« Il y a un paysage qui vous fait du bien ? » demande le Dr Marcou, médecin anesthésiste à l’Institut Curie et hypnothérapeute (Retrouvez notre interview vidéo du Dr Marcou). «La mer, répond Marie*. Je suis allée à l’île Maurice après ma première opération. C’est un très bon souvenir ». « Alors on va partir de là. »
Marie a 72 ans. Elle a été diagnostiquée d’un cancer du sein à 52 ans. Il y a 6 ans, son cancer a récidivé et son médecin l’a placée sous hormonothérapie. Depuis, elle souffre d’insomnies et prend des somnifères. « J’aimerais arrêter mais à chaque fois que je vais me coucher, je me dis que je n’arriverai pas à dormir sans mes comprimés », explique Marie. Dr Marcou la rassure : « Je vais vous aider à devenir plus forte pour trouver le sommeil sans aide » .
Un lieu apaisant
Confortablement installée sur un divan d’examen, face à la fenêtre, yeux fermés, la patiente écoute la voix douce du Dr Marcou. « Vous allez prendre le temps de laisser votre respiration s’installer, prendre conscience de son va-et-vient, un peu comme les vagues au bord de la mer. Retrouvez ce voyage à l’île Maurice avec tous vos sens : Regardez la transparence de l’eau, sentez la chaleur du sable sous vos pieds, la brise sur votre peau… À votre rythme, entrez tranquillement dans l’eau, une eau à bonne température. Laissez-vous flotter, ressentez cette légèreté… »
Tout doucement, la patiente est emmenée par la thérapeute dans ce lieu confortable, apaisant, qui lui est propre et dans lequel elle pourra se ressourcer chaque fois qu’elle en aura besoin. Cet état de « dissociation » lui permettra de mettre à distance ses tracas, ses angoisses et la placera dans un état propice à une bonne nuit de sommeil. « Son cerveau est un peu comme un ordinateur qui aurait trop de fenêtres ouvertes. L’hypnose va l’aider à les fermer pour que son corps trouve les ressources pour se réparer » explique le médecin.
« C’était très agréable. On pourra refaire une autre séance bientôt ? », demande Marie. Rendez-vous est pris dans un mois. Mais entre temps, Marie devra s’entraîner seule à retrouver son petit coin de paradis par l’auto-hypnose.
Ressentir plutôt que réfléchir
Car l’hypnose exige l’adhésion du patient pour fonctionner. Une coopération pas forcément évidente… Françoise a bien du mal à trouver en elle un lieu refuge. « Je suis découragée, je n’y arrive pas. Je ne comprends pas comment ça marche…» souffle la sexagénaire. Sous hormonothérapie après un cancer du sein il y a 2 ans, elle souffre de bouffées de chaleur très invalidantes. Passionnée de théâtre, elle avoue ne jamais profiter pleinement du spectacle, « parce qu’en cas de bouffée de chaleur, je ne peux pas retirer mon gilet sans gêner les autres spectateurs. Or il m’arrive de finir complètement trempée. Au point que j’emporte toujours un soutien-gorge de rechange et une serviette dans mon sac. C’est très handicapant parce que je me change parfois jusqu’à 4 fois par jour ».
« Cette patiente est très rationnelle, explique la thérapeute en aparté, elle s’attache trop à la technique. » En général, les patients ont besoin de 3 séances pour commencer à s’approprier l’autohypnose. « Mais pour les personnes qui, comme Françoise, ont tendance à intellectualiser la technique, cela peut s’avérer plus compliqué. »
Activer sensoriellement un souvenir agréable
Le Dr Marcou essaie de guider sa patiente : « La technique, on s’en fiche. Ce qui est important, c’est de trouver le chemin. Quelle image pourrait vous permettre de contrer cette transpiration ? » Françoise se creuse les méninges : « Je ne vois pas... » Une couleur ? Non. Un lieu ? Non, plus. Une sensation ? « Quand je suis en haut d’une colline, j’aime sentir le vent souffler fort sur moi. » Françoise a trouvé son chemin. L’hypnothérapeute peut commencer : « Imaginez ce vent qui sèche votre transpiration, qui chasse la bouffée de chaleur inutile. Laissez-vous porter par le vent… » Une dizaine de minutes plus tard, à la fin de la séance, Françoise se sent bien mais « quand même un peu mouillée » par la bouffée de chaleur survenue pendant la séance. Toujours pas très convaincue par sa capacité à s’auto-hypnotiser, elle demande au médecin : « Vous pensez que ça vaut le coup que je continue de m’entraîner ? » « Oui. Vous devez trouver une situation qui vous parle et l’activer sensoriellement. Il ne faut pas seulement y penser, il faut que vous la reviviez avec tous vos sens. Il faut occuper votre cerveau à autre chose. »
Rassurée par ces paroles d’encouragement, Françoise quitte le cabinet en promettant : « Je vais penser à votre sourire et m’accrocher. »
À VOIR AUSSI : Retrouvez le Dr Marcou dans cette vidéo !
*Les prénoms ont été changés