Au fil de mes 37 ans de journalisme à suivre les compétitions sportives, et à fréquenter des centaines de sportifs de haut niveau, j’ai appris une chose : quand on a un challenge à relever, qu’on se lance dans l’inconnu, pour réussir, il vaut mieux partir le plus zen possible. Pour ça, le secret c’est de ne se poser aucune question. Ou plutôt d’avoir toutes les réponses aux questions qu’on peut se poser sur ce qui nous attend. Car quand il reste un point non résolu, c’est 1000 questions qui déferlent derrière, qui te bouffent le cervelet, et ton énergie mentale et physique.
Forte de cette leçon, dès que j’ai su que j’allais avoir 12 semaines de chimio, j’ai voulu tout savoir.
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« 2h à poser des questions et une liste de 4 pages d’effets indésirables »
En 2004, pour mon premier cancer du sein, je n’en avais pas eu, c’était donc une grande inconnue pour moi. Pas question d’aller voir sur internet, le risque est de se comparer à ce qu’on y lit. Aucun intérêt, sauf à vouloir se mettre la corde autour du cou ! Heureusement, j’ai pu échanger avec une infirmière de l’unité de chimio, à l’hôpital privé Jean Mermoz de Lyon où j’allais être prise en charge. Elle a répondu à tout, dans les moindres détails. Notre échange a duré 2h, et j’ai couvert 6 pages de mon classeur de soins rien qu’avec la liste de tous les effets indésirables potentiels. Rien de vraiment douloureux, des désagréments pour la plupart passagers, ça ne m’a pas paru insurmontable. Et puis je suis ressortie de cette consultation avec une ordonnance remplie de médocs permettant, le cas échéant, de parer à toutes les situations : patch anesthésiant à poser sur la zone du port-à-cath pour ne pas avoir mal lors de la perfusion (je suis un peu chochotte), des anti-vomitifs, des anti-diarrhées, des anti-constipation, des anxiolytiques…
Le 20 juin 2023, jour de ma première séance, je n’étais donc ni inquiète, ni paniquée. Je savais ce qui m’attendait. J’étais prête.
« La chimio est un soin, le truc qui allait me sauver la vie »
J’avais aussi, bien ancrée dans mon esprit, cette phrase de mon oncologue que j’avais notée, relue et intégrée : « J’ai une patiente de 80 ans qui a eu la même chose que vous et c’est passé comme une lettre à la poste. »
Alors, pourquoi pas moi ? J’avais 12 semaines à passer, c’est quoi 12 semaines dans une vie ? Peu de chose si vous avez toute la vie après (mon pronostic était « très favorable », dixit mon oncologue ) ! Ce qui m’a facilité la tâche a été de considérer que la chimio était un soin, le truc qui allait me sauver la vie.
Quand un athlète décroche un titre, une médaille, il parle souvent d’état de grâce. Ce n’est pas très rationnel mais tout ça vient de sa préparation. Il a tout mis en place pour réussir. C’est ce que j’ai fait aussi.
À chaque séance, je suis donc arrivée détendue, détachée même, parfois avec des Pralus (une spécialité lyonnaise) pour l’équipe médicale, et mon indéfectible bonne humeur.
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« Observatrice et curieuse de ce qui se passait en moi »
Entre les séances, pour bien récupérer, je me suis appliquée une routine de champion : bien s’hydrater, bien s’alimenter, et dormir. Évidemment, il y a eu des moments pas simples. Dès la première chimio, j’ai eu des nausées, j’ai perdu le goût et commencé à perdre mes cheveux. Une nuit, je tente de me lever, je n’y arrive pas : ma jambe gauche ne répond plus. Je ne sais pas ce qui se passe. Je vis seule, je dois faire sans aide. Le lendemain, je me traîne aux urgences, accrochée à un bâton de rando. Puis les premières neuropathies sont arrivées… Pas surprise de tous ces effets parce que j’en avais été informée avant, j’ai été observatrice, et curieuse, de ce qui se passait en moi. Et puis j’avais confiance dans le staff qui m’accompagnait. Un staff en or, qui malgré des horaires de dingue, a été là, présent, bienveillant tout du long. Contrairement à ma famille, totalement absente.
Je devrais plutôt dire : toujours aussi absente.
À suivre…
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