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Anticorps, CAR-T cells : les nouvelles armes pour lutter contre les lymphomes agressifs

{{ config.mag.article.published }} 14 avril 2021

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Illustration de Martin Jarrie

Certains lymphomes non hodgkiniens évoluent très rapidement. Grâce à une meilleure compréhension de ces cancers, les armes pour les contrer sont de plus en plus efficaces.

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Lymphome folliculaire, lymphome diffus à grandes cellules B, lymphome du manteau, lymphome de Burkitt… Parmi les 103 sous-types du cancer du système lymphatique répertoriés par l’OMS, deux grandes familles dominent : les lymphomes hodgkiniens (caractérisés par la présence d’une cellule particulière appelée cellule de Sternberg), dont le taux de guérison atteint près de 90 %, et les lymphomes non hodgkiniens, qui représentent neuf lymphomes sur dix. Beaucoup plus hétérogènes, ces derniers peuvent se propager dans l’organisme par le système lymphatique ou sanguin, et apparaître – bien que cela reste rare – dans l’estomac, l’intestin, la peau ou le cerveau, entraînant une baisse globale de l’immunité.

Parmi eux, les lymphomes indolents. Ils peuvent rester asymptomatiques pendant des années, et ne nécessitent pas d’être traités immédiatement. D’autres vont se développer très vite, « en quelques semaines ou quelques mois. Il faut alors que la prise en charge et le traitement soient rapidement instaurés, particulièrement pour le lymphome de Burkitt », explique le Dr Lorea Aguinaga, hématologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. « Devant les signes cliniques, l’aspect de la tumeur au microscope et certains critères génétiques, on sait reconnaître le caractère agressif du lymphome, mais on ne sait pas vraiment pourquoi il l’est », souligne le Pr Hervé Tilly, hématologue au centre Henri-Becquerel, à Rouen, et membre de la Lysa (Lymphoma Study Association).

LYMPHOMES NON HODGKINIENS : ENTRE PASSIFS ET AGRESSIFS

Les lymphomes T sont généralement des lymphomes agressifs, ils représentent environ 15 % des lymphomes non hodgkiniens (LNH).

Les lymphomes B représentent les 85 % restants. Ils peuvent être de faible grade de malignité (indolents), alors leur évolution en dehors de tout traitement peut prendre plusieurs années. Ou bien de haut grade de malignité, donc agressifs, dont l’évolution peut être fatale en quelques mois s’ils ne sont pas traités.

Les anticorps monoclonaux : des alliés de poids

« Pour établir le diagnostic, la biopsie d’un ganglion ou d’une tumeur au microscope est indispensable. La TEP, aussi appelée par son nom anglais PET scan, est devenue un examen très utile pour évaluer l’extension de la maladie au moment du diagnostic. Il s’agit d’injecter au patient du glucose marqué par un produit radioactif, qui se fixe sur les cellules malignes. Les images obtenues ensuite au scanner permettent de déceler des tumeurs de moins de 5 mm. Cet examen est également indispensable pour évaluer l’efficacité du traitement et l’adapter, si besoin, entre deux cures : soit en l’intensifiant, si la réponse est insuffisante, soit en le diminuant, si la réponse initiale est bonne », explique le Dr Aguinaga.

EN CHIFFRES

  • 90% c’est le taux de guérison pour les lymphomes hodgkiniens.
  • 9 sur 10 lymphomes sont non hodgkiniens.

Sur le front des traitements, de nombreux progrès ont été enregistrés depuis vingt ans. « Notamment grâce à l’association de plusieurs chimiothérapies – cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone (protocole nommé Chop) – avec un anticorps monoclonal anti-CD20, le Rituximab, dirigé contre les lymphocytes B (R-Chop) », indique le Pr Tilly. Produits en laboratoire, les anticorps monoclonaux imitent les anticorps naturels et sont capables de se lier à des récepteurs spécifiques situés à la surface des cellules cancéreuses. Une fois amarrés, ces anticorps sont capables de détruire  les cellules malades ou d’induire une réponse immunitaire de l’organisme.

