Alexandra, 40 ans
« Pour tenir, il me fallait un cap, un projet »
Mon cancer du col utérin s’est déclaré il y a dix ans, au moment où ma vie partait en morceaux : je venais de me séparer du père de mes enfants et d’être licenciée… À l’époque, mes enfants avaient 3 et 7 ans. Je ne pouvais pas me permettre de m’effondrer. Pour tenir, il me fallait un cap, un projet. J’étais styliste, j’ai décidé de me lancer dans le sur-mesure adapté aux malades. Je suis restée alitée pendant un an, six mois sur le dos, six mois sur le ventre, mais je pouvais imaginer, concevoir et dessiner. C’est ce que j’ai fait. Des tas de croquis de robes, de tops, d’accessoires, que j’ai accumulés dans mon carnet. Même pendant les consultations avec le chirurgien, je posais des questions : où sont les cicatrices quand on reconstruit un sein ? Si je fais un maillot de bain, est-ce que la couture peut gêner ? Le sur-mesure permet une grande liberté. Il y a toujours quelque chose à mettre en valeur : un décolleté si le dos a une cicatrice, une taille, une épaule… C’est le vêtement qui doit s’adapter au corps, pas l’inverse. J’aime bien ce défi.
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Anne, 26 ans
« Il fallait que j’extériorise ce que je vivais »
On m’a diagnostiqué un cancer du sein l’année dernière, juste avant ma soutenance de thèse en informatique. Du jour au lendemain, ma vie a basculé et il fallait que j’extériorise ce que je vivais. Heureusement, le dessin a toujours été mon moyen d’expression favori, alors j’ai créé deux personnages marrants : Bob et Booby. Bob, c’est le sein qui n’a pas eu le cancer, et Booby, c’est celui qui en a eu un. Ils m’ont permis d’exprimer et de dédramatiser ce que je vivais. Par exemple, après ma tumorectomie, Booby est devenu tout biscornu. Mon entourage m’a encouragée à poster mes dessins sur Instagram. Quand j’ai atteint 100 abonnés, j’ai trouvé ça dingue. J’étais supercontente : j’avais l’impression d’avoir au moins réussi quelque chose pendant cette année chaotique. Aujourd’hui, j’ai repris ma thèse.
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Lydia, 33 ans
« Je me suis prouvé que j’étais toujours capable de rester concentrée »
Avant mon sarcome à l’épaule, je faisais beaucoup de sport. C’est d’ailleurs pendant une séance de squash que j’ai ressenti la violente douleur au bras qui m’a poussée à consulter. Pendant toute une période, j’étais trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. Je l’ai mal vécu, alors dès que j’ai commencé à aller mieux, je me suis dit : « C’est bon, Lydia, réveille-toi, tu vas pas rester affalée sur ton canapé toute ta vie ! » C’est à ce moment-là que j’ai découvert la peinture sur porcelaine, chez une amie de ma belle-mère qui en faisait. Ma meilleure amie attendait un bébé et je me suis dit que ça ferait un super cadeau de naissance. Le seul truc, c’est que je ne sais pas du tout dessiner. Donc, avant de me lancer, j’ai pensé que je ne ferais que des catastrophes. Finalement, après un après-midi d’essai, j’ai adoré le résultat. J’étais trop fière de moi. Je me suis prouvé que j’étais toujours capable de rester concentrée, que je pouvais être minutieuse malgré ma douleur au bras. Et puis, quand je peins, je suis focalisée sur ce que je fais, ça canalise mon énergie.
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Amélie, 32 ans
« Ça m’a permis de ne pas voir les journées passer ». Amélie
Je suis infirmière d’analyses, dans une clinique, et j’avais 28 ans quand mon cancer du sein a été diagnostiqué. J’étais en plein protocole de FIV et j’avais des douleurs au sein que j’avais mises sur le compte du traitement hormonal. C’est comme je consultais mon gynécologue, parce que l’embryon ne s’était pas implanté, que ma tumeur a été détectée… Pendant mon arrêt, je me suis mise à fabriquer des badges en pâte Fimo pour les infirmières et les aides-soignantes. J’avais commencé juste avant de tomber malade, quand une amie m’avait offert un pendentif dans cette matière, donc j’ai continué, mais plus activement ! Ça m’a permis de m’occuper l’esprit et de ne pas voir les journées passer. En plus, les badges ont tout de suite eu beaucoup de succès auprès des patients, notamment les enfants. Leur couleur attire l’attention et crée un lien avec les soignants. Pour les parents aussi, le fait de connaître le nom des infirmières rend le contact moins impersonnel. C’est juste un petit badge, mais ça apporte un peu de bonheur dans la journée.
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Samia, 50 ans
« Je me suis lancée comme défi de faire des scoubidous »
Je me suis faite toute seule. J’ai perdu ma mère à 12 ans, ensuite, j’ai vécu en foyer et, aujourd’hui, je suis mère de deux enfants et à la tête d’une société de transport routier. Quand mon cancer du sein s’est déclaré, l’année dernière, il était hors de question que j’arrête de travailler. J’ai caché ma maladie à tous mes employés et clients pour que personne ne s’apitoie sur mon sort. Je voulais garder le contrôle. Même chose avec mon corps : à cause des traitements, le bout de mes doigts avait perdu en sensibilité. Du coup, je me suis lancée comme défi de faire des scoubidous, revenus à la mode, d’après ma fille. Je me suis dit que ça me servirait de rééducation ! Progressivement, je me suis prise au jeu et j’en ai fait de plus en plus complexes, avec dix fils, en forme d’animaux… Une vraie vengeance sur la maladie.
Noémie, 27 ans
« Les retours positifs sur Instagram m’ont reboostée »
Quand on m’a annoncé un cancer des ovaires, je ne voulais pas y croire. Ce ne pouvait pas être vrai : j’avais seulement 26 ans ! En l’espace d’un mois, j’ai subi deux opérations : ablation des ovaires et de l’utérus. Pendant l’été, comme je ne pouvais pas m’exposer au soleil, je me suis mise à créer des bijoux. Je n’en portais pas beaucoup avant la maladie, mais quand j’ai perdu mes cheveux, je me suis rendu compte que les boucles d’oreilles habillaient joliment mon bandeau. Alors j’en ai fait pas mal et j’ai ouvert un compte Instagram. Les retours positifs m’ont reboostée. Valorisée aussi. Aujourd’hui, je suis sous hormonothérapie.
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Frédérique, 43 ans
« Découper les verres et créer quelque chose de beau »
Avant mon cancer du sein, je passais ma vie au bureau, parfois même le week-end. Quand j’ai été diagnostiquée, à 41 ans, j’ai décidé de m’arrêter pour m’occuper de moi. Mon mari, maçon, reçoit régulièrement un catalogue d’activités destinées aux femmes d’artisans. Je me suis inscrite à des cours de conduite écolo, à des visites de monuments historiques… Et puis, à Troyes, où nous vivons, il y a la Cité du vitrail. J’ai essayé l’atelier découverte : choisir un modèle, découper les verres de différentes couleurs, les assembler et créer quelque chose de beau. J’ai adoré ! Aujourd’hui, j’ai repris le travail, mais je garde une après-midi par semaine pour mes cours de vitraux.
Propos recueillis par Emilie Groyer