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Le cancer de la thyroïde en sept questions

{{ config.mag.article.published }} 22 août 2016

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Illustration Julie Bernard

De mieux en mieux diagnostiqué, le cancer de la thyroïde se guérit dans l’immense majorité des cas. Seule contrainte, vivre sous hormonothérapie après l’ablation.

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Au rayon des bonnes nouvelles, le cancer de la thyroïde décroche la palme ! D’abord, un comité international de 29 experts vient de déterminer qu’une variété particulière de tumeur dite indolente, appelée « variant folliculaire encapsulé du carcinome papillaire », ne devait plus être considérée ni traitée comme un cancer en raison de son potentiel de malignité extrêmement faible. Cette reclassification permettra à environ 1 500 personnes par an en France (45 000 dans le monde) de ne plus s’entendre annoncer un cancer après une opération pour nodule « suspect » et d’éviter des traitements lourds.

Deuxième bonne nouvelle : selon le stade et le type de la tumeur constatés, le cancer de la thyroïde se verra appliquer un droit à l’oubli de trois à dix ans après la fin des traitements, comme le cancer du testicule. « Une chose en moins contre laquelle se battre, se félicite Beate Bartès, fondatrice de l’association de patients Vivre sans thyroïde. Il était plus que temps de reconnaître qu’après un cancer, on peut être guéri, avoir des projets et vouloir mener une vie tout simplement normale sans être traité comme un citoyen de seconde zone ! Pour autant, il ne faudrait pas réduire ce cancer au rang de ‘‘bon’’ cancer. Aucun cancer n’est ‘‘bon’’, disons plutôt que c’est le ‘‘moins pire’’ – et qu’on peut très souvent en guérir. » Nos explications, en sept questions…

1. La thyroïde, c’est quoi?

C’est une petite glande située à la base du cou et dotée de superpouvoirs… Malgré ses 20 grammes et ses allures de frêle papillon, elle est le régulateur central de notre organisme, rien de moins ! Les hormones T3 et T4 qu’elle fabrique, essentiellement grâce à l’iode apporté par l’alimentation, régulent toutes les grandes fonctions vitales. Température du corps, poids, humeur, système digestif et même vie sexuelle sont gouvernés par ces hormones. En général, le cancer thyroïdien ne s’accompagne toutefois d’aucune anomalie hormonale et est évoqué en présence d’un nodule (mais attention, l’immense majorité des nodules thyroïdiens sont bénins !).

2. Le cancer de la thyroïde, c’est quoi?

Avec plus de 10 000 cas diagnostiqués l’année dernière, l’incidence du cancer de la thyroïde augmente de 6 % par an, régulièrement depuis trente ans. Dans 85 % des cas d’ablation du carcinome en même temps que de la glande elle-même, aucune récidive n’est détectée. Dans 5 à 15 % des cas restants, la rechute apparaît soit localement (loge thyroïdienne ou ganglions du cou) soit, plus rarement, avec des métastases à distance (pulmonaires, osseuses). Ces cas de récidive peuvent souvent être guéris. Dans la majorité des cas, même en cas de maladie persistante, le cancer de la thyroïde, le plus souvent lentement évolutif, permet une survie assez longue avec une bonne qualité de vie.

Selon la nature des cellules impliquées, on distingue plusieurs types de cancers thyroïdiens. Les plus fréquemment diagnostiqués présentent des tumeurs dites différenciées, papillaires ou folliculaires. Ils ont les meilleurs pronostics et représentent 90 % des cas. Les tumeurs indifférenciées (ou anaplasiques) sont celles dans lesquelles les cellules ont un comportement totalement anarchique mais, heureusement, elles sont très rares. Plus délicates à traiter, de moins bon pronostic, elles doivent être prises en charge en urgence. Viennent ensuite les cancers médullaires, qui ne répondent pas au même type de traitement (voir ci-dessous).

3. Comment soupçonner un cancer de la thyroïde?

La plupart du temps, cette maladie évolue silencieusement. C’est en palpant une masse anormale au niveau de la glande que l’on soupçonne l’existence d’une tumeur, bénigne ou maligne. Plus rarement, une toux persistante, une douleur dans la gorge peuvent alerter, ou bien une difficulté à avaler ou à respirer. Très souvent, la découverte est fortuite et elle résulte d’un examen échographique – doppler des vaisseaux du cou – ou d’imagerie.

4. Quels examens permettent d’obtenir un diagnostic?

L’échographie peut déceler une tumeur solide (nodule) ou liquide (kyste), explique le Dr Audrey Dalac, onco-endocrinologue à l’institut Jean-Godinot, à Reims. Les micronodules (moins de 1 cm) seront simplement surveillés. Quand la tumeur est solide et mesure plus de 2 cm, on pratique une cytoponction (prélèvement de cellules) afin d’en connaître la nature exacte. Pour les tumeurs entre 1 et 2 cm, la cytoponction pourra être décidée en fonction de leur aspect clinique (sont-elles palpables ou non ?), échographique (rassurant, douteux ou suspect), de leur évolution (nodule stable ou qui grossit) et du contexte (antécédents personnels de radiothérapie, antécédents familiaux de cancers thyroïdiens…). Complétée par le dosage de la TSH (l’hormone hypophysaire commandant la thyroïde), la ponction permet d’estimer le caractère douteux ou non du nodule. » Environ 5 % des nodules sont cancéreux. Quand un nodule est très suspect à l’échographie et/ou à la cytoponction, ou quand il est gros et/ou gênant, on préconise généralement l’opération.

