette technique pourrait profiter à d’autres femmes pour lesquelles nous n’avons pas d’autres solutions » explique le Pr Nelly Achour Frydman, responsable de la biologie de la reproduction à l’hôpital Antoine-Béclère. Une approche que leurs collègues ne prennent pas au sérieux. Le Pr Achour Frydman se souvient de leurs commentaires « On nous a dit : “ Vous ne savez pas ce que ça va donner. Les patientes ne sont pas les mêmes ”. Et ils ont raison. Les femmes avec un syndrome polykystique ont beaucoup de follicules et on obtient beaucoup d’ovocytes sans avoir à les stimuler artificiellement. Ce qui n’est pas le cas des femmes touchées par un cancer. »

Claudy, elle, est bien loin de ces querelles d’experts. Elle a d’autres préoccupations. « J’étais en couple depuis seulement 10 mois quand on m’a demandé de prendre cette décision. Je n’avais jamais abordé la question des enfants avec mon ami. On ne s’était pas encore projeté si loin, se souvient Claudy. Et puis, j’étais encore sous le coup de l’annonce de mon cancer. Il y avait déjà énormément d’informations à ingurgiter sur les traitements… Même si le Pr Grynberg a pris le temps de bien m’expliquer la procédure en faisant des schémas, je ne me suis pas rendue compte qu’il y avait si peu de recul sur cette technique. Je me suis dit : “ Ça coute rien d’essayer ”. Et de toute façon, je n’avais pas d’autres choix alors, j’y suis allée. »

« J’étais en couple depuis seulement 10 mois quand on m’a demandé de prendre cette décision »

Le prélèvement est programmé quelques jours plus tard. La procédure est compliquée et demande une certaine expertise : le gynécologue doit ponctionner les ovocytes dans des follicules ovariens bien plus petits qu’après une stimulation hormonale. Claudy n’en a pas conscience : elle est sous anesthésie générale. Pour elle, l’opération aura duré à peine une heure et elle ressort de l’hôpital dans la journée. Pendant ce temps, ses ovocytes sont transférés aux biologistes qui vont les faire maturer in vitro. Deux jours plus tard, alors que ses « œufs » sont précieusement conservés dans l’azote liquide, Claudy commence le protocole thérapeutique : chimiothérapie puis, radiothérapie. Elle échappe toutefois à l’hormonothérapie.

Malgré les traitements, la jeune femme n’oublie pas de vivre. « En fait, ce cancer a été un vrai déclic. J’ai cultivé ma féminité : j’ai acheté une belle perruque, j’ai commencé une collection de foulards, j’ai appris à me maquiller… Et j’ai fait ce que j’aimais faire, comme mater toutes les saisons de Greys Anatomy. » Elle n’oublie pas non plus de renouveler la conservation de ses ovocytes. « Je recevais régulièrement des courriers me demandant si je voulais toujours les garder. Je ne suis pas quelqu’un de très organisée, j’ai tendance à laisser les papiers s’entasser. Mais ces lettres-là, j’y répondais dès que je les recevais. » Pendant cette épreuve, elle peut compter sur son conjoint, toujours à ses côtés. « Nous avons traversé le cancer ensemble. D’ailleurs, je dis souvent qu’ON a eu un cancer. Ca a vraiment renforcé notre couple. »

Six ovocytes mais un seul embryon viable

Les traitements prennent fin en avril 2014. « On a retiré mon cathéter le jour de mon anniversaire. » Un cadeau plus sympathique que l’année précédente. Le couple, qui s’est marié entre temps, envisage de faire un enfant. Mais il faut attendre entre 3 et 5 ans, la réponse varie selon le médecin interrogé. « Au bout de 3 ans, on se sentait prêts alors on s’est écoutés » explique Claudy. Après 2 ans d’essais, la jeune femme ne parvient pas à tomber enceinte. « Je suis retournée voir le Pr Grynberg. Après tout, j’avais des ovocytes tout beaux, tout neufs, qui n’avaient pas connu la chimio et les rayons, et qui attendaient d’être décongelés. Autant les utiliser. Mais je dois avouer que je me demandais si après cinq ans dans un congélo, ils étaient toujours en pleine forme… »

