« Mon hormonothérapie et moi », une série de 5 témoignages sur le vécu des femmes sous hormonothérapie, fait suite à un appel à témoin auprès de notre communauté. Pour vous en rappeler le contexte et ses limites, nous vous invitons à lire au préalable cet article.
J’ai déclaré un cancer du sein à 45 ans. J’ai commencé à prendre du Tamoxifène, un anti-œstrogènes, il y a un an et demi. Je n’étais alors pas ménopausée. Mon oncologue ne m’a parlé de ce traitement que 15 jours après mon ablation mammaire et dans des termes plutôt rassurants : « Ce n’est qu’un petit cachet à prendre pendant 5 ans pour vous protéger ». Pendant 5 ans… Ça a été difficile à encaisser. Je pensais en avoir fini et me revoilà repartie pour 5 ans de traitement.
Et puis, je me suis mise à avoir des problèmes de mémoire : je vais dans une pièce sans parvenir à me rappeler ce que je suis venue y faire, je perds constamment mon portable et je le retrouve dans des endroits improbables, j’oublie mes rendez-vous, même ceux qui me font plaisir. J’ai aussi du mal à rester concentrée, je cherche mes mots… C’est comme si j’avais perdu mon cerveau en même temps que mon sein !
« Je pensais en avoir fini et me revoilà repartie pour 5 ans de traitement »
Je n’ai pas fait le lien avec l’hormonothérapie parce que mon oncologue ne m’a jamais parlé d’effets secondaires. Alors j’ai cru que j’avais la maladie d’Alzheimer. J’ai fait tous les tests. Mais rien. Les médecins m’ont dit que j’avais repris le travail trop tôt, que c’était la fatigue. Il faut dire que j’ai recommencé à travailler 2 mois après mon ablation. Mais c’était important pour moi parce que j’avais l’impression de mettre le cancer derrière moi. Et puis, j’aime mon travail, j’ai toujours été très impliquée, je gèrais 8 personnes… Je me suis vite rendue compte que cela allait être difficile avec mes problèmes cognitifs.
J’ai finalement été arrêtée en avril. La raison officielle : dépression post-cancer. Je ne nie pas être très angoissée à l’idée d’une rechute et être très triste d’avoir perdu mon sein mais je suis convaincue que l’hormonothérapie joue un rôle important dans mon état dépressif.
« C’est comme si j’avais perdu mon cerveau en même temps que mon sein ! »
J’en ai parlé à mon oncologue qui m’a avoué entendre parler de ce symptôme de temps en temps mais que le lien n’était pas avéré avec l’hormonothérapie. Elle m’a dit : « Si vous voulez être sûre, arrêtez le médicament pendant 1 mois. Si ça va mieux, arrêtez-le définitivement. Les bénéfices qu’il vous apporte ne compensent pas les troubles qui pénalisent votre quotidien.» Alors j’ai arrêté. Mon état s’est beaucoup amélioré. Mais j’avais peur d’arrêter totalement alors je suis allée voir mon chirurgien. Je lui ai dit que j’étais prête à ce qu’il me retire mon second sein si ça me permettait d’arrêter l’hormonothérapie. J’en étais arrivée là ! Sa réponse a été claire : « Il ne faut surtout pas que vous arrêtiez, ce médicament a une réelle efficacité. »
Je me retrouve donc avec 2 sons de cloche radicalement opposés. Comme j’ai l’impression qu’il me protège, pour l’instant je continue le Tamoxifène. Mais ses effets secondaires sont vraiment très handicapants et on ne me propose pas de solution. En lisant Rose Magazine, j’ai découvert qu’il existait des ateliers à Bordeaux pour travailler sa mémoire (voir notre article « Onco’gite, un atelier pour remédier aux pertes cognitives post-chimiothérapie ») mais il n’y en a pas à Marseille, où je vis…
Pendant longtemps je me suis obstinée à retrouver mon ancienne vie. Aujourd’hui, je veux juste commencer une vie qui me permette de concilier mes difficultés avec une activité professionnelle et sociale.
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Propos recueillis par Emilie Groyer