5. Y a-t-il des sujets prédisposés à ce cancer?

Il est deux à trois fois plus fréquent chez les femmes, souvent jeunes : 50 % sont atteintes avant 45 ans, en raison de l’influence des hormones et des grossesses, qui favorisent la constitution de goitres et de nodules thyroïdiens. Entre 3 % et 5 % des patients atteints de cancer papillaire de la thyroïde (qui représente 70 % des cancers de la thyroïde) ont un parent lui-même concerné, mais aucun marqueur génétique n’a été clairement identifié. Parmi les cancers médullaires (qui représentent 2% des tumeurs de la thyroïde), 25% à 30% sont des formes familiales en rapport avec une mutation constitutionnelle du gène RET.

6. Quels sont les traitements?

Une fois écartés les micronodules simplement surveillés et les nodules plus gros qui se révèlent bénins à la cytoponction, reste le cas des tumeurs douteuses ou malignes. Pour les traiter, on pratique l’ablation totale (thyroïdectomie) ou partielle (lobectomie) de la glande, ainsi que des ganglions si ces derniers sont envahis. La technique chirurgicale classique implique une incision horizontale de quelques centimètres à la base du cou.

Avec le temps, cette cicatrice située dans les plis naturels devient peu visible mais, à l’avenir, on pourrait même l’éviter grâce à la chirurgie robotique mise au point en 2010 par un chirurgien coréen. En passant par l’aisselle, voire derrière l’oreille (comme pour un lifting), le résultat esthétique est meilleur, avec une cicatrice plus petite et moins exposée. Le Dr Dana Hartl, chef de l’unité de chirurgie thyroïdienne à Gustave-Roussy, vient d’utiliser cette voie « particulièrement prometteuse qui permet un accès aux aires ganglionnaires en plus de la thyroïde. Cela limite le décollement cutané, les douleurs thoraciques et le risque pour le plexus brachial ».

Selon le risque de récidive des tumeurs différenciées, on complète par l’administration d’une gélule d’iode radioactif 131 dans une chambre protégée, afin d’irradier et de détruire les cellules thyroïdiennes normales et cancéreuses résiduelles. Après cette thérapie, 85 % des malades sont totalement guéris et peuvent vivre normalement, avec pour seule contrainte la prise quotidienne de thyroxine pour remplacer l’hormone absente. Outre 5 % de cas difficiles ou inopérables d’emblée, on compte environ 10 % de rechutes locales, en majorité traitables par l’iode 131 et la chirurgie, ou avec métastases, dont un tiers sont sensibles au traitement par l’iode 131.

Les cancers avancés, difficiles à traiter car réfractaires au traitement conventionnel, sont suivis dans le réseau Tuthyref (Tumeurs de la thyroïde réfractaires), qui regroupe les compétences de 30 centres français. Jusqu’à récemment, il n’y avait pas de traitement efficace à proposer contre ces cancers. Mais, désormais, de nouvelles molécules comme le lenvatinib, un traitement ciblé par inhibiteur de kinases, attaquent les cellules cancéreuses et les vaisseaux qui les nourrissent, et ralentissent l’évolution de la maladie pendant plusieurs mois. Selon le Pr Martin Schlumberger, chef du service Médecine nucléaire et oncologie endocrinienne à Gustave-Roussy, « les résultats sont souvent spectaculaires et sa toxicité peut en général être contrôlée ». Autre voie prometteuse, l’immunothérapie.
« La recherche de certaines mutations dans les tumeurs pour individualiser le traitement, testée dans le cadre d’essais cliniques, donne des résultats encourageants. Par exemple, dans les cancers médullaires et les cancers papillaires, si la mutation « RET » est présente, on peut ainsi miser sur des inhibiteurs de RET », détaille le Dr Camila Nascimento, endocrinologue spécialiste des pathologies thyroïdiennes à l’institut Curie.

7. Quel suivi après l’ablation?

Habituellement, un premier bilan est effectué trois mois après la fin du traitement initial. Ensuite, il est renouvelé tous les six mois à un an, tout au long de la vie. En plus d’un examen clinique, la consultation comporte une échographie cervicale et, dans le cas des cancers papillaire et folliculaire, un contrôle biologique par dosage de la thyroglobuline. Cette protéine n’est produite que par le tissu thyroïdien. Après l’ablation complète de la thyroïde, son taux doit donc devenir indécelable. Toute présence, et surtout élévation du taux de thyroglobuline traduit l’existence de cellules thyroïdiennes résiduelles et d’éventuels foyers cancéreux. Dans ce cas, une prise en charge spécifique sera nécessaire (iode 131, éventuellement chirurgie…). Pour le cancer médullaire, c’est le taux d’une hormone, la calcitonine, qui sert de « marqueur » pour la surveillance.

1 jour, 1 diagnostic

Précurseur du diagnostic en une demie-journée, l’Institut Jean Godinot, qui dispose également du Registre des cancers thyroïdiens Marne-Ardennes depuis 1975, propose une prise en charge complète, rapide et adaptée au patient. Avantages? Un seul intervenant dans la journée – l’endocrinologue est formé en échographie et en cytoponction -, un plateau pour les scintigraphies et la tomodensitométrie, et des résultats disponibles rapidement (parfois le jour même), ce qui évite des allers-retours et de longs moments d’angoisse aux patients. Le système, qui a largement fait ses preuves, existe également au centre Paul-Strauss, à Strasbourg, à Gustave-Roussy, à Villejuif, et à l’hôpital de Bicêtre. A l’hôpital de Saint-Cloud, l’institut Curie propose aussi de concentrer sur une seule journée tous ces examens, et en fournit les résultats 10 à 15 jours plus tard.

Dossier réalisé en partenariat avec la fondation ARC
Article mis à jour le 9 juillet 2019

 


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Céline Dufranc

Journaliste

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