Journaliste à France Info, Clémentine Vergnaud apprend le 6 juillet 2022 que les douleurs abdominales qu’elle ressent depuis près de quatre mois sont dues à un cholangiocarcinome. Un cancer des voies biliaires rare (2 cas pour 100 000 personnes) qui touche en général des hommes âgés. Elle n’a alors que 29 ans.
Ce cancer inexplicable, la jeune femme comprend rapidement qu’elle n’en guérira pas, qu’elle va devoir vivre avec. La douleur, l’incompréhension, la colère, la peur, mais aussi l’amour, l’espoir, la curiosité, la douceur traversent le récit qu’elle fait de ce basculement insensé qui la propulse dans un autre monde et une tout autre vie que celle à laquelle elle aspirait.
À 30 ans, avec des mots limpides, elle raconte son quotidien dans « Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine », un podcast qui remue et chahute, qui éclaire aussi, mais surtout qui change les regards sur la maladie. Authentique et lumineux à l’image de son héroïne. Interview.
À quel moment avez-vous eu l’idée de ce journal intime en podcast ?
Clémentine Vergnaud. Cela a pris un peu de temps. Je me souviens qu’après le diagnostic, je suis retournée à France Info, dans mon service, pour annoncer à l’équipe que j’avais un cancer, et que j’allais devoir m’arrêter de travailler. Et quelqu’un m’a dit : « tu vas faire un blog ? ». A ce moment-là, cette idée m’avait choquée. Et puis, début janvier 2023, j’ai commencé à écrire dans des carnets sur ce que je vivais. Ça m’aidait beaucoup. Par ailleurs, je donnais périodiquement de mes nouvelles à un groupe d’amis et de collègues sur Whatsapp. Parmi eux il y avait Samuel (Samuel Aslanoff co-auteur du podcast, ndlr), c’est lui qui m’a encouragée à faire un podcast de ce que je leur racontais. Cette idée de réaliser quelque chose, de pouvoir laisser une trace a fini de me convaincre.
Vous êtes très transparente, très franche. Aucune appréhension à vous dévoiler autant ?
J’ai eu une hésitation la veille du lancement. Je me suis demandé qui allait prendre le temps d’écouter un récit aussi honnête avec des moments aussi difficiles, voire durs ? J’ai aussi eu peur qu’on dise « tu t’exhibes » alors que je voulais expliquer ce que c’était que d’avoir un cancer en 2023.
Les retours des auditeurs vous ont-ils rassurée ?
Ils ont été très positifs. Les gens ont compris l’idée, je n’en désirais pas plus. J’ai reçu des messages de malades contents d’entendre quelqu’un qui faisait entendre leur voix. Des amis m’ont dit qu’ils avaient ri, pleuré, qu’ils avaient été en colère avec moi en m’écoutant. Des proches, des amis comme des membres de ma famille, m’ont aussi confié que cela les avait aidés à comprendre ce à quoi je faisais face, et l’agressivité de ce cancer. Ca a changé leur regard.
Et vous, qu’en retirez-vous ?
Ça m’a fait du bien de parler, ça m’a galvanisée. Si on est à l’aise bien sûr, il faut verbaliser le cancer. Cela fait partie de la vie. Aujourd’hui, je pense que j’y ai gagné en résilience, même si certains jours cela va moins bien.
En couverture de Rose magazine n°25, automne-hiver 2023, Clémentine Vergnaud témoigne dans notre dossier consacré au choix de la perruque. Un sujet qu’elle évoque aussi dans un épisode de son podcast intitulé « J’ai l’air d’un clown ». Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine est à écouter sur les sites de Francetvinfo.fr et Radiofrance.fr. Et/ou à télécharger sur l’appli Radio France.
Vous avez déjà eu plusieurs lignes de traitements, est-ce que cela est compatible avec une reprise du travail ?
A priori j’espère pouvoir revenir en mi-temps thérapeutique. J’ai la chance d’être bien accompagnée professionnellement. Je pars, on prend de mes nouvelles, on m’attend et me dis reviens quand tu peux. C’est une chance.
Vous avez eu 31 ans en août 2023. Comment envisagez-vous votre vie ?
Franchement, avec ce cancer qu’on ne guérira pas je n’envisage pas grand-chose… J’avais toujours rêvé d’avoir des enfants mais on m’a fait comprendre qu’avec mes traitements, incompatibles avec une grossesse, ce ne serait pas possible pour moi d’être maman. Cela a été très dur à entendre. Mais avec le temps, et en verbalisant les choses, ça aide à un peu mieux l’accepter…
Votre compagnon comment a-t-il vécu tout ça ?
Il est très présent, mais pour lui aussi, globalement, cela a été une déflagration. Dès le début il a eu beaucoup de questions… Mais je préfère ne pas en dire plus parce que cela fera l’objet d’un épisode dans la saison 2 du podcast.
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Propos recueillis par Sandrine Mouchet