Soit une femme de 45 ans. Traitée pour un cancer du sein à 37. Ablation, chimio, radiothérapie. Ménopausée à 40 ans. Posons, ensemble, l’équation :
Ménopause à 40 ans
= 2 ans à combattre une acné récalcitrante.
= 5 ans à être 90% du temps d’une humeur de chien. Et le 10% restant d’une humeur exécrable.
= 5 ans à ne plus manger une frite-mayo, le ratio « calorie-prise de poids » étant de l’ordre de la courbe exponentielle. Une calorie compte cent, c’est comme au scrabble, à part qu’il n’y a rien à gagner.
= 5 ans à passer des nuits en pointillés (ah super ! cette nuit j’ai dormi huit fois douze minutes) et donc à piller le frigo dans les (larges) interstices du sommeil – retour à l’équation précédente 1cal=100cal.
= 5 ans à explorer un des mystères de la nature qui s’appelle la « suée nocturne ». Ou comment réussir l’exploit de transformer un lit bien frais en hammam, juste par la grâce des hormones. Je m’étonne d’ailleurs que personne n’ait encore pensé à brancher les femmes ménopausées sur une machine qui permettrait de récupérer la chaleur de leur corps pour la transformer en électricité. Voilà une expérimentation à proposer au ministère du développement écologique et durable et une source d’énergie a priori inépuisable.
Abricot sec pas de sexe !
Mais surtout – et c’est le sujet qui nous occupe aujourd’hui – ménopause = sécheresse et atrophie vaginale. Alors, évidemment, ce n’est pas ce dont on se plaint en premier. L’ensemble des points précédemment évoqués fait, qu’en général, la période de la ménopause coïncide rarement avec celle des « 5 à 7 » crapuleux, des nuits d’extase ni des acrobaties sexuelles. Le dessèchement progressif de l’abricot intime n’apparait pas tout de suite. Sauf que le jour où, miracle, vous avez dormi plus de deux heures d’affilée et que votre gamin vient de décrocher son bac avec mention TB (ce qui est à peu près la seule chose capable de vous mettre de bonne humeur), vous vous sentez l’esprit câlin. Le chéri réduit au pain sec et à l’eau depuis des mois, comprend le message et ne se fait pas prier. Bref, le moment M arrive. Sauf que… Pas. « Ça » ne passe pas. Ce n’est pas un simple défaut de lubrification non, c’est pire : vous avez le sentiment que l’ensemble de votre appareil génital est tel un vieux pruneau rabougri mais que, même à l’intérieur, le tissu est fin, sec, comme du papier à cigarette, prêt à se déchirer. Désolé, chéri. Finalement, pas ce soir.
Il s’agit d’un des effets de l’atrophie vaginale, résultat de la ménopause précoce que subissent bien des femmes malades de cancer, de manière « naturelle » (les règles ne reviennent pas après les chimios) ou médicamenteuses (hormonothérapie). Rose a déjà tout expliqué dans cet article. Maintenant qu’on sait, que faire ? Première option : entrer au carmel, faire vœux de chasteté et prier pour le salut des âmes. Deuxième option : se ruiner en ovules, crème et autres onguents qui facilitent la lubrification en sachant que cela ne résout en rien le problème, mais met de l’huile dans la machine… ce qui n’est déjà pas si mal.
Dernière option : chercher une solution qui s’attaque à la source de nos ennuis. L’atrophie vaginale. Et là, Rose Magazine m’explique que LA solution existe. Il s’agit d’un laser CO2 fractionné qui, introduit dans le vagin, provoque des microlésions dans sa paroi. En réaction, la production de collagène et d’acide hyaluronique est stimulée, régénérant ainsi les tissus. Ce dispositif est actuellement en phase d’essai clinique dans les plus grands centres de cancérologie (dont Gustave Roussy). Après un appel de vérification pour recouper l’info auprès de ma cancérologue (qui recommande), rendez-vous est donc pris chez un des rares gynécologues parisiens qui possède le Mona Lisa Touch.
