Au lendemain de la présentation du programme « Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens » par Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et François de Rugy, ministre de la Transition écologique, la nouvelle fait grand bruit. La décision d’autoriser le glyphosate pour 5 ans supplémentaires dans l’Union européenne (UE) repose sur un rapport qui plagie largement celui des fabricants du pesticide, Monsanto en tête.
Plagiat versus copié/collé « bénin »
C’est la conclusion à laquelle sont arrivés Stefan Weber, chercheur allemand spécialisé dans le plagiat, et Helmut Burtscher-Schaden, biochimiste autrichien et auteur du livre « The glyphosate files » dans leur étude commanditée par 9 députés européens appartenant à différents courants politiques (Verts, Socialistes et Démocrates et Gauche unitaire européenne). Pour ce faire, ils ont comparé le rapport de la BfR1, autorité désignée par l’UE pour évaluer les risques sur la santé, et celui de l’UBA2, chargée d’évaluer les risques environnementaux, aux dossiers d’agrément déposés par la Glyphosate Task Force3. Ils ont ensuite analysé l’ensemble des textes en commun pour déterminer s’il s’agissait d’un plagiat ou d’un copié/collé « bénin ».
Les auteurs font en effet la distinction entre les citations faites en toute bonne foi, clairement identifiées comme telles et dont les auteurs originaux sont désignés (copié/collé « bénin »), des plagiats qui relèvent de la manipulation. « Le plagiat est presque toujours lié à de la fraude et à une tromperie du lecteur, expliquent-ils dans l’introduction de leur rapport, (…) il consiste à dissimuler le véritable auteur et conduit le lecteur à une fausse idée de la paternité du texte. »
50% de plagiat
Résultat des courses : dans les chapitres où les études scientifiques sur les risques pour la santé sont évaluées, 50,1% du contenu a été identifié comme étant un plagiat, 22,7% du copié/collé bénin, soit au total 72,8% de texte commun entre le rapport de la BfR et le dossier des industriels. Le plagiat est encore plus flagrant dans la section dédiée aux études sur la carcinogenèse, la reproduction et l’intégrité des gènes : le chapitre de 46 pages copie quasiment entièrement le rapport de Monsanto.
« Cela [le plagiat] inclut des paragraphes et des pages entières de texte décrivant la méthode, le résultat d’études et évaluant leur pertinence et leur fiabilité » précisent les auteurs. La BfR se serait donc calée sur l’approche des industriels pour retenir ou non une étude publiée dans le domaine. Les auteurs expliquent ainsi pourquoi l’autorité a finalement écarté toutes les publications scientifiques menées sur le glyphosate ou ses formulations (comme le Round’Up, herbicide de Monsanto) y compris l’étude épidémiologique que le CIRC4 avait retenu pour conclure que le glyphosate est un « cancérogène probable ».
Si le discrédit est jeté sur la BfR, le rapport de l’UBA sur les risques environnementaux reste en revanche crédible : les copiés/collés et plagiats y étant très minoritaires (respectivement 2,5 et 0,1%).
Une pratique en désaccord avec une évaluation indépendante
À la question « Est-ce que ce plagiat a influencé les conclusions du BfR sur l’innocuité du glyphosate ? », la réponse des auteurs est claire : « oui ». « Il est évident que l’adoption sans esprit critique d’informations incorrectes, incomplètes et biaisées provenant des fabricants par le moyen de copiés/collés a influencé la base de son évaluation » assènent les auteurs. Leur conclusion est sans appel : « La pratique du BfR de copier/coller et de plagier est en désaccord avec une évaluation des risques indépendante, objective et transparente. »
Le glyphosate est officiellement autorisé jusqu’en 2022. Espérons que l’Union européenne n’attendent pas cette échéance pour ré-évaluer son risque pour la santé humaine.
Emilie Groyer
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Bundesinstitut fur Risikobewertung, institut fédéral
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Umweltbundesamt, agence allemande de l’environnement
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Groupe rassemblant une vingtaine d’industriels du domaine mené par Monsanto
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Centre international de la recherche sur le cancer