Au long de mon parcours en chimio, j’ai croisé tellement de personnes pour qui c’était dur physiquement et psychologiquement. Moi aussi j’ai eu des effets secondaires mais, au final, j’ai plutôt bien vécu ces 12 semaines de traitement.
Je pensais que j’aurais un teint de cadavre et on me disait que j’avais bonne mine. Je pensais ramper, être à l’agonie, mais non, rien à raconter de ce genre. J’ai eu des neuropathies, mais elles sont passées. J’ai eu parfois des nausées, mais elles aussi sont passées. J’ai eu des moments où je n’avais pas le goût de manger, mais ça n’a pas duré. Quand mon oncologue me recevait en consultation et que je m’entendais lui dire « Ça va », je trouvais mes mots déplacés. Quand j’osais en parler au staff médical, ils me répondaient qu’une chimio, même pas facile comme la mienne, pouvaient aussi bien se passer. « Ça dépend des gens » me disait-on.
« Ces 2 cancers, j’en étais responsable »
Enfant, on me renvoyait une image de moi totalement dévalorisée, alors quand on me disait que j’étais « courageuse » ou « formidable » de vivre cette chimio de cette manière là, ça ne me parlait pas. J’étais même mal à l’aise. D’autant qu’au fond de moi, je me disais que ces deux cancers – sein à nouveau et utérus -, j’en étais responsable.
J’ai en effet esquivé tous les examens de contrôle après ma mastectomie préventive en 2015. Je ne pouvais donc pas m’étonner de ce qui m’arrivait. C’était tant pis pour moi. Si je suis honnête, je peux même dire que je m’y attendais. Et je m’attendais à être punie encore plus en sortant exsangue de ma chimio. Or, ça s’est relativement bien passé. C’est d’autant plus honteux.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à cette amie, emportée par un cancer au cerveau. Une femme formidable, mère de 4 enfants. Partie. Et moi ,célibataire, sans enfant, je suis là. Honte. Pourquoi, moi, j’ai eu ce pronostic « très favorable » ? Pourquoi je m’en sors si bien ? Honte encore.
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« La chimio, c’est un soin, pas le couloir de la mort ! »
Ma chance a été de tomber sur une équipe médicale, à l’hôpital privé Jean Mermoz de Lyon, qui m’a soutenue, tellement. Ce sont eux qui ont su apaiser un peu ce sentiment de honte en me disant que si j’avais bien vécu ce protocole c’est parce que je m’y étais bien préparée. Ils m’ont encouragée à témoigner là-dessus. La chimio, c’est un soin, pas le couloir de la mort! Ça fait peur oui. Surtout à ceux qui nous entourent, qui ne sont pas malades.
Leur imaginaire brasse de vieilles images de ce que ça pouvait être il y a 40 ou 50 ans. Mais aujourd’hui, le cancer se soigne, se guérit aussi, et quand ce n’est pas le cas, on peut vivre avec bien plus longtemps qu’avant.
C’est souvent cette peur qui fait qu’on est lâché comme j’ai pu l’être par ma famille, et ceux que je pensais être mes amis. Ce n’est pas normal qu’en 2024, parce qu’on a un cancer, on perde son entourage, et qu’on se retrouve seule ! C’est injuste. C’est indigne.
Aller en chimio c’est une chance, une chance de guérir. C’est un soin alors n’ayez pas peur de nous accompagner, d’être là, avec nous ! Et si vous ne pouvez pas être présent physiquement, envoyez un smiley, des fleurs, un dessin, des bâtons de rando ! Mais surtout ne nous renvoyez pas l’image de quelqu’un au bord de la tombe. D’abord on peut le vivre plutôt bien. Et puis, on rit aussi figurez-vous !
À suivre…
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