Les traitements, notamment les chimiothérapies, les hormonothérapies ou la chirurgie ovarienne, dérèglent les organismes au point de provoquer des ménopauses avec des symptômes bien plus sévères que ceux d’une ménopause naturelle. La sécheresse et l’atrophie vaginales font partie du package. « Chez les femmes en ménopause induite, on observe une fragilisation de la fourchette vulvaire [zone en V de l’orifice vaginal située en position postérieure, près de l’anus, NDLR] qui rend la pénétration douloureuse, ainsi qu’une atrophie des grandes lèvres qui provoque une béance vulvaire et aggrave la sécheresse vaginale » explique le Dr Dezellus, gynécologue médicale à l’institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) à Nantes.
Une transposition du remodelage mammaire
Peu de traitements sont réellement efficaces à long terme (lire notre article “Sexe après un cancer : à quand le remboursement des médicaments ?”). Devant le manque de solutions à proposer à ses patientes, le Dr Dezellus a fait preuve d’imagination : « Les injections d’acide hyaluronique dans les régions vulvaires sont utilisées depuis quelques années pour leur effet volumateur et réhydratant. Mais elles ont leurs limites : leur coût élevé, parfois un peu d’allergie et surtout une résorption dans le temps. » Ce qui n’est pas le cas de la graisse. « À l’ICO, les chirurgiens reconstruisent tous les jours des seins par lipomodelage. Nous avions l’expertise : les chirurgiens et les infirmières formées, le matériel, alors on s’est dit : pourquoi pas ? » raconte la gynécologue.
Une amélioration qui dure
La gynécologue ne joue pour autant pas les apprentis sorciers : « Nous avons commencé, il y a un an, avec une patiente qui devait bénéficier d’un lipomodelage après un cancer du sein. Elle était sous hormonothérapie et se plaignait de douleurs lors des rapports sexuels. Avec son accord, nous avons profité de sa reconstruction mammaire pour injecter de la graisse au niveau des grandes lèvres et à l’entrée du vagin. Ca a été magique ! Au bout de 2 semaines, elle constatait déjà une nette amélioration des douleurs à la pénétration. » Une amélioration qui devrait se maintenir dans le temps d’après la gynécologue : « Entre ce qu’on injecte et ce qui va vraiment prendre, il y a une fonte. On pratique donc 2 injections. La seconde est également calée sur la reconstruction mammaire. Mais une fois que la graisse prend, elle reste. En tout cas, c’est ce qu’on a constaté pour le sein. Nous n’avons un recul que d’un an pour le vagin mais il n’y a pas de raison que cela soit différent pour une autre localisation. »
Des rapports sexuels à nouveau possibles
Au total, cinq femmes ont bénéficié de ce nouveau traitement prometteur dit de “lipofilling”. Quatre d’entre elles avaient eu un cancer du sein et étaient sous hormonothérapie : tamoxifène, anti-aromatase ou analogue de la LH-RH. « Le traitement par analogue de la LH-RH est donné à des femmes jeunes et est très délétère pour la sphère gynécologique. Ma patiente était dans l’impossibilité d’avoir des rapports depuis 2 ans. Grâce au lipofilling, elle a pu reprendre une activité sexuelle. Elle continue toutefois à appliquer un gel lubrifiant. Le dépôt de graisse ne se fait pas en profondeur. Si la gêne est plus profonde, seul le laser est efficace pour régénérer la muqueuse (lire notre article “MonaLisa Touch, l’espoir d’un traitement remboursé pour l’atrophie vaginale”). Mais le fait d’avoir amélioré les dyspareunies d’intromission [douleurs à l’orifice du vagin, NDLR] lui a permis d’avoir des rapports sans douleur. En revanche, les femmes sous tamoxifène et anti-aromatases n’utilisent plus rien » explique le Dr Dezellus.
La cinquième patiente avait été traitée pour un cancer du col de l’utérus 2 ans plus tôt. « Dans son cas, l’intervention chirurgicale a été spécialement programmée pour le prélèvement et l’injection de graisse puisqu’elle n’avait pas besoin de reconstruction mammaire. Nous lui avons parlé du “lipofilling” car elle avait testé tous les produits possibles et imaginables et se trouvait dans une impasse thérapeutique” raconte le Dr Dezellus. Un cas à part donc, puisque le lipofilling ne sera pas proposé en première intention, l’intervention nécessitant un passage au bloc comme le précise la gynécologue : “L’injection pourrait se faire sous anesthésie locale mais le prélèvement de graisse est douloureux, on doit donc recourir à une anesthésie générale ou à une péridurale. »
Le Dr Dezellus est enthousiaste : « À ma connaissance, nous sommes les seuls à proposer ce traitement. Nous devons encore prendre le temps de publier nos résultats et attendre d’avoir un recul suffisant. Mais on y croit beaucoup. »
Emilie Groyer