Le 28 février dernier, Julie Pietri annonçait son cancer de l’endomètre sur son compte Instagram. Un message simple, de quelques minutes seulement, filmé à bout de bras avec son portable depuis son salon. C’est dans cet endroit chaleureux, décoré de plantes et de livres d’art, que la chanteuse nous accueille.
Vous avez annoncé votre cancer de l’endomètre par une vidéo postée sur vos réseaux sociaux. Pourquoi ce choix ?
Julie Pietri : Parce que je ne voulais pas que des journaux à potins s’emparent de mon histoire et qu’on raconte n’importe quoi. J’avais peur que les faits soient déformés pour en faire du sensationnalisme. C’est quelque chose qui me révulse. Donc j’ai pris les devants et je l’ai annoncé moi-même, telle que je suis : cash.
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Vous avez prononcé le mot “cancer” immédiatement…
Je n’allais pas parler de “maladie”, ça aurait été ridicule. Il faut appeler un chat un chat et arrêter de diaboliser les mots. Les mots sont des mots. Les maux, M-A-U-X, en sont d’autres. Les maux, il faut les soigner.
Dans cette vidéo, vous vous adressez à vos fans à qui vous dites devoir la vérité. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Quand j’ai appris que j’avais un cancer, je venais de sortir mon album Origami. J’avais fait une première date le 15 décembre à Paris à la Nouvelle Ève. Tout un symbole quand on connaît mon blockbuster personnel Ève lève toi (rire). D’autres dates étaient programmées et cette annonce allait tout mettre en suspens. Je me devais de prévenir mon public.
Vous savez, certains me suivent depuis plus de 40 ans. Je retrouve au premier rang de mes concerts des personnes qui étaient déjà là à mon tout premier Olympia en 1987 ! Une telle fidélité c’est précieux. J’ai construit une vie à leur côté et grâce à eux. D’une certaine façon, je leur dois mon existence, qui je suis.
C’est aussi pour recevoir leur soutien que vous avez partagé cette annonce ?
Oui. L’annonce d’un cancer, on la prend en plein cœur. Je savais que toute seule, je n’y arriverai pas. Je suis bien entourée par ma famille, mes amis, mais ils ont leur vie. Et je ne pouvais pas m’écrouler, ce n’est pas mon style.
“Mon public a décuplé mes forces.”
Alors je me suis dit que j’allais le dire à mon public parce que grâce à eux, j’allais pouvoir lutter. Comme dans la chanson de Brel, j’ai eu envie qu’on me dise : “Non Jef, t’es pas tout seul !”. Et c’est ce qui s’est passé : j’ai reçu plus de 15 000 messages !
Qu’est-ce qui vous a le plus touchée ?
Les messages qui me disaient : “Tu ne lâches rien parce que, nous, on te connait depuis qu’on est ado et tu ne peux pas ne plus être là ! Tu tiens le coup parce qu’on est là et tu ne peux pas nous laisser”. Ça a décuplé mes forces. Non, je n’étais pas toute seule. J’ai découvert aussi qu’il y avait énormément de personnes atteintes de cancer. On allait lutter ensemble.
Cela a été aussi facile de l’annoncer à vos proches ?
Non, je suis assez secrète avec les miens. Je ne sais pas pourquoi. J’ai peut-être peur de les traumatiser… Je n’ai pas osé le dire à mon vieux papa qui va avoir 97 ans. Certaines personnes de ma famille l’ont appris en regardant la vidéo sur instagram. Quant à ma fille, c’est elle qui m’a dit : “Arrête de tourner autour du pot, je te connais. C’est ce à quoi je pense ?”. Je lui ai répondu tout simplement : “Oui, c’est un cancer.”
Comment s’est passée votre prise en charge ?
Extrêmement bien. J’ai eu un chirurgien formidable, très consciencieux et très prudent. Il m’a expliqué que je devais subir une hystérectomie. Lors de la première opération, il n’a rien touché car il avait un doute sur le fait que la tumeur se soit étendue au péritoine. Finalement les examens se sont révélés négatifs et il a pu opérer.
« Ne plus avoir d’utérus ne m’empêche pas d’être une femme. »
La veille de cette seconde opération, j’ai été prise de crises de panique. Je pense que les ascenseurs émotionnels que j’avais absorbés pendant les derniers mois sont ressortis. Heureusement, j’ai été accompagnée par une psychologue qui m’a beaucoup calmée. Et le jour de l’opération, j’étais sereine.
Aujourd’hui, je suis en forme, prête à commencer mes séances de radiothérapie. Après, je pourrai mettre tout ça derrière moi.
Comment vivez-vous le fait de vivre sans utérus ?
Je n’ai pas eu peur de tout enlever. De retirer “le package de la femme”. Ça a servi, ça ne sert plus à rien, allez hop ! Et ça ne m’empêchera pas d’être une femme !
Ce n’est pas la première fois que vous êtes opérée de l’endomètre…
Oui, je souffre d’endométriose depuis mes 12 ans. Les douleurs étaient telles que j’en tombais dans les pommes. J’ai été opérée en 1987, quelques mois avant mon premier Olympia, pour retirer un fibrome de la taille d’un pamplemousse. J’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre. En même temps, c’est grâce à cette opération que j’ai pu attendre ma fille, Manon. Et puis, Manon s’est présentée par le siège, il a donc fallu réouvrir. J’avais un utérus cicatriciel, il aurait de toute façon fallu que j’accouche par césarienne.
Alors, forcément, quand on m’a dit qu’on allait ouvrir une nouvelle fois pour l’hystérectomie, ça m’a rappelé une période de souffrance. Mais, comme toujours, je me suis dit que si je voulais m’en sortir, il fallait que ça sorte de moi. Que j’expulse le squatteur. Je lui ai donné des petits noms : Marcelo, Arturo. Je ne sais pas pourquoi des noms à consonance italienne. Ça doit me rappeler les machos italiens (rire). C’est une caricature mais je trouve que ça va bien au cancer.
Avez-vous eu peur de ne plus être en mesure de chanter après ça ?
Oui, surtout à cause de l’intubation. J’avais été traumatisée par une opération précédente après laquelle j’avais mis 6 mois à retrouver ma voix. J’en ai tout de suite parlé à l’anesthésiste pour qu’elle fasse attention à mes cordes vocales. Eh bien, cette femme a été formidable : trois anesthésies générales et ma voix est impeccable. Je la remercie profondément.
Vous allez donc pouvoir remonter sur scène ?
Oui, on va reprendre l’Origami Tour et cette tournée pour fêter mes 40 ans de carrière qui avait été stoppée par le Covid. Dès la fin de la radiothérapie, je vais reprendre les cours de chant. La semaine dernière, j’ai même pu faire ma première séance de sport. Je suis au taquet !
Avez-vous un message pour les femmes qui nous lisent et qui traversent la même épreuve ?
Faites confiance à ce corps qui vous porte depuis toujours. Chouchoutez-le, prenez-en soin, il est là pour vous aider à guérir. Ne le considérez pas comme un ennemi. C’est Marcelo qu’il faut éjecter, le corps, lui, il faut l’aimer.
Et puis, on est sacrément fortes, nous, les femmes pour affronter les épreuves : c’est nous qui avons des règles, qui portons des enfants, … On a l’habitude d’être combatives. Je n’ai pas dit que c’était simple mais faites vous confiance : vous êtes uniques et beaucoup plus fortes que vous ne le pensez !
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Propos recueillis par Emilie Groyer
Photo : Yves Bottalico