Depuis que vous êtes sous hormonothérapie, vous rencontrez des petits problèmes de mémoire ? Ce n’est pas une coïncidence, et la raison se cache peut-être dans votre sommeil. C’est ce que suggèrent les travaux menés par l’équipe du Dr Joy Perrier et de la Pr Bénédicte Giffard, de l’unité Neurophysiologie et Imagerie de la Mémoire Humaine à l’université de Caen Normandie1.
Un lien possible entre cerveau et hormonothérapie
Dans une précédente étude, leur équipe avait déjà observé que les femmes sous hormonothérapie passaient plus de temps éveillées et bougeaient plus durant la nuit, en comparaison à des femmes traitées pour un cancer du sein mais qui ne recevaient pas ce traitement. “Or, le sommeil est crucial dans le fonctionnement cognitif, rappelle le Dr Perrier. Quand on dort, s’opère la consolidation mnésique : le stockage dans la mémoire à long terme ce que l’on a appris au cours de la journée.«
Par ailleurs, les cibles de l’hormonothérapie – à savoir les oestrogènes et les aromatases – sont particulièrement présentes dans l’hippocampe, siège de la mémoire.
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Un sommeil perturbé et une mémoire altérée
Partant de ce faisceau d’indices, le Dr Perrier et son équipe ont cherché à savoir comment se comportait le cerveau des femmes sous hormonothérapie durant leur sommeil. Grâce à un appareil de polysomnographie, ils ont enregistré les ondes cérébrales de 17 patientes sous anti-aromatases et les ont comparées à celles de 17 femmes traitées pour un cancer du sein non traitées par hormonothérapie. Pour éviter tout biais, aucune d’entre elles n’avait reçu de chimiothérapie, ce traitement étant connu pour altérer les fonctions cognitives (le fameux chemofog).
Résultats : chez les femmes sous anti-aromatases, on observe une réduction des ondes dites “lentes” caractéristiques du sommeil profond, durant lequel se fait la consolidation de la mémoire. En outre, ces femmes rencontraient plus de difficultés à se remémorer des actions à réaliser dans le futur.
Mieux prendre en charge les troubles du sommeil
“Notre étude montre pour la première fois, avec des mesures objectives, un lien entre sommeil perturbé et mémoire prospective2 altérée, chez des femmes sous hormonothérapie, explique le Dr Perrier. Grâce à ces résultats, nous souhaitons sensibiliser les médecins à l’importance de prendre en charge les troubles du sommeil de ces femmes, qui doivent prendre ce traitement pendant plusieurs années.”
Pour ce faire, les médecins peuvent se reposer sur le référentiel “Cancer et sommeil” de l’AFSOS3 auquel le Dr Perrier a contribué. “La TCC (thérapie cognitivo-comportementale, NDLR), une thérapie psychothérapeutique courte, est l’approche non médicamenteuse de référence pour traiter l’insomnie chez les personnes touchées par un cancer. Mais la prise en charge peut différer selon la cause du trouble du sommeil : apnée, dépression… Le mieux est de se référer à son oncologue, qui saura proposer le traitement adapté.”
1. Cette étude a été réalisée en collaboration avec le Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse et financée par la Fondation ARC, la Région Normandie, le Cancéropôle Nord-Ouest, la Ligue Contre le Cancer et la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil.
2. Mémoire permettant de se souvenir de réaliser des actions dans le futur.
3. Association francophone des soins oncologiques de support