Vous avez présenté au congrès de San Antonio 2019 les premiers résultats de SAFIR02-BREAST qui attestent de l’intérêt de l’immunothérapie en traitement d’entretien pour les femmes touchées par un cancer du sein métastatique triple négatif . Pouvez-vous nous expliquer sur quoi porte cette étude ?
Thomas Bachelot : L’étude SAFIR02-BREAST porte sur tous les cancers du sein métastatiques, quel que soit leur statut du point de vue des récepteurs hormonaux (HR) ou HER2.
Actuellement, quand une première chimiothérapie est efficace, on poursuit la chimiothérapie en entretien pour retarder la reprogression de la maladie. Initialement, notre étude vise à déterminer s’il n’est pas possible d’obtenir de meilleurs résultats avec un traitement d’entretien personnalisé. Pour cela, on va analyser la génomique de la tumeur pour essayer de donner à la patiente une thérapie ciblée, c’est-à-dire spécifique de l’anomalie détectée.
Mais lorsque nous avons analysé le génome des tumeurs des 1462 patientes incluses dans l’étude, nous avons constaté que plus de la moitié d’entre elles n’avaient pas d’anomalies pour lesquelles nous disposions d’une thérapie ciblée. Alors, plutôt que de les exclure de l’essai, nous avons décidé d’ajouter un bras « IMMUNO » à notre étude. Nous avons réparti ces femmes dans 2 groupes : le premier a poursuivi la chimiothérapie d’entretien standard, et le second a reçu du durvalumab, un anticorps anti-PDL1.
Si on regarde les résultats de façon globale, on ne voit pas de bénéfice de l’immunothérapie sur la chimiothérapie. Mais si on se focalise sur les femmes touchées par un cancer triple négatif, on observe une amélioration de leur survie globale : la médiane de survie1 était de 14 mois pour les femmes sous chimiothérapie et de 21 mois pour les femmes sous immunothérapie.
L’atezolizumab, un autre anticorps anti-PDL1, a obtenu une ATU, en combinaison avec de la chimiothérapie, pour le traitement des cancers du sein triple négatifs métastatiques non préalablement traités. Au vu de vos résultats, peut-on s’attendre à ce que le durvalumab obtienne une ATU comme traitement d’entretien ?
Attention, nos résultats ne permettent pas de prouver statistiquement l’efficacité du durvalumab dans ce contexte car notre étude n’a pas été conçue dans ce but à l’origine. Mais ils sont consistants avec tous les résultats qui ont été publiés jusqu’à présent dans d’autres études. La pièce entre bien dans le puzzle. On est confiant dans le fait que l’immunothérapie a un réel intérêt pour les femmes touchées par un cancer triple négatif métastatique : que ce soit en première ligne en combinaison avec la chimiothérapie comme cela a été montré pour l’atezolizumab, ou seul en traitement d’entretien comme nos résultats le suggèrent.
Sait-on pourquoi les cancers du sein triple négatifs sont plus sensibles à l’immunothérapie ?
Non. Ce qu’on sait c’est que l’efficacité de la chimiothérapie est supérieur en présence de cellules immunitaires dans la tumeur. Et que ce sont ces mêmes cellules qui vont être mobilisées par l’immunothérapie. Il est donc possible qu’en incluant dans notre étude uniquement les femmes qui ont répondu à la chimiothérapie en première ligne, nous ayions sélectionné les femmes qui sont également plus susceptibles de répondre à l’immunothérapie. C’est très hypothétique mais c’est possible.
Par ailleurs, on a observé que ce sont majoritairement les tumeurs triple négatives qui expriment le PDL1 [cible du durvalumab, NDLR]. En revanche, les cancers HR+ sont beaucoup moins immunogènes2 : soit parce que les cellules tumorales expriment moins d’antigènes et sont donc moins reconnaissables par les cellules immunitaires, soit parce qu’elles ont développé des mécanismes d’inhibition du système immunitaire plus forts ou qui ne passent pas par le PDL-1.
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Quelle est la prochaine étape ?
On va analyser les tumeurs des patientes pour voir si on trouve des marqueurs qui permettent de prédire la réponse à l’immunothérapie. On devrait obtenir les résultats dans les prochaines semaines. Comme nous ne disposons que d’un petit groupe de patientes, les résultats seront exploratoires mais on peut quand même mettre en évidence des liens intéressants. Ensuite, il faudra les valider en les comparant avec d’autres essais cliniques ou en développant de nouveaux essais prospectifs.
Propos recueillis par Emilie Groyer