Premier rendez-vous, pistolet et méchoui
La première rencontre avec l’objet n’est pas des plus encourageantes. Carrossée comme une pompe à essence high tech, la machine présente un bras articulé qui se termine par un pistolet. On comprend intuitivement, à la seconde où l’on se couche sur la table de gynéco, pattes ouvertes, où va se glisser le sus-dit pistolet. Bon, zen. Dans sa tête, on égrène l’ensemble des opérations douloureuses, ablations, reconstructions, exfiltration de prothèses défectueuses, intraveineuses ratées, chimios douloureuses et autre IRM, ponctions sans anesthésie que l’on subit depuis dix ans, sans jamais se plaindre. Alors ce n’est pas une sonde de plus ou de moins qui va faire la différence ! Sans compter que le Dr Mouly, très urbain, ne s’économise pas pour faire « passer » la manipulation, il discute, raconte des anecdotes. En même temps, il introduit le pistolet stérilisé au fond du vagin, active le laser et tout doucement glisse l’appareil vers l’extérieur, jusqu’à sa sortie complète.
La séance dure une dizaine de minutes. Ce n’est pas vraiment douloureux, tout au plus à la fin lorsque le pistolet s’approche des lèvres, on ressent une brûlure. En revanche, l’odeur de cochon grillé qui monte à nos narines dès le début de l’opération est pour le moins étrange.
Après cette première séance, retour à pied à la maison (pas osé prendre le métro avec la réjouissante odeur de méchoui qui flotte autour de moi). Au bout de quelques minutes de marche, une sensation oubliée depuis belle lurette, je saigne ! Il ne s’agit pas de règles mais d’une réaction à ce premier traitement (je me note, pour la prochaine séance exhumer de la boite à souvenirs des serviettes hygiéniques). A part ces saignements, ni effets secondaires, ni changement notable.
Deuxième rendez-vous, statu quo
Pour mon deuxième rendez-vous, un mois plus tard, le bon docteur commence, taquin, par me poser des questions sur l’état général de l’abricot. Personnellement je n’ai noté aucun changement. Mais, après examen, le gynécologue note, encourageant, le retour d’un glaire cervical, moribond il y a un mois. Bref, si je ne sens pas encore la différence, elle s’amorce en douceur. Même manipulation que le mois précédent, en revanche, je ne sais si c’est l’état général des tissus qui est meilleur ou moi qui suis moins stressée, aucune douleur réelle n’est produite par le laser, même à la toute fin. Retour à mes pénates, non sans avoir pensé à garnir mon fond de culotte de couches hygiéniques. Mais cette fois pas de saignement…
Troisième rendez-vous, en route vers le Nirvana !
Pendant un mois, une petite révolution s’est produite. Tout d’abord mes fonds de culotte, le soir, ont cessé d’être secs comme un lit de rivière au Sahel, me ramenant aux jours heureux de l’avant-cancer. Ensuite, les sensations très désagréables de tiraillement post-piscine (mon exercice quotidien) qui souvent évoluaient vers des infections gynéco à répétition ont disparu. Quant aux exercices en chambre, impossible de tester, mon compagnon de jeu étant parti en mission à l’étranger durant ces trois semaines – mais il ne perd rien pour attendre. Examen gynécologique attentif. Et sourire ravi du patricien. « Bon et bien pas besoin d’une quatrième séance. Vous êtes lubrifiée comme une jeune fille ». J’en aurais rosi de plaisir – si je savais encore ! Donc, dernier méchoui interne de l’année 2018, sans aucune douleur cette fois encore. Et rendez-vous pris en décembre 2019, pour la visite d’entretien des 5000 kilomètres.
En général, quatre séances sont indispensables pour obtenir des résultats durables avec, ensuite, une séance d’entretien annuel.
Coût : de 250 à 300 euros. Pas de prise en charge par la sécurité sociale.
Certains hôpitaux ont aujourd’hui ouvert des essais cliniques qui permettent aux patientes de bénéficier gratuitement du Mona Lisa Touch : le Centre Médical Henri Mondor à Créteil, l’hôpital Universitaire Carémeau à Nîmes et les Centres régionaux de lutte contre le cancer (CRLC).
Julie Pois