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Loi pour « l’accès direct » aux IPA : « Ce serait une reconnaissance de nos compétences »

{{ config.mag.article.published }} 3 février 2023

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Arrivent en salle de chimio les patients qu’Ester a jugés aptes à poursuivre leur traitement. Dans l’intimité de son bureau, ils se confient volontiers sur leur vécu, leurs émotions, mais aussi leurs besoins. Des moments d’humanité qui donnent tout son sens à son métier.

Véritables chevilles ouvrière du parcours de soin des patients, les infirmièr(e)s de pratique avancée pourraient bientôt prescrire des médicaments pour soulager leurs patients, sans qu'ils aient à attendre d'obtenir un rendez-vous avec leur médecin. Une avancée selon Ester Molina, IPA en oncologie.

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Jeudi 19 janvier, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture, à l’unanimité, le projet de loi porté par la députée du Loiret et rhumatologue Stéphanie Rist visant à « faciliter l’accès aux soins des patients en modifiant le champ de compétence des professionnels de santé ». Si cette loi est définitivement votée1, elle permettra aux patients de consulter un(e) infirmièr(e) de pratique avancée (IPA) sans avoir besoin d’une prescription préalable par un médecin. Ces soignants nouvelle génération voient également leurs compétences élargies.

Ester Molina est IPA à l’Institut Curie depuis 2 ans. Elle commente pour nous ce texte.

Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer votre rôle en tant qu’IPA en oncologie ?

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Ester Molina : À l’Institut Curie, je m’occupe du suivi de patients atteints d’un cancer digestif. Ceux dont je m’occupe sont particulièrement fragiles. Mon rôle est de réaliser une évaluation clinique avant la mise en place des traitements et de leur suivi entre les cures de chimiothérapie. Je peux ainsi réagir rapidement si leur état de santé se dégrade. Par exemple, je peux adapter les traitements prescrits par les médecins : diminuer la dose de chimiothérapie s’ils développent des toxicités, augmenter leurs antiémétiques si les nausées sont trop importantes… Je peux aussi renouveler leurs traitements contre le cancer.

Qu’est-ce que cette loi changerait à votre pratique ?

Elle permettrait aux IPA de primoprescrire2, selon leur spécialité, des médicaments dits « à prescription médicale obligatoire », c’est-à-dire des médicaments qui, jusque-là, ne pouvaient être prescrits que par des médecins. Dans ma spécialité qu’est l’oncologie, je pourrais prescrire des traitements pour soulager les effets secondaires : des médicaments contre le diarrhée ou les nausées, des laxatifs, des antalgiques ou des compléments nutritionnels. Et ce, sans avoir besoin d’en référer au préalable à un médecin.

Cette proposition de loi est une bonne chose selon vous ?

Tout à fait. Au départ, ce modèle devait être expérimenté dans 3 régions. Mais un an après, rien n’avait encore été fait. Or, avec la pénurie actuelle de médecins, les délais pour obtenir une prescription médicale sont parfois très longs. Et certains malades ne peuvent pas attendre. Cette proposition de loi accélère les choses. C’est une avancée pour nous et pour les patients.

Qu’est-ce que cette loi changerait à la pratique quotidienne des IPA ?

Cette loi ne ferait finalement que reconnaître des compétences que nous avons déjà. Les médicaments qui sont concernés par l’élargissement, nous les connaissons très bien. Il n’y a pas de prise de risque. D’ailleurs, il m’arrive déjà de préparer des ordonnances pour certains de ces traitements, qui sont ensuite simplement validées par des médecins. Parce qu’ils reconnaissent mes compétences et me font confiance.

Auriez-vous souhaité que cette loi aille plus loin ?

On aurait souhaité pouvoir prescrire l’accès à certains professionnels de santé mais la proposition de loi prévoit aussi un accès direct aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Le principal, c’est que le patient y ait accès, plus facilement. Que ce soit par un moyen ou un autre.

La proposition de loi prévoit également un accès direct aux IPA. Tous les hôpitaux n’en disposent pas. Cela signifie-t-il que n’importe quel patient pourra obtenir une consultation même s’il n’est pas suivi dans l’hôpital où exerce l’IPA ?

Pour l’instant, on ne connait pas les modalités pratiques. Il faudra attendre de voir comment la loi est déclinée dans les décrets d’application. Et n’oublions pas que la loi n’a pas encore été votée au Sénat !

Certains médecins craignent cet élargissement des compétences des IPA. Ressentez-vous cette réticence au sein de votre hôpital ?

Je ne le vis pas du tout. Bien sûr, au début, il y avait quelques résistances. C’est normal, c’est un métier nouveau. Cela prend parfois un peu de temps avant de gagner la confiance de certains médecins. Mais je n’ai jamais ressenti de vraie résistance. J’ai la chance de travailler avec des médecins avec qui je peux discuter d’égal à égal, sans notion de hiérarchie : chacun reconnaît l’expertise de l’autre. Ils voient ma valeur ajoutée : celle de fluidifier les parcours des patients et leur assurer un suivi plus fin.

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LIRE AUSSI : Vivez 24 heures aux côtés d’Esther Molina grâce à notre reportage « 24h avec une IPA »

Propos recueillis par Emilie Groyer

1. Le texte sera examiné au Sénat le 14 février 2023.
2. Prescrire pour la première fois.


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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