C’est arrivé d’un coup, je ne m’y attendais pas du tout. On était en octobre 2020, j’avais alors 62 ans. J’étais en train de conduire – je revenais de Limoges où j’étais allée voir mon petit fils – quand ma jambe droite s’est mise à gonfler. Elle n’a jamais dégonflé depuis.
Le lymphoedème, une séquelle dont on ne guérit pas
Je souffre d’un lymphoedème. C’est en faisant des recherches sur internet que je le découvre. Il s’agit d’une séquelle de l’hystérectomie que j’ai subie pour traiter mon cancer de l’utérus. C’était 3 ans plus tôt, en 2017.
À cette époque, personne ne m’a parlé de cet effet secondaire à la chirurgie. Un effet secondaire dont on ne guérit pas, comme je finis par l’apprendre lors d’une consultation au CHU de Toulouse où je suis actuellement prise en charge. En tout cas, pas totalement, les drainages intensifs et les bas de contention parviennent à le réduire de 10 à 15 cm. Mais c’est temporaire. Ma “grosse jambe” reprend toujours du volume.
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Dépossédée de ma vie
J’ai du mal à l’accepter. J’ai combattu le cancer et j’ai gagné. Les médecins m’ont dit que j’étais guérie. Pourtant la maladie m’a rattrapée. Des années plus tard, elle s’empare de ma vie petit à petit.
Le cancer m’a d’abord retiré un métier que j’aimais : paysagiste. Je n’ai pas pu l’exercer pendant mes 2 années de traitements et on m’a mise à la retraite quand je les ai eu finis.
Puis, le lymphoedème m’a obligé à faire une croix sur ma voiture. Conduire devenait trop dangereux, je ne parvenais plus à actionner les pédales à cause de ma jambe hyper-gonflée. Même marcher est devenu compliqué. Sans parler de monter les escaliers. J’ai donc dû aménager ma maison en plain pied et je m’aide d’un déambulateur pour me déplacer.
Ma garde-robe, elle aussi, se retrouve limitée : j’ai le choix entre des pantalons larges et des jupes pour couvrir ma jambe déformée. Quant aux chaussures, je dois me contenter d’horribles chaussons noirs. En pointure 40 pour le gauche, en 43 pour le droit.
Une charge pour les autres
Le lymphoedème m’a pris ce que je chérissais le plus : mon autonomie. J’ai besoin d’une aide-ménagère pour s’occuper de mon intérieur, d’infirmières pour enfiler mes bas de contention, de kinés pour travailler mon équilibre et retrouver un peu de souplesse.
Je suis dépendante des autres pour toutes les petites choses du quotidien : faire les courses, aller chez le coiffeur, le dentiste, poster un courrier… Je n’ai que 66 ans mais j’ai l’autonomie d’une personne âgée.
Heureusement, je suis bien entourée mais cela me coûte de demander de l’aide en permanence. Et de ne pas pouvoir rendre la pareille. J’ai 2 filles de 31 et 33 ans. Je voudrais les aider, jouer mon rôle de grand-mère. Mais ce fichu lymphoedème m’en empêche. Au lieu de cela, ce sont elles qui viennent m’aider à tour de rôle.
J’ai l’impression d’être une charge pour elles…
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Vivre au jour le jour
Aujourd’hui, je vis au jour le jour. Je me pose des objectifs à court terme. L’une de mes filles l’a bien compris. Elle me motive régulièrement en me lançant des défis. Cela avait commencé pendant la chimio. Elle m’avait demandé d’écrire un livre illustré sur l’art d’être grand-mère.
Récemment, elle m’a demandé de tricoter une couverture pour une de ses amies qui va bientôt accoucher. Je ne suis pas sûre qu’elle en aura vraiment besoin mais ça me donne une occupation.
Le dessin pour tout oublier
Et puis j’ai le dessin. Pour ça, je n’ai besoin de personne. Ou presque. Pour me rendre au cours hebdomadaire, il faut que je trouve une âme charitable pour m’y conduire. Il m’arrive donc de rater des stages.
Mais je peux dessiner chez moi. J’ai installé une table à dessin devant mon fauteuil. Je dessine, selon mon inspiration, à l’aquarelle ou à l’acrylique. Je peins le plus souvent pour remercier les personnes qui m’accompagnent au quotidien. C’est une façon pour moi de me sentir utile. Physiquement, c’est parfois compliqué de rester assise pendant des heures, mais quand je saisis mon pinceau, j’oublie tout.
Jacqueline
Propos recueillis par Emilie Groyer