Journée mondiale de la lutte contre le cancer, le 4 février est aussi la date du lancement de la nouvelle stratégie décennale contre la maladie par le Président Emmanuel Macron. Parmi les piliers de cette stratégie : la préservation de la qualité de vie des patients. Cela passe par les soins de support. En 2002 déjà, ils étaient inscrits dans le premier plan anti-cancer. Une reconnaissance. Vingt ans plus tard, où en est-on, exactement, dans ce domaine ? « La France n’a pas à rougir de l’accompagnement qu’elle propose aux malades », estime Florian Scotté, Vice Président de l’AFSOS (association francophone pour les soins de support) et oncologue à Gustave Roussy. Mais, des progrès restent à faire…
Les soins de support ont-ils la place qu’ils méritent dans le parcours de soin des malades de cancer ?
Dr F. Scotté : La réponse est non. C’est un domaine indispensable, incontournable, où on a accompli de gros progrès en vingt ans, mais il faut faire plus. On devrait y avoir recours de façon anticipée, dès l’annonce du diagnostic. Or les soins de support sont encore prescrits trop tardivement, souvent quand les problèmes liés au cancer ou aux traitements sont installés. Traiter la maladie reste la priorité, et c’est important évidemment, mais on gagnerait à appliquer systématiquement à la médecine oncologique la notion de « préhabilitation/réhabilitation » pratiquée en chirurgie. Cela consiste à préparer le patient, physiquement et psychologiquement, à une intervention pour éviter les complications post-opératoires et faciliter la récupération. En évaluant les faiblesses, psychiques, sociales, nutritionnelles, physiques, d’un patient avant même qu’il n’entre dans un protocole lourd, en prévoyant précocément ses besoins et en l’accompagnant, on améliore la tolérance au traitement, on diminue sa toxicité et, à la fin, le patient peut plus facilement reprendre sa place dans la société.
La mise place du panier de soins de support a quand même démocratisé l’accès à ces soins, vous parait-il aujourd’hui suffisant ?
Dr. F.Scotté : C’est vrai, il a permis qu’on reconnaisse qu’un accompagnement était nécessaire et qu’on définisse un socle de soins essentiels : prendre en charge la douleur, prescrire une activité physique, proposer un suivi nutritionnel, une aide psychologique etc. Sur ces thématiques, il remplit un rôle majeur. Mais des progrès restent à faire, notamment sur la préservation de la fertilité, la sexualité des patients. À la sortie des traitements, il y a un forfait annuel de 180 euros pour accompagner les patients. C’est bien, c’est déjà la reconnaissance qu’il y a un travail à faire. Seulement, avec cette enveloppe, qu’est-ce qu’on prend en charge ? Une consultation de psy, une de diététique et peut-être trois séances d’activité physique sur un an ? C’est insuffisant.
« Il faut parler pour qu’il n’y ait plus de souffrance masquée »
A quel niveau faut-il agir selon vous ?
Dr. F. Scotté : Il faut consolider l’information et la formation des équipes médicales comme des patients. Mobiliser les uns et les autres fait partie de notre rôle à l’Afsos. J’en profite pour passer un message aux patients et aux aidants. Aujourd’hui, les équipes médicales en France sont sensibilisées, et très mobilisées sur cette thématique. Ils doivent oser leur parler de leurs besoins, oser exiger que leur douleur soit prise en compte, oser dire qu’ils veulent avoir accès à une aide psychologique lorsqu’ils ont le moral à zéro. Il faut parler pour qu’il n’y ait plus de souffrance masquée, et pour que le personnel soignant puisse adapter le traitement et faire des propositions de soins de support.
Dans la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer, dévoilée le 4 février, on réaffirme la nécessité de préserver la qualité de vie des patients. Cela passe par les soins de support. Si il n’y en avait qu’un seul à développer, ce serait lequel ?
Dr. Scotté : L’urgence est de valoriser le travail des infirmières de coordination. Cela fait partie des soins de support. Plusieurs études ont démontré que le suivi qu’elles font, associé à un suivi digital, permettait d’améliorer la qualité de vie des malades, de diminuer le nombre de passage aux urgences et les délais d’attente pour le démarrage du traitement. On a aussi relevé une incidence positive sur la survie des patients. Pendant la crise du Covid on a développé des applications pour suivre les personnes infectées à domicile, et pour ce suivi infirmier on a créé un tarif spécial. Il faudrait que nos infirmières de coordination en profite aussi. Cela permettrait de développer le lien ville/hôpital avec lequel on a encore du mal en cancérologie.
Propos recueillis par Sandrine Mouchet