Cette révolution thérapeutique a ouvert la voie à de nouvelles générations d’anticorps monoclonaux, chaque génération étant plus efficace que la précédente. Résultat ? En fonction de l’âge du patient et d’autres facteurs pronostiques, jusqu’à 70 % des patients obtiendront une rémission après une première ligne de traitement. Quid des 30 % de lymphomes agressifs qui ne répondront pas suffisamment bien au R-Chop ou qui récidiveront ? Si l’on ne sait pas encore très bien pourquoi le traitement échoue dans ces cas-là, les patients ne restent pas sans solution : « On propose alors d’intensifier le traitement avec une chimiothérapie à très fortes doses. Ce qui va aussi détruire les cellules saines de la moelle osseuse. Pour les protéger, des greffes de cellules souches du sang seront parfois nécessaires. Il s’agit de prélever ces cellules souches dans le sang du patient avant la chimiothérapie, de les congeler puis de les lui réinjecter après la chimiothérapie. Cela permet de consolider le traitement et de réduire le risque de rechute. Ce n’est que très rarement qu’une greffe de cellules souches venant d’un donneur, souvent un parent (greffe allogénique), est proposée. » La chimio intensive permet déjà une rémission complète dans 50 % des cas. Pour les autres, la moitié sera par la suite guérie avec l’autogreffe.

POURQUOI LE R-CHOP ECHOUE CHEZ 30% DES PATIENTS ?

L’échec de ce traitement du lymphome diffus à grandes cellules B reste un mystère. Mais un coin du voile vient d’être levé par Jean-Ehrland Ricci, directeur de recherche Inserm au sein du Centre méditerranéen de médecine moléculaire, à Nice, et le Pr Catherine Thieblemont, chef du service d’hématologie de l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Dans leur ligne de mire : l’enzyme GADPH, acteur majeur de la conversion du glucose en énergie utilisable par la cellule pour croître et proliférer. Le faible taux de GADPH est un marqueur qui permet de prédire la résistance des cellules de ce lymphome au traitement R-Chop. Mais c’est aussi un indicateur de l’utilisation d’une autre source énergétique par la mitochondrie* : la glutamine. L’équipe a montré que bloquer le métabolisme de la mitochondrie freine la prolifération des lymphomes résistants au R-Chop. Comment ? Grâce à l’association de trois thérapies ciblées (L-asparaginase, inhibiteur de mTOR et metformine) sur le métabolisme de la mitochondrie. Cette association s’est montrée dans un premier temps très efficace pour éliminer les cellules cancéreuses chez trois des quatre patients sur lesquels elle a été testée. Mais les cellules du lymphome ont réussi à s’adapter… Les recherches se poursuivent donc pour consolider cette nouvelle et prometteuse approche.

* Les mitochondries sont ces micro-organites qui fournissent à nos cellules leur énergie
via la conversion métabolique du glucose.

Source : Chiche J. et al., Cell Metabolism, 2019.

Reprogrammer les cellules immunitaires : la révolution CAR-T cells

Si, malgré tout, une nouvelle rechute survient, il est désormais possible de modifier les lymphocytes T (cellules immunitaires) du patient grâce aux CAR-T cells (pour chimeric antigen receptor) : « Cette immunothérapie est une immense avancée sociologique et sociétale », s’enthousiasme le Pr Guillaume Cartron, responsable du service d’hématologie du CHU de Montpellier, « car on modifie directement les gènes d’une cellule humaine ». Concrètement, il s’agit de prendre les lymphocytes T du patient, de les modifier génétiquement en laboratoire pour les armer contre les cellules de lymphome, puis de les lui réinjecter par voie veineuse. Les lymphocytes T modifiés se multiplient alors jusqu’à mille fois, puis attaquent leur cible, les cellules malignes.

« Cette immunothérapie est une immense avancée sociologique et sociétale.» PR G. CARTRON

En quelques jours ou semaines, la fonte tumorale est spectaculaire. Amélie, première patiente du CHU de Montpellier à avoir été traitée par CAR-T cells, en février 2019, à l’âge de 18 ans, a passé son baccalauréat dans l’unité d’enseignement de l’hôpital. Sa dernière TEP ayant montré une rémission complète et persistante de son lymphome diffus à grandes cellules B, elle a pu reprendre le cours normal de ses études en septembre. « Avec ce traitement, on est passé de moins de 10 % de guérison avec une chimiothérapie à environ 50 % ! » ajoute le Pr Cartron. Un bémol cependant : la survenue d’effets secondaires importants qui nécessite dans environ 30 % des cas un suivi en service de réanimation. Cette thérapie, disponible pour les lymphomes B à grandes cellules, les lymphomes primitifs du médiastin et les lymphomes folliculaires transformés, sera bientôt possible pour les lymphomes à cellules du manteau.

INFO +

Plusieurs brochures disponibles sur le site de la Fondation ARC à l’adresse https://www.fondation-arc.org/s-informer-sur-le-cancer

 

Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 19, p. 103)


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Céline Dufranc

Journaliste

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