Si le lien entre consommation de boissons sucrées et risque d’obésité est avéré depuis longtemps, il n’avait pas encore été établi avec le cancer. C’est désormais chose faite grâce à l’étude française publiée aujourd’hui dans la prestigieuse revue British Medical Journal.
Cette étude de grande ampleur a suivi la consommation de boissons sucrées, naturellement ou artificiellement, de 101 257 adultes de la cohorte NutriNet-Santé1 entre 2009 et 2017. Jus de fruits, sirops, boissons énergétiques, pour le sport, à base de lait… au total plus d’une centaine de références ont été passées au crible. Résultat : si l’on augmente sa consommation de boissons sucrées d’un petit verre par jour ou d’un tiers de canette (soit 100 ml), on augmente par la même son risque de développer un cancer de 18%. Pour le cancer du sein, le risque augmente de 22%. Bien entendu, l’effet ne se produit pas du jour au lendemain comme l’explique le Dr Mathilde Touvier, chercheuse en épidémiologie nutritionnelle à l’INSERM et responsable de l’étude : « Comme la plupart du temps en nutrition, il ne s’agit pas d’un effet immédiat, fort heureusement. Boire de temps en temps un verre de boissons sucrées n’est pas susceptible d’entrainer de tels effet sur la santé. Ce qui est observée dans cette étude, c’est une association entre une consommation régulière de boissons sucrées et une augmentation de risque de cancer. Le design de l’étude ne permet pas de conclure en termes de causalité. Nous ne pouvons pas à l’heure actuelle déterminer précisément combien de temps de consommation est nécessaire pour voir apparaitre l’association. Mais dans cette étude, les consommations alimentaires étaient mesurées régulièrement sur deux ans par des enregistrements alimentaires de 24h répétés et la moyenne des consommations quotidiennes sur cette période a été calculée ».
Les chercheurs ont pu également effectuer des sous-analyses en fonction du type de boisson sucrée consommée. Ainsi, ils ont observé que les boissons 100% pur jus sans sucres ajoutés ne font pas exception : elles sont associées à une augmentation du risque de cancer de 12% (contre 19% pour toutes les autres boissons sucrées). Rappelons que les jus de fruits contiennent autant de sucre qu’un cola. Étonnamment, lorsque les scientifiques se sont focalisés cette fois sur les sodas sucrés et les boissons sucrées artificiellement, les auteurs n’ont pas pu établir de lien. Toutefois, ce résultat (ou plutôt, cette absence de résultat significatif) peut être dû aux limites statistiques de l’étude : parmi les volontaires inclus dans l’étude, trop peu consommaient ce type de boissons pour pouvoir conclure.
Les chercheurs rappellent néanmoins les limites de leur étude observationnelle : si elle permet d’établir une association entre la consommation des boissons sucrées et la survenue d’un cancer, elle ne permet pas de prouver que le sucre est la cause de la maladie. Les analyses ont écarté la possibilité que l’obésité, qui peut résulter d’une consommation excessive de jus et sodas, soit seule responsable de l’augmentation des cas de cancer. En revanche, elles ne peuvent exclure que d’autres composés chimiques présents dans ces boissons – notamment l’additif 4-méthylimidazole qui donne sa couleur caramel aux sodas, ou des pesticides présents dans les jus de fruits – soient aussi impliqués.
Emilie Groyer
1. L’étude NutriNet-Santé a démarré en 2009 et repose sur l’analyse de questionnaires envoyés aux Nutrinautes, des Français qui se sont volontairement inscrits sur le site NutriNet-Santé. Elle a pour but d’établir un lien entre nutrition et santé.