Vous avez l’habitude d’accompagner des femmes touchées par un cancer. En quoi la proposition de loi RIST était-elle une avancée pour ces patientes ?
Jocelyne Rolland : D’abord, cette loi donnait plus d’autonomie aux kinés. Ce qui est une bonne chose quand on sait que beaucoup de Français n’ont pas de médecin traitant et ne peuvent donc pas se faire prescrire des séances.
Dans le cas des personnes touchées par un cancer, notamment les femmes opérées pour un cancer du sein, c’était d’autant plus important qu’elles ont souvent besoin d’une rééducation. Et on sait que, plus on attend, plus il est difficile d’avoir une récupération complète. En permettant d’accélérer l’accès à un kiné, on pouvait gagner du temps et améliorer la qualité de vie de ces femmes.
Il vous arrive de voir des femmes qui ont tardé à consulter ?
Je vois souvent des patientes qui viennent me voir 5 ans après avoir été guéries d’un cancer du sein parce qu’elles ont des douleurs à la poitrine. Ces douleurs les ont affolées parce qu’elles ont cru que leur cancer était de retour. Elles sont donc allées voir leur oncologue qui, après avoir vérifié qu’il ne s’agissait pas d’une récidive, me les adresse. Il s’agit de femmes qui souffrent en fait car leur muscle pectoral s’est rétracté parce qu’elles n’ont pas fait d’étirements après l’opération. Et là, il faut redémarrer de zéro et ça prend du temps…
Finalement, le texte de loi qui a été voté a été largement restreint. Qu’en pensez-vous ?
Que c’est une non loi. On s’est tous dit : « Tout ça pour ça ! » Il y a des députés qui se bougent pour faire changer les choses et le texte voté n’a plus aucun intérêt. Car au final, l’accès direct ne sera possible que pour des kinés exerçant dans une maison de santé, un centre de santé ou une équipe de soins primaires ou spécialisés. Ça représente une très faible minorité de kinés ! Et c’est la même chose pour l’accès direct aux infirmières de pratique avancée. C’est vraiment décevant.
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C’est une perte de chance pour les femmes touchées par un cancer selon vous ?
Oui bien sûr. On voit bien que les femmes qui n’ont pas accès à un kiné restent avec des douleurs. Alors évidemment, elles peuvent paraitre minimes en regard de ce qu’elles ont traversé mais il faut bien comprendre que ces douleurs, si elles ne sont pas soignées, vont s’aggraver petit à petit et ces femmes vont se retrouver avec des déficits et des faiblesses. Elles seront réticentes à reprendre une activité physique parce qu’elles auront mal et qu’on ne les y aura pas préparées. C’est vraiment dommageable quand on connait le rôle de l’activité physique dans la prévention des récidives !
Emilie Groyer