« Quand on dit à nos patientes, souvent fatiguées, qu’elles doivent en plus s’activer, elles tombent des nues, constate le Pr Laurent Zelek, chef adjoint du service d’oncologie au CHU Avicenne, à Bobigny. C’est un peu comme si on leur disait « marche ou crève ! ». Pourtant, la seule manière de limiter la casse, c’est d’entretenir la machine. À nous de bien orienter nos malades.”
Inutile en effet de se jeter sur un tatami qui grattouille avec un syndrome mains-pieds… L’activité physique doit être adaptée et encadrée par des moniteurs diplômés « sport et cancer », par des éducateurs médico-sportifs ou des kinés. « Tous doivent certes connaître la pathologie de la patiente, ses capacités physiques et ses préférences, précise le Dr Michel Pavic, onco-hématologue à l’hôpital d’instruction des armées Desgenettes, à Lyon. Mais surtout, ils doivent se renseigner sur les traitements prévus et les contre-indications : insuffisance coronarienne ou respiratoire, hypertension, métastases osseuses, en particulier sur le rachis ou les fémurs, dénutrition ou ostéoporose sévère. »
Désormais, nos oncologues ne se contentent plus d’être experts en chimio ! Daniel Serin, par exemple, sénologue à l’institut Sainte-Catherine d’Avignon, est également coach sportif. Depuis six ans, il propose un programme de réadaptation à l’effort à raison de sessions de deux heures, deux fois par semaine.
Le sport, un médicament ?
En quelque sorte. Il est prouvé qu’il réduit de 25 % le risque de développer un cancer du sein ou du côlon. De plus, pratiqué régulièrement et de manière suffisamment intense pendant les traitements, il réduit aussi de 50 % le risque de rechute.
En effet, pendant longtemps, on a cru économiser son corps en l’ »usant » le moins possible. On sait maintenant qu’il faut au contraire le remuer pour lui permettre de bien fonctionner. « L’activité corporelle ne se contente pas de prévenir le déconditionnement physique des patientes qui, en entrant dans une logique de soins, se mettent en retrait de leurs activités quotidiennes et perdent l’habitude de bouger, explique le Dr Bruno Cutili, secrétaire national de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire. Elle améliore aussi leur qualité de vie, leur état psychologique, entraîne une meilleure tolérance et une meilleure observance des traitements. Enfin, elle permet une diminution considérable du risque de rechute et de la mortalité à long terme. »
Contre toute attente, ce « super » médicament constitue aussi le meilleur moyen de lutter contre la fatigue, de diminuer le risque de lymphœdème et d’ostéoporose. Sans oublier qu’il participe activement à la prévention des maladies cardio-vasculaires.
Quels sont les bienfaits du sport ?
Le sport agit directement sur les hormones (œstrogènes, insuline, IGF-1), le système immunitaire, l’inflammation de l’organisme et les kilos en trop. Autant de facteurs qui influent sur la progression du cancer et les récidives. Le sport augmenterait aussi le nombre de cellules NK dans le sang, dont l’action est de tuer les cellules cancéreuses, donc d’enrayer leur propagation.
Ce serial killer ralentirait également la croissance des cellules potentiellement cancéreuses, notamment dans le cancer du côlon, et ferait diminuer le nombre de polypes. « Des études laissent présager que le bénéfice attendu pourrait être du même ordre de grandeur que celui procuré par les traitements médicaux de dernière génération« , précise le Pr Zelek.
Sport pendant les traitements : à quel rythme ?
Selon le Dr Pavic, « l’idéal est de pratiquer une activité physique dès le début de la prise en charge, lors de séances de trente à quarante-cinq minutes 4 ou 5 fois par semaine, que vous pouvez fractionner en 2 fois quinze minutes ou 3 fois dix minutes. Une fois le traitement terminé, on peut proposer aux patientes 10 à 15 séances dans des structures de SSR (soins de suite et de réadaptation) pour leur redonner de l’autonomie« .
Pendant un cancer : activité sportive soft ou intense ?
L’activité physique doit certes être adaptée et bien encadrée, mais elle doit quand même faire augmenter le rythme cardiaque au-dessus d’un certain seuil. Pour trouver la bonne intensité, un petit test tout simple : vous devez pouvoir parler mais pas chanter. Si vous gazouillez toujours, intensifiez votre effort. À l’inverse, si aucun son ne sort plus de votre bouche, levez le pied.
Quel sport, individuel ou collectif ?
Les deux ! S’il est parfois plus facile d’entreprendre une activité individuelle au début (crainte du regard des autres sur son corps, angoisse de ne pas réussir…), la reconstruction du schéma corporel sera facilitée par une activité de groupe. Se retrouver dans la même galère, rire, échanger tuyaux et bonnes adresses, s’encourager, aller boire un verre après les cours : c’est thérapeutique !
Pratiquer un sport : à quel moment de la journée ?
Le matin et en deuxième partie d’après-midi de préférence. Si vous avez du mal à dormir, laissez-vous cinq-six heures de calme avant de vous coucher.
Du sport avec ou sans certificat médical ?
Il est indispensable de discuter avec votre oncologue, qui vous indiquera une éventuelle structure d’accueil au sein de l’établissement ou à proximité, ou vous donnera des conseils sur le type d’activité à pratiquer. Même si rien ne vous oblige à révéler votre maladie, il est prudent de le faire car certains médicaments utilisés peuvent altérer la fonction cardiaque et les sports à risque de chute (tennis, parapente, jet-ski…) peuvent être dangereux en cas de fragilité osseuse.