Anne-Laurence Fitère était journaliste. Touchée par une récidive de son cancer, elle a tenu, de septembre 2008 à février 2009, un journal de bord de sa vie quotidienne. Et c’est bien la vie qui bruisse dans ce superbe ouvrage publié aujourd’hui, recueil de textes de son blog : l’amour d’abord, l’amour sous toutes ses formes. L’amour de son mari, devenu « grand chef » pour partir à l’assaut des tumeurs, enveloppant son épouse d’épices, aromates, légumes supposés anti-cancer ; l’amour de sa fille, Kiara, sa princesse qui avait 7 ans à l’époque du récit, câline, solaire ; l’amour des ses parents, de ses amis. L’amour qu’Anne-Laurence savait porter à chaque petit moment de vie, précieux, minuscule, l’attente du rayon de soleil se glissant dans la chambre, l’éclair au café dévoré « en douce », la magie inchangée de Noël, les fous rires…
On entend la voix d’Anne-Laurence à travers chaque page de ce livre – on retrouve l’acuité de son regard aussi quand elle analyse les rapports avec les médecins, les infirmières, les autres patientes. La douleur nue et l’angoisse des chimios, le moment où l’on est prête à abandonner, assommée par la souffrance qui ne cesse jamais, mais où l’on repart tout de même, portée par l’amour de sa famille et le désir de ne pas laisser ses enfants.
Tout est dit avec une économie d’émotions, la justesse ne cédant jamais à la plainte.
Anne-Laurence avait fondé en 2009 « La Maison du Cancer », premier site de soutien, d’information professionnel, sur la vie avec un cancer. Le but ? « Créer un site rigoureux et non anxiogène, apporter une information de qualité aux malades et à leurs proches. Et faire tomber les tabous », nous confiait la journaliste en 2011 dans la première édition de Rose Magazine.
Anne-Laurence a quitté cette vie en octobre 2012. Sa voix porte encore.
Céline Lis-Raoux
A fleur de larmes, récit par Anne-Laurence Fitère. Edition « La collection privée du Capitaine », 12 euros.