« Ding. » Le Dr Elena Manea, , médecin de la douleur et des soins palliatifs, par ailleurs méditante et diplômée de MSBR, (Réduction du stress basée sur la pleine conscience) agite la clochette. « Allongez-vous confortablement. Vous pouvez garder les yeux mi-clos ou les fermer. Concentrez-vous sur votre respiration : sentez le petit souffle d’air dans vos narines. Si des pensées parasites viennent vous distraire, laissez-les passer, revenez à votre respiration. »
La méditation par balayage corporel
Au bout de quelques minutes, les visages se décrispent, les bouches s’entrouvrent. « Maintenant, nous allons faire un body scan, ou méditation par balayage corporel. Cet exercice va vous permettre de faire vos premiers pas de méditant et vous offrir un outil pour couper court au stress, à l’agitation, à l’angoisse… Commencez à porter votre attention sur votre pied gauche, puis remontez le long du corps, en vous intéressant à chaque sensation. Votre pied est-il posé ou pèse-t-il un peu au bout de la jambe ? Maintenant, remontez jusqu’à la cheville et au mollet. Sont-ils tendus ? Douloureux ? Allez jusqu’à votre cuisse en appliquant la même méthode, puis étendez le principe à chaque partie de votre corps. »
« Essayez chaque fois de distinguer tout ce que vous pouvez ressentir. Toute information est bonne à recevoir, à observer. » Quand l’exercice s’achève, vingt minutes plus tard, les filles semblent en lévitation. « C’est magique, ce truc, reconnaît Béatrice. J’ai failli m’endormir ! Moi qui souffre d’insomnies depuis le début des traitements, je le referai ce soir. » Médusée, Annick savoure ce « grand voyage dans son corps. » Elena écoute, attentive, souriante.
La méditation : un acte de bienveillance
« Ding. » Deuxième temps de méditation. Tout le monde debout ! « Nous allons faire comme si nous cueillions une pomme, le bras levé », annonce Elena, avant d’enchaîner à quatre pattes avec la posture du chat. « Bras posés au sol. Inspir’, je lève la tête, expir’ je la rentre en arrondissant le dos. » Ces mouvements d’étirement en pleine conscience, inspirés du yoga, font ressortir les faiblesses d’Annick. « J’ai eu du mal à garder l’équilibre. Je commençais même à trembler. Mais c’est aussi un défi pour moi, de voir ce que je peux faire ou pas. »
« Que fait-on quand on a une sensation désagréable ? », demande Elena. « On res-pi-re ! », répond le groupe en chœur. Et en avant pour une respiration consciente ! Deux heures après le début de la séance, les visages expriment une grande détente, mais aussi une sacrée dose d’étonnement. Comme lorsque l’on descend d’un manège et que l’on est bluffé par les sensations.
« Félicitez-vous de vous être consacrées à ce moment, murmure Elena de sa voix douce. C’est un acte de bienveillance envers vous-même. Ici, à cet instant, comment vous sentez-vous ? Ne repoussez rien. Ne retenez rien. Les choses ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Seule la manière dont on y pense peut l’être. »
« C’est incroyable », s’exclame Jacqueline, celle-là même qui disait au début de la séance qu’elle « ne rentrerait pas dedans ». « J’ai senti mon bras droit s’alléger, raconte Marie-Madeleine, qui souffre de cordes depuis son opération. J’étais beaucoup moins contractée. » Les effets paraissent incontestables. Détendues, les participantes semblent même dans un état un peu second. Pourtant, aucune d’elles n’a « fumé la moquette ». Et Elena ne les a pas davantage hypnotisées ! Non. Elles paraissent simplement plus apaisées.
Les gestes du quotidien comme support de méditation
Elena les laisse reprendre leurs esprits. Entre rires et regards complices, le petit groupe se relève. « J’aimerais vous proposer de suivre avec moi le véritable programme, de huit semaines, à la rentrée, à raison de 2 h 30 de méditation par semaine en groupe, accompagnées d’exercices quotidiens à faire à la maison avec un CD. Il s’agit de la méthode développée il y a quarante ans par Jon Kabat-Zinn. Qui serait partante ? » Après un court instant de silence, les mains se lèvent les unes après les autres.
« Vous verrez, poursuit Elena, la vraie pratique commence dans la vraie vie. Dans tous vos gestes du quotidien. Car on peut méditer en attendant le bus, en faisant sa chimio, et même en mangeant ! Vous n’imaginez pas à quel point cesser de cogiter, de se juger, permet de développer de la douceur, de la bienveillance envers soi-même. Ça change tout, vous verrez ! »
POUR ALLER PLUS LOIN
– Se sentir malgré bien malgré la maladie, Elena Rosenbaum, éd. de Boeck
– L’Esprit est son propre médecin, Jon Kabat-Zin et Richard Davidson, éd. Les Arènes
– Méditer jour après jour (CD inclus), Christophe André, éd. L’Iconoclaste