En cette journée nationale d’action pour la santé des femmes, on ne peut que se réjouir que l’Assemblée nationale s’empare du sujet des restes à charge subis par les femmes atteintes de cancer du sein à l’occasion de la discussion de la proposition de loi de Fabien Roussel.
RoseUp, comme d’autres associations de patients, alerte les pouvoirs publics sur ces sujets depuis sa création. Car si nous avons la chance d’être extrêmement bien soignés en France et ce gratuitement grâce au système de l’Affection Longue Durée (ALD), force est de constater que de nombreuses dépenses liées à la maladie ne sont pas couvertes pour près de la moitié des malades de tout type de cancer. 2/3 d’entre eux les ont évalués à près de 1 000€. Cela affecte plus particulièrement les femmes, notamment celles atteintes de cancer du sein.
Quelques exemples :
- Pas d’accès aux traitements hormonaux substitutifs et pas de remboursements des médicaments et dispositifs médicaux liés aux conséquences des traitements et de la maladie sur la ménopause chimio-induite ou après cancer : traitement contre les bouffées de chaleur, ovule contre la sécheresse vaginale, crèmes … , la facture peut aller jusqu’à 100€ par mois et pour les dispositifs médicaux, comme le laser, il faut compter entre 250€ et 300€ la séance.
- Dépassements d’honoraires pour la reconstruction mammaire : reste à charge de 1 400€ en moyenne
- Tatouage médical du mamelon et téton en 3D : inégalités des remboursements sur le territoire
- Brassière post-mastectomie : reste à charge de 60€ en moyenne
- Prothèse mammaire externe de natation : non remboursée (prix moyen 70€)
- Vernis pour protéger les ongles pendant la chimiothérapie : non remboursés (prix moyen entre 8 et 12€ par pot)
Et c’est sans compter les soins de support (activité physique adaptée, nutrition, soutien psychologique, socio-esthétique, remédiation cognitive, accompagnement au retour à l’emploi, assistante sociale, etc.). Le forfait de 180€ reste très largement insuffisant et imparfaitement mis en œuvre pour couvrir les besoins et répondre à un des enjeux majeurs aujourd’hui : celui de la qualité de vie dans un contexte où l’on guérit de plus en plus de personnes mais où le nombre de cas de cancers chez la femme ne cesse d’augmenter et que deux tiers d’entre elles conservent des séquelles jusqu’à 5 ans après la maladie.
Le poids de ces restes à charge est d’autant plus élevé que le cancer précarise.
Une récente étude¹ montre ainsi que la moitié des femmes atteintes du seul cancer du sein sont en arrêt de travail pendant 15 mois, et touchent ainsi moins de la moitié de leur salaire. Une autre que 5 ans après le diagnostic d’un cancer, une personne sur cinq qui était en emploi ne travaille plus. Et ce phénomène fragilise de façon plus aiguë les femmes, en particulier celles qui vivent seules avec des enfants à charge et/ou travaillant à temps partiel, soit 78% de femmes.
Pour faire face à ces difficultés, la proposition de loi Roussel opte pour une prise en charge par la Sécurité sociale de l’ensemble des restes à charge considérés.
Il convient selon nous d’agir sur plusieurs leviers en même temps tout en préservant les comptes sociaux :
- limiter les dépenses en mettant en place un forfait « zéro reste à charge » cancer dans le cadre du 100% santé sur le modèle de l’optique et des soins dentaires. Pour cela, il est indispensable de commencer par recenser les dépenses concernées ;
- limiter les pertes de revenus en rendant obligatoire l’accès à la prévoyance pour l’ensemble des salariés mais aussi pour les travailleurs non-salariés et en assouplissant les conditions d’accès au temps partiel thérapeutique.
Nombre de députés, à l’occasion de l’examen de ce texte, se sont contentés de pointer ce qui, de leur point de vue, constitue l’unique solution, la prévention, confondue d’ailleurs allègrement avec le dépistage.
Si prévention et dépistage sont indéniablement des axes nécessaires, gardons en tête que c’est ici et maintenant que les près de 4 millions de personnes malades de cancer en traitement ou sous surveillance ont un besoin urgent d’être aidés pour améliorer le plus sereinement possible leur qualité de vie sans les soumettre à la double peine de la maladie et des fins de mois difficiles.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, vous avez franchi un premier pas en abordant ces sujets à l’occasion d’une proposition de loi, c’est très bien. Le vrai rendez-vous est maintenant celui de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’automne.
¹Romain Vanier et al., Implementing indicators and trajectories of return to work after breast cancer diagnosis, Clinical Breast Cancer, 2024.