« Les aidants ont un statut ingrat. Ce n’est pas une profession. Ils n’ont pas d’aides financières, ni de soutiens pour accompagner leur conjoint, leur mère, leur sœur.. à traverser la maladie. Quand les besoins extérieurs sont limités, on va chercher à l’intérieur de nous toutes les ressources disponibles. Et quand elles sont épuisées, notre santé physique et émotionnelle peut rapidement se dégrader. » Manon Breton sait de quoi elle parle. Cette psychologue québécoise a travaillé pendant des années dans des services de soins palliatifs. Cette détresse des proches, elle en a été témoin au quotidien. Elle l’a vécue aussi personnellement : « Ma mère était atteinte de Parkinson. Mon père a été touché par un cancer. »
Exprimer ses faiblesses
Quand l’application de méditation Petit Bambou la contacte pour construire un programme dédié aux aidants, elle y voit une nouvelle opportunité pour venir en aide aux proches de personnes malades. D’autant que la pleine conscience ne lui est pas étrangère : « Depuis 3 ans, je forme au Canada les chirurgiens, anesthésistes et infirmiers des blocs opératoires au mindfulness. Je leur donne des points d’ancrage, comme leur respiration, pour les aider à se concentrer avant l’intervention ou à des moments cruciaux de l’intervention. »
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Le programme de Petit Bambou est d’ailleurs également destiné aux soignants. « Les aidants, comme les soignants, se retrouvent face aux mêmes difficultés. Ils sont dans une démarche de don de soi. Et ils ne se permettent pas d’exprimer leurs propres faiblesses ou leur fatigue. » C’est le cœur de cycle de méditation : faire comprendre aux aidants (et aux soignants) qu’ils ont, eux aussi, le droit de ne pas aller bien. « La première étape pour prendre soin de soin, c’est de voir qu’on souffre. C’est comme si j’avais la cheville cassée : si je n’en prends pas conscience, je ne pourrai pas me soigner et je ne pourrai pas me remettre à courir, sauter… »
10 séances pour écouter ses besoins
Le programme compte 10 séances de 15 minutes. Lors de chaque méditation, Manon Breton aborde un thème différent : « Confiance en soi », « Mes besoins », « Communication »… Elle débute invariablement par un exemple concret de la vie quotidienne puis, enchaîne avec la méditation à proprement parler, et termine la séance avec des exercices pratiques. « Le programme ne dit pas qu’il faut aller mieux, c’est la pire chose à faire. Il amène davantage à se questionner sur comment je vais. »
Dans la méditation intitulée « Mes besoins », Manon invite ainsi l’aidant à explorer les façons possibles de prendre soin de lui. De sa voix douce aux accents chantants, elle l’interroge sur ses besoins : « Ceux mis de côté pour prendre soin des gens que vous accompagnez : sacrifier des moments de votre vie sociale, ne plus avoir le temps pour pratiquer un sport qui vous faisait du bien physiquement et psychologiquement… »
Comme il n’est jamais aisé d’amorcer une introspection avec un esprit tourmenté, Manon enjoint l’apprenti méditant à focaliser son attention sur sa respiration. Un moyen efficace pour calmer tous ces petits dialogues internes qui nous parasitent.
Pour conclure la séance, la psychologue demande à son auditeur d’écrire 3 besoins essentiels qui participent à son équilibre émotionnel, physique ou psychologique. « L’aidant se distancie de ce qui participe à son équilibre et de son bien-être, explique Manon Breton. C’est un cercle vicieux parce qu’il n’a plus d’espace de récupération. Je vais donc lui réapprendre à s’accorder des instants pour lui. Ça peut-être manger quelque chose qui le réconforte, s’arrêter 30 secondes en attendant dans la queue du supermarché pour observer sa respiration… » Bref, de petites choses qui font du bien.
Un bien-être contagieux
Il faudrait donc apprendre à être égoïste pour être un bon aidant ? En un sens. Mais pour la bonne cause. « La tristesse, la colère, le découragement ou l’impatience que peuvent ressentir les aidants sont des sentiments très puissants. Ils sont envahissants pour l’aidant mais ils sont aussi difficiles à vivre pour le malade qui se sent responsable de ce mal-être. C’est particulièrement le cas chez les personnes touchées par un cancer. Elles sont ramenées à la réalité de la vie et de la mort. Leur sensibilité à ce qui les entoure s’en trouve exacerbée. Il faut donc que les aidants comprennent qu’en s’assurant de leur propre bien-être, ils en feront profiter leur proche malade. »
Un bien-être contagieux en somme.
INFO +
Le programme “Soignants & Aidants” n’est pas le premier cycle que l’application Petit Bambou consacre aux problématiques liées à la maladie. L’année dernière, à l’occasion d’Octobre Rose, le spécialiste de la méditation dirigée proposait de “méditer face au cancer”.
Emilie Groyer