C’est difficile de vivre une grossesse dans ma situation. Rien n’est normal, et je passe par de grands moments de solitude. Au tout début du deuxième trimestre de ma grossesse, quand on m’a annoncé mon cancer du sein avec des ganglions touchés, on m’a conseillé de l’interrompre, mais on me disait aussi que je pouvais garder mon bébé et suivre un protocole de chimiothérapie de 12 cures.
La décision me revenait. Tout se mélangeait dans ma tête. Je voulais vivre et je voulais cet enfant, et j’avais ce cancer de grade II au stade 2 dont on ne savait pas s’il s’était propagé ailleurs, puisque dans mon état je ne pouvais pas faire de PET-scan. Quand j’ai compris que l’option numéro 1, l’avortement thérapeutique, signifiait injecter une dose de produit létal à mon bébé puis accoucher par les voies naturelles, j’ai su que cette décision-là je ne pouvais pas la prendre. Il me restait la deuxième option. Mais comment cela allait-il se passer pour le bébé que je portais ? J’avais envie qu’on me donne des exemples de femmes qui avaient suivi ce genre de protocole et pour lesquelles cela s’était bien passé. Mais ça n’est pas venu dans la conversation. J’avais juste, en face de moi, l’oncologue me disant : « C’est possible. »
« Elle bouge ! Comme si elle voulait me signifier : « T’inquiète, ça va aller ! » » – Justine, 34 ans
J’ai subi une mastectomie du sein droit, le 7 janvier 2021. Au réveil, premier bon signe, une écho de contrôle m’a indiqué que ma petite fille allait bien. Ouf ! Pour moi, ne plus avoir ce sein signifiait aussi que le cancer n’était plus en moi. Le 1er février a débuté la chimio. Mes cheveux sont vite tombés, mon ventre s’est arrondi. Je traverse tout ça en me répétant les mots de l’oncologue : « à partir du deuxième trimestre, les organes du bébé sont formés, donc une chimiothérapie est envisageable… » J’essaie de ne pas trop penser à la fin de sa phrase : « … par la suite il peut y avoir un retard de croissance. »
Chaque mois, les échographies me rassurent. C’est une petite fille, elle est prévue à 3 kg au moins à la naissance. Tout est normal. Ce positif-là, je m’y accroche, mais il ne m’empêche pas de culpabiliser. À l’approche de l’accouchement, programmé le 8 juin 2021, je me sens très fatiguée et je me demande comment je vais trouver la force de la mettre au monde. Si je tiens, c’est grâce à elle.
Elle bouge, comme si elle voulait me signifier : « Je suis là, t’inquiète, ça va aller ! » Noa, qui a 4 ans, attend sa sœur avec joie. Avec lui, j’avais vécu une grossesse idyllique. Aujourd’hui, c’est plutôt les montagnes russes. Parfois c’est comme si je n’avais pas de cancer, parfois l’angoisse revient et je m’interdis de m’emballer, de vivre à fond ma grossesse. En même temps, je suis déjà gaga d’elle. Je tiens un petit journal que je lui destine. Je veux qu’elle sache qu’avant même d’être née elle a accompli d’incroyables choses…
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Propos recueillis par Sandrine Mouchet
Photos de Corinne Mariaud
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 21, p. 70)