Nous sommes en 2013. Émilie a 33 ans. Elle vit paisiblement avec son mari et ses 4 enfants à la frontière luxembourgeoise. Ils forment une jolie famille recomposée. Jusqu’à ce que tout s’écroule : on lui diagnostique un cancer du sein. Plus précisément : « un carcinome canalaire invasif de grade 3, avec une tumeur d’1,4 centimètre ». La prise en charge est heureusement rapide pour cette jeune maman. Une tumorectomie, seize chimiothérapies et vingt-cinq sessions de rayons plus tard, Émilie voit la fin du calvaire arriver. En juin 2014, son oncologue remplit un formulaire qui indique qu’elle est guérie.
Cinq ans après la fin des traitements, elle est officiellement en rémission. Le début d’une nouvelle vie qu’ils souhaitent concrétiser par un projet immobilier symbolique : le rachat de la maison où ils vivent en location. Le montant à emprunter est assez conséquent et alourdi par une enveloppe « travaux ». Mais ils ont confiance : « Après mon cancer je m’étais renseignée et je savais que mon dossier médical pouvait poser problème mais nos salaires étaient bons, je me disais que ça allait compenser. » Ce qu’Émilie ne savait pas, c’est que ce n’est pas le prêt qui allait poser le plus de problèmes mais l’assurance de ce dernier. (Lire aussi notre article : Droit à l’oubli : mode d’emploi)
Première alerte : le notaire
Très vite, Émilie et son compagnon se rendent chez un notaire pour signer un compromis de vente. « Il a été très honnête et très direct, assure Émilie. Il a vraiment cherché à nous éviter des difficultés supplémentaires. » Il leur annonce dès le début que leur projet allait être compliqué – voire impossible – à cause du cancer de la jeune femme. Ils ont six mois pour trouver le financement. Le notaire inclut une clause pour les protéger : en cas de surprime ou exclusion de la part des banques, ils pourront rompre le compromis sans pénalités.
Plus déterminée que jamais, Émilie passe à l’attaque. Elle enchaîne les prises de rendez-vous avec différentes banques. Onze au total. Son compagnon travaille à plein temps, elle affronte donc seule les premiers entretiens. Malgré la somme importante à emprunter, on la rassure tout de suite : leur dossier devrait passer sans problème. Vient le moment de la simulation et de parler du sujet délicat de l’assurance de prêt. Émilie évoque son cancer. Et là, la température de la pièce chute brutalement.
Fini le dossier facile, le projet immobilier et les sourires. « Il n’y a pas que le discours qui a changé, c’était aussi l’attitude, le ton… », se souvient la jeune femme. Mon compagnon n’y croyait pas au début, alors il m’a accompagnée au second rendez-vous et là, il a vu. » Le couple fait face à des professionnels gênés, qui deviennent soudainement hésitants et reviennent sur leurs déclarations. On ne leur dit jamais que c’est à cause de son historique médical mais Émilie sent que c’est bien le problème. Le dossier passe de « facilement réalisable » à « très compliqué ».
Les refus s’enchaînent
Un rendez-vous particulièrement catastrophique fait office de déclencheur. « C’était un directeur d’agence de la Banque Populaire », se remémore Émilie. Lorsqu’elle évoque la maladie, il coupe net la conversation et écourte l’entrevue. « Il n’a même pas voulu nous faire de simulation. Il nous a dit qu’il nous recontacterait par mail ». Les semaines passent sans nouvelles. Émilie relance le banquier sans succès, puis finit par téléphoner. « Son ton était très sec, il m’a dit qu’il ne voulait pas travailler avec nous en refusant de donner plus d’explications », raconte la jeune femme. Refus net également de formaliser ce rejet par une lettre, une preuve pourtant nécessaire pour Émilie vis-à-vis de son notaire. « Dans la salle d’attente je me souviens d’une grande affiche sur la Grille de référence Aeras de novembre 2019 avec des slogans du type » une solution pour chacun de vos problèmes » », ironise Émilie. Si elle n’était pas aussi aberrante, la contradiction pourrait prêter à sourire.
Dans ce combat pour son projet immobilier, Émilie découvre l’injustice de sa situation. « Certains jours on se sent armés, et le lendemain on est au plus bas : on a l’impression qu’il n’y a aucune solution. » Le délai des six mois approche, le couple enrage. « J’ai été malade à 33 ans et donc je n’ai plus le droit de faire de projets du tout ? », s’agace Émilie.
Changement de tactique
Après ce rendez-vous catastrophique, ils décident de changer de tactique et de passer sous silence le dossier médical embarrassant d’Émilie. Si son compagnon est prêt à prendre le risque de ne rien dire, Émilie préfèrerait en parler une fois le dossier validé. Les rendez-vous s’enchaînent et cette fois les professionnels acceptent d’envoyer la demande de prêt en commission. En parallèle, et au hasard d’une recherche internet, elle tombe sur un site de courtier en assurance. « J’ai rempli un questionnaire pour définir quelle assurance pourrait le mieux me convenir, explique Émilie. Un seul nom est sorti : Swiss Life. »
Elle décide d’ouvrir un dossier en ligne. La compagnie d’assurance lui demande de remplir des formulaires et de lui fournir des justificatifs médicaux. « Le plus difficile a été de rassembler mon dossier médical et de prendre rendez-vous avec mon oncologue pour lui faire remplir les formulaires », avoue Émilie. Un mois plus tard, le verdict tombe : la compagnie donne son feu vert pour assurer la jeune femme sans exclusion, ni surprime avec une couverture totale (décès, invalidité, chômage).
La récompense de six mois de combat
Forts de cette nouvelle arme, Émilie et son compagnon retournent rencontrer des banquiers et jouent franc-jeu. Ces derniers font un peu grise mine lorsqu’elle annonce avoir une assurance indépendante mais finissent par avouer qu’ils ne pourraient pas lui proposer mieux, compte tenu de son cancer. Une banque répond favorablement et rapidement à leur dossier. En échange, le compagnon d’Émilie souscrit à l’assurance de l’établissement financier pour le prêt. Grâce à ce compromis et quelques allers-retours administratifs plus tard, le dossier est validé.
« Quand nous avons signé chez le notaire, j’ai craqué, avoue Émilie. Six mois de combat avaient enfin porté leur fruit ». Depuis fin février 2019, Émilie et son compagnon sont propriétaires de leur maison et ont commencé des travaux. Elle ne regrette rien : « Ça ne coûte rien de regarder ailleurs, et ce, dès le début des démarches ». Le recours à une assurance indépendante n’est pas toujours miraculeux, mais si la compagnie d’assurance accepte votre dossier, c’est un bon moyen de poursuivre votre projet. Vous n’êtes pas obligées de souscrire à l’assurance de votre banque, alors n’hésitez pas à faire jouer la concurrence.
Mathilde Durand