Aussi loin que je me souvienne, je suis toujours montée à cheval. Quand on m’a détecté un cancer du sein triple négatif en 2022, depuis métastasé à la colonne vertébrale, je me suis posé beaucoup de questions sur la suite à donner à ma pratique de l’équitation. Parallèlement, j’avais ma jument, Tirelire, depuis 16 ans. Il a fallu que je choisisse entre la laisser au pré, et prendre du recul, ou continuer de la voir et la monter, dans la mesure du possible. Bien sûr, mon oncologue penchait pour la première option. J’ai choisi la seconde…
« Tirelire a très vite compris ce que je traversais »
Il m’arrive d’être frustrée de constater que mes sensations ont changé, et que je ne peux plus assurer comme avant. Je ne saute quasiment plus d’obstacle, je n’ai pas le droit à la chute. Quand je suis fatiguée, je me rabats sur le travail à pied et le dressage. Sentir que je perds petit à petit mon niveau me rend parfois triste, et ça m’énerve. Mais je me console vite grâce à Tirelire. Elle a très vite compris, et peut-être même plus rapidement que moi, ce que je traversais. Elle a immédiatement changé de comportement. Comme si, désormais, c’était à elle de prendre soin de moi. Maintenant, quand je la monte, elle pointe ses oreilles vers moi et attend que je lui donne le feu vert pour augmenter la cadence. Alors, avec son air bien à elle, elle me dit « tu es sûre ? », avant de se mettre doucement et progressivement au petit galop. J’ai beaucoup de chance de l’avoir. Elle n’a pas choisi d’être avec moi, et il est de ma responsabilité de me bouger les fesses pour passer du temps avec elle. Un temps qui résonne comme une pause, un moment entre parenthèses, durant lequel je ne pense pas à la maladie, aux traitements, à la fatigue. Un temps où je suis dehors, en connexion avec la nature… et mon cheval.
« J’ai la sensation que mon corps, mon dos se délient »
Mes petits moments avec Tirelire sont de véritables bouffées d’air pur dont il aurait été dommage de me priver ! Physiquement aussi, l’équitation me fait du bien. Même ma kiné l’a remarqué ! Quand je monte, j’ai la sensation que mon corps et mon dos se délient, se déverrouillent. Je me sens plus alignée et moins fatiguée. Avec les traitements, j’ai beaucoup maigri, sans contrôle sur cette perte de poids. L’équitation m’aide à reprendre ces kilos évaporés. Ayant repris un mi-temps thérapeutique, entre ma vie professionnelle, celle de maman, mes rendez-vous médicaux et mes virées à l’écurie, les semaines sont parfois compliquées du point de vue organisationnel. Mais avec le cancer, on apprend que dans la vie, tant que cela nous fait du bien, il faut prendre tout ce qu’il y a prendre…
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*Cet entretien a été réalisé en janvier 2024. Nous avons appris depuis la publication de cet article que Dorothée était décédée. Nous avons toutefois décidé de la maintenir car ce témoignage lui tenait à cœur.