Face aux cancers, osons la vie !


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Isabelle Mir : "Je ne veux plus vivre dans le stress"

{{ config.mag.article.published }} 13 mai 2013

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La vice-championne de descente aux Jeux olympiques de 1968 a combattu son cancer du sein en athlète. Préparation physique et mentale, diététique, coaching ... La skieuse n'a rien laissé au hasard.

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Comment avez-vous appris que vous souffriez d’un cancer ?

Je l’ai quasiment découvert moi-même. Depuis plusieurs mois, j’étais irritable, fatiguée, souvent fiévreuse. Alors, un jour, j’ai décidé de procéder à une auto-palpation approfondie. Nous, sportifs, connaissons bien notre corps. Au bout d’une heure, j’ai trouvé un ganglion caché sous une aisselle.

Direction le radiologue et diagnostic sans appel : cancer du sein. Je suis restée, quelques instants, sidérée. C’était comme tomber au fond d’un siphon qui m’aspirait. Un cancer, chez un sportif de haut niveau, c’est quasiment un « non-sens  » : une vie saine, pas d’excès, du sport et encore du sport…

Comment avez-vous envisagé les traitements ?

Je me suis remise dans la peau d’une championne qui prépare les Jeux olympiques. Aucune place au hasard. Un programme réglé. Des objectifs. C’est ma copine Marielle Goitschel qui a le mieux résumé la situation, en me disant : « Quand tu as pris le départ de la descente aux JO, ton but c’était de gagner ? Là, il faut que tu fasses la même chose. »

Quelle préparation avez-vous suivie ?

J’ai repris les fondamentaux des entraînements sportifs. Préparation psychologique d’abord : pendant la pose du cathéter, j’ai fixé mon esprit sur une image de la piste des Crozats, à Avoriaz. Ce souvenir m’éloignait de la douleur et de la panique. Pendant les chimios, je me suis accrochée à une photo de moi à 20 ans, qui était parue dans Paris Match. Je jouais au rugby avec mes cousins et j’envoyais très loin le ballon. J’ai sorti cette image et me suis dit : « Tu vas jeter ce cancer très loin, avec toute la force vitale dont tu es capable. Comme pour ce ballon. » Cette photographie m’a accompagnée à l’hôpital.

Physiquement, je me suis obligée à marcher tous les jours deux ou trois heures – y compris lorsque je sortais d’une chimiothérapie et que je zigzaguais d’épuisement. Il fallait que je transpire pour éliminer le poison. C’était un objectif à la fois modeste sportivement mais ambitieux sur le fond : je ne lâchais rien. Un entraînement sportif est une addition de routines : se coucher tôt, bien se nourrir, être à l’écoute de son corps. À la fin de chaque semaine, Jean-Claude Killy m’envoyait un SMS pour «  faire le point » sur les jours passés. Comme un entraîneur !

Vos amis semblent très présents…

Plus que cela. Ils m’ont sauvé la vie. Cette année de traitement contre le cancer a été la plus belle année d’amour de mon existence. J’avais autour de moi tous les plus grands skieurs français. Mais pas qu’eux. Des amis du Canada sont venus à Paris pour me tenir la main dès le premier rendez-vous avec la cancérologue.

Pour mes rendez-vous médicaux, j’étais toujours accompagnée afin de bénéficier d’une autre écoute. J’ai traversé ce cancer transportée en « chaise à porteurs » par mes amis. Toute cette affection, tout le soutien de l’équipe médicale m’ont donné le « bon orgueil », l’orgueil qui fait qu’on se lève le matin et qu’on se bat même quand on est à bout. Tous ces gens faisaient tant pour moi, je n’avais pas le droit de baisser les bras !

Vous semblez très reconnaissante envers l’équipe médicale.

J’ai eu la chance de tomber sur une équipe qui s’est montrée d’une humanité, d’une fraternité sans faille. Le jour de la pose du cathéter, l’anesthésiste m’a dit : « Vous allez traverser le cap Horn. Ça va tanguer. L’équipe soignante, on est l’équipage et on va tout faire pour que vous teniez la mer. Mais le capitaine, celui qui mène le bateau à bon port, c’est vous… »

Vous étiez très éprouvée physiquement ?

Oui, bien sûr. Mais toute cette affection, ces soins qui m’ont entourée m’ont permis de skier même pendant les traitements. Après quatre mois de cure, je suis montée à Chamonix avec mes vieilles amies de l’équipe de France. J’ai skié sur les fémurs… au sens propre : je n’avais plus de muscles vaillants.

Quand on est skieur professionnel, on devient des techniciens de la montagne, ce n’est plus du simple plaisir comme pour des amateurs. Mais, ce jour-là, à Chamonix, j’étais tellement heureuse, je me sentais tellement en vie sur cette piste, au cœur de cette poudreuse, que j’ai pleuré de bonheur. J’ai réussi à skier 7 ou 8 fois durant les traitements. Et cela a contribué à me donner la force de ne rien lâcher.

Arriviez-vous à vous extraire de la maladie ?

Chaque fois que je n’allais pas bien, que j’étais fatiguée, découragée, je repensais à la photo historique de Jean-Claude Killy. Celle de son départ aux JO de Grenoble. Il s’est catapulté de la ligne de départ. C’est le premier, dans l’histoire du ski, à s’arracher ainsi avec autant de volonté, de force, comme pour s’extraire de son corps. Il fallait que je me jette hors de la maladie, que je m’extraie du canapé ou du lit, avec la même force que lui. Pour gagner.

Vous allez bien, à présent. Qu’est-ce que cette expérience a changé en vous ?

Beaucoup de choses. Dans mon rapport aux autres, je remets désormais les choses à leur vraie place. Je dis plus facilement : « Je m’en fous… » quand c’est le cas. Je ne veux plus vivre dans le stress. Dans mon rapport au corps, j’ai compris que le sport construit et ne doit pas faire souffrir. C’est inédit pour un sportif professionnel qui doit toujours aller plus loin, donc se faire mal pour progresser. Je crois que j’ai eu assez mal pour le reste de ma vie. Donc, je cesse de mettre mon corps « dans le rouge  », désormais, je veux me faire du bien !

Propos recueillis par Céline Lis-Raoux


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La rédaction de Rose magazine

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