Le biologiste décongèle l’ensemble des ovocytes. Il y en a 6 en tout. C’est peu. Après analyse, uniquement 4 peuvent recevoir la fécondation in vitro. Deux embryons se développent. Un seul est viable. Toutes les chances de grossesse repose sur ce dernier rescapé. « On était très excités mais on n’en menait pas large. On ne réalisait pas trop ce qui était en train de se passer » se souvient Claudy. Dans l’obscurité du bloc, le couple assiste à l’implantation sur l’écran de contrôle. « On a retenu notre souffle. C’était émouvant et très intimidant de voir cette petite pipette déposer les embryons dans mon utérus. »

Il faut maintenant attendre 2 semaines avant de confirmer la grossesse. « C’était les montagnes russes émotionnelles. Un coup je sentais que quelque chose se développait en moi et, deux heures après, j’étais sure que la FIV avait échoué. Ma famille non plus n’osait pas se réjouir. Tout le monde était dans la retenue » reconnaît la jeune femme. Les résultats des analyses de sang arrivent enfin. Claudy est bien enceinte. C’est le soulagement. La grossesse se passe normalement et ne demande pas de suivi particulier. Claudy donne naissance à Jules 9 mois plus tard et profite de son nouveau statut de maman. La vie reprend son cours normal. Jusqu’au coup de fil du Pr Grynberg, 2 mois plus tard. « Il voulait m’annoncer que l’hôpital allait publier un communiqué pour annoncer la naissance de Jules. C’est là que j’ai compris qu’il s’agissait d’une première mondiale. Je me suis repris tout mon parcours d’un coup. Et j’ai pleuré en réalisant ma chance. »

« Il serait idiot de s’en passer quand on n’a pas d’autres alternatives »

Pour le moment, à l’exception des 4 hôpitaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (Cochin, Jean Verdier, Tenon, Antoine-Béclère/Bicêtre), la MIV est proposée dans peu de centres. La naissance de Jules pourrait en inciter d’autres à se former à cette technique. C’est en tout cas ce qu’attend le Pr Achour Frydman : « Jusqu’à présent les centres de fertilité étaient un peu frileux à utiliser cette technique parce qu’elle était considérée comme expérimentale et qu’il n’y avait pas encore eu de naissances. On espère que cela va changer. » Depuis Jules, un deuxième bébé est né à Antoine-Béclère d’une femme atteinte de cancer ayant bénéficié d’une MIV, un troisième est attendu pour novembre. « Cette technique peut être proposée à des femmes, comme Claudy, qui ont un cancer hormonodépendant. Il est vrai que la position des oncologues a changé depuis 2013 et qu’ils acceptent de plus en plus la stimulation ovarienne même pour ce type de cancer. Mais ils y sont encore réticents notamment quand la tumeur est toujours en place. Et, dans le cancer du sein, il arrive de plus en plus souvent que le protocole thérapeutique commence par une chimiothérapie néoadjuvant, c’est-à-dire administrée avant la chirurgie » explique le Pr Grynberg . « La MIV peut aussi être indiquée quand la chimiothérapie doit être donnée en urgence et qu’on ne peut pas attendre les dix jours de stimulation ovarienne. C’est notamment le cas des cancers hématologiques » ajoute le Pr Achour Frydman. La MIV n’est toutefois pas la panacée comme le reconnaît le Pr Grynberg : « Les FIV d’ovocytes maturés in vitro ont un taux de réussite en moyenne trois fois inférieur aux FIV classiques mais il serait idiot de s’en passer quand on n’a pas d’autres alternatives. » Car, comme le cas de Claudy l’a montré, la première et unique tentative est parfois la bonne.

Emilie Groyer

LA MIV EN CHIFFRES

À l’hôpital Antoine-Béclère, 667 femmes atteintes de cancer ont bénéficié d’une préservation de leur fertilité depuis 2009 : 260 ont reçu une stimulation ovarienne, 407 d’une MIV.
Parmi ces femmes, 40 ont eu recours à une FIV, en moyenne 4 ans après la chimiothérapie :
– Pour 15 d’entre elles, les ovocytes avaient été obtenus par stimulation ovarienne. Quatre naissances ont été enregistrées ;
– Pour 25 d’entre elles, les ovocytes avaient été obtenus par MIV. Deux femmes ont donné naissance à un bébé, dont Claudy (une 3ème accouchera en novembre